Recevoir la newsletter

Services à la personne : cet accord prévoyance qui grippe le dialogue social

Article réservé aux abonnés

Elderly person

1,04 million de salariés du service à la personne pourraient être concernés par la couverture prévoyance inscrite dans l'accord du 28 février 2025.

Crédit photo Phanie via AFP
La menace de deux organisations d’employeurs de s’opposer à l’accord prévoyance signé le 28 février 2025 dans la branche du service à la personne entraîne un gel de l’ensemble des négociations à venir, après que les syndicats ont appelé à les boycotter en retour. Le tout sur fond de conflit d'influence entre organisations patronales.

Des syndicats qui pratiquent le jeu de la chaise vide. Des organisations patronales qui ne parlent plus entre elles que par communiqués de presse interposés, quand ce n’est pas à coups d’invectives sur les réseaux sociaux… La situation au sein de la branche du service à la personne est sous haute tension depuis près de deux mois. 

En cause : l’accord sur la prévoyance, signé le 28 février dernier par deux des organisations d’employeurs (Fedesap et FFEC*) et les quatre syndicats de salariés représentatifs (CGT, CFDT, FO et CFTC), adressé dans la foulée à la direction générale du travail (DGT) pour examen avant agrément. Mais contre lequel les deux organisations patronales non-signataires (FESP et Synerpa) menacent de faire valoir leur droit d’opposition majoritaire, à l’instant même où il aura reçu la validation de l’administration…

>>> A lire aussi: Bass : la conférence salariale 2025 fait un flop

Accord a minima

Pourtant, si elle constitue le tout premier texte paritaire relatif à la prévoyance dans la branche depuis sa création en septembre 2012 – en dépit d’une première tentative de négociation en 2013 avortée –, la convention en elle-même ne présente pas vraiment de caractère révolutionnaire. « L'accord ne propose que de couvrir le décès et l’invalidité, mais pas la maladie », résume Frank Nataf, président de la Fedesap. Il n’empêche. Son élaboration a mis en lumière les profondes divisions qui traversent le camp patronal du secteur.

Retour en arrière : en 2021, à l’initiative de la CFDT et de FO, les partenaires sociaux d’une branche connue pour son dialogue social difficile – au point qu’un administrateur de la DGT (direction générale du travail) siège aux séances de négociation pour s’assurer de leur bon déroulement –  se sont entendus sur un projet d’accord a minima excluant de son champ l’invalidité et la maladie, renvoyés aux politiques de prévoyance des entreprises dans un secteur connaissant un important taux de turn-over.

« Ce n’était pas de gaieté de cœur, nous aurions aimé un accord plus large, mais c’était la condition nécessaire pour obtenir un maximum de signatures », se souvient Guilain Bihan, secrétaire fédéral de la CFDT Services.

>>> A lire aussi: Bass : les syndicats attendent le chiffrage du coût de la convention collective unique et étendue

Litige autour de l'ancienneté

Les premières divergences dans le camp patronal ont cependant rapidement émergé au moment de négocier l’ancienneté nécessaire à un salarié d’une entreprise de la branche pour être éligible à cette couverture prévoyance dont le coût est estimé annuellement à 25 millions d’euros pour l’ensemble du secteur.

« Nous étions partis sur une durée minimale de 12 mois, ce qui nous paraissait intéressant pour valoriser les salariés choisissant de faire carrière dans nos entreprises, au vu du taux de départ très élevé chez nous. Puis, à la demande de la Fedesap, nous avons progressivement réduit cette durée à 4 mois, puis à 2. C’était un sacrifice auquel nous avons consenti, malgré son coût pour nos entreprises adhérentes, afin de conserver l’union patronale », explique Mehdi Tibourtine, directeur général-adjoint de la FESP, la plus grosse fédération d’employeurs du secteur qui pèse à elle seule plus de la moitié des effectifs salariés.

Sauf que, retournement de situation, lors de la séance de négociation conclusive de janvier 2025, la Fedesap et la FFEC se sont accordées avec les syndicats autour d’un nouveau texte, ne prévoyant, cette fois, aucune durée minimale d’ancienneté. C’est cet accord qui fut alors signé – y compris par la CGT qui n’avait paraphé aucun accord en près de quinze ans – et envoyé pour agrément à la DGT, provoquant la colère de la FESP et du Synerpa, jugeant avoir été flouées à cette occasion.

18 euros

Il faut dire qu’avec ce nouvel accord, le coût de la prévoyance pour les employeurs d’un secteur majoritairement composé de TPE, se retrouve gonflé de 18 euros par salarié, justifiant la menace des organisations principales réfractaires de faire valoir leur droit d’opposition en cas de validation du texte par l’administration du travail. « La FESP est favorable à une couverture prévoyance pour les salariés ! Mais pas à n’importe quel prix, et certainement pas au prix de l’équilibre économique des entreprises, dont dépendent l’emploi et la pérennité du secteur tout entier », indiquait encore l’organisation – soutenue par son homologue du Synerpa - le 16 avril dernier dans un communiqué.

Car depuis, le dialogue social est l’arrêt dans la branche, les syndicats ayant unanimement décidé de boycotter toute négociation tant que la FESP et le Synerpa n’ont pas retiré leur menace d’opposition à l’accord. « Nos professionnels sont trois fois plus touchés par les accidents du travail que dans d’autres branches. Alors même si cet accord n’était pas complètement satisfaisant, il est hors de question d’accepter son annulation sous prétexte d’économies », prévient Stéphane Fustec, conseiller fédéral au sein de la CGT Commerce et Services. D’autant que l’argument des 18 euros supplémentaires ne passe pas, y compris auprès des organisations patronales signataires.

>>> A lire aussi: ”Nexem appelle à la création d’une caisse nationale des solidarités pour remplacer la CNSA“ (Alain Raoul)

Tensions patronales 

« 18 euros par contrat et par salarié, cela représente une dépense de 400 000 euros. Comparé au volume total de la prévoyance de la branche qui représente 25 millions d’euros, c’est largement absorbable par nos entreprises et c’est un facteur d’attractivité non-négligeable pour nos métiers. Si la FESP refuse cet accord, c’est surtout parce qu’en tant qu’adhérente au Medef, elle veut se faire la porteuse d’une position patronale intransigeante », lance Frank Nataf. Côté syndical, on perçoit aussi dans ces bisbilles internes au patronat le reflet des tensions existantes au plan interprofessionnel entre le Medef et la CPME dont le président récemment élu, Amir Reza-Tofighi, était justement l’ancien dirigeant de la Fedesap…

Il n’empêche que, depuis, toutes les discussions paritaires sont gelées, faute de présence des organisations syndicales. Une situation jugée intenable par la FESP. « Nous avons des négociations urgentes en attente : sur la formation professionnelle où, faute de consensus, nous ne sommes pas en mesure de débloquer les fonds auprès de notre Opco ; mais aussi sur les NAO où les classifications dans une branche où, suite aux dernières revalorisations du SMIC, trois échelons de notre grille salariale se situent désormais en-deçà du salaire minimal », plaide Mehdi Tibourtine.

« La FESP met en avant l’argument de la santé financière des entreprises, mais si elle bloque sur 18 euros de prévoyance, que pourra-t-elle proposer lorsqu’il s’agira de revaloriser les salaires ou revoir la grille des classifications à la hausse ? » rétorque Guilain Bihan. Sauf sortie de crise, la suite des évènements demeure aujourd’hui suspendue à la décision de la DGT sur l’extension d’un accord qui impactera les 1,04 millions de salariés de la branche. Celle-ci n’a pour l’instant pas donné d’indication sur une date de remise de sa copie…

>>> A lire aussi: Pourquoi la CFDT assigne 300 ESMS du secteur lucratif en justice

 

*Fédération française des entreprises de crèche: elle a rejoint la branche des services à la personne début 2025.

Management et réseaux

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur