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Respect des droits fondamentaux : l’héritage d’Adeline Hazan

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Adeline Hazan, ancienne contrôleur général des lieux de privation

Crédit photo DR
Le mandat d’Adeline Hazan au poste de contrôleur général des lieux de privation de liberté s’achève. La psychiatrie et les conditions de détention en maisons d’arrêt ont été ses priorités. Le respect des droits fondamentaux, quels que soient la période et le contexte sociétal et politique, ont été systématiquement mis en avant.

Après six années de mandat, Adeline Hazan a quitté son poste de contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), jeudi 16 juillet. L’occasion pour elle de revenir sur son action à la tête de l’autorité administrative indépendante créée par la loi du 30 octobre 2007 et de proposer un état de la situation des lieux de détention, de rétention et d’hospitalisation français en matière de droits fondamentaux. « Nous avons effectué 900 missions en six ans, avec beaucoup de temps sur le terrain. Malgré le fait qu’il puisse y avoir des désaccords avec le gouvernement, le contrôle n’a jamais été remis en cause et nos constatations n’ont jamais été contestées », se félicite Adeline Hazan.

Elle revient sur le volet psychiatrie de sa mission. « Il s’agissait d’une priorité forte de mon mandat. Je suis fière d’avoir pu faire avancer les choses en psychiatrie », déclare-t-elle. Le contrôle permet d’améliorer les situations mais aussi d’alimenter le débat avec les pouvoirs publics. Ainsi, depuis 2014, 164 visites en établissements de santé mentale ont eu lieu. Bien que, pour le secteur, de nombreuses problématiques subsistent, Adeline Hazan considère qu’un changement de perception du travail du contrôleur général des lieux de privation de liberté s’est opéré. Considérée au départ comme peu légitime, l’autorité administrative serait désormais perçue comme un partenaire par les professionnels, « et cela alors même que des rapports durs ont été publiés en 2015 et en 2016 », précise-t-elle. Dès le départ, l’urgence recensée se portait sur l’isolement et la contention.

La disparité des pratiques et des doctrines d’un établissement à un autre, voire d’un service à un autre, en fonction des encadrants a été identifiée. Les difficultés tiennent aussi à la différence de moyens entre les établissements de santé qui peuvent être traversés par des crises budgétaires, ce qui, de fait, se répercute sur les effectifs et sur le service rendu. Par ailleurs, le constat démontre que sur un territoire, plus il y a d’extra-hospitalisations, moins il y a d’hospitalisations sous contrainte. « Sur les trente dernières années, la suppression de la moitié des lits n’a pas abouti à un renforcement des extra-hospitalisations », déplore Adeline Hazan.

L’évolution de l’isolement et de la contention

Ainsi, trois rapports du contrôleur général des lieux de privation de liberté ont été consacrés à la psychiatrie depuis 2014 autour du principe « hospitaliser moins pour soigner mieux ». En termes d’avancées législatives, le travail de la contrôleure générale a permis de qualifier l’isolement et la contention de « mesures de sécurité » et non plus d’actes de soin. Ces pratiques doivent désormais intervenir en dernier recours en cas de crise. Afin d’homogénéiser la prise en charge, Adeline Hazan préconise la création d’une autorité nationale et regrette que les travaux des groupes de travail du ministère des Solidarités et de la Santé n’aient pas abouti à la mise en place de l’Observatoire de l’isolement et de la contention.

Elle souhaite également la création d’une loi relative à la santé mentale, la psychiatrie ayant représenté une large part de son mandat, bien que ce secteur ne génère qu’environ 10 % des saisines. Et la majorité relève du domaine des centres pénitentiaires. « Le CGLPL est une entité très importante. Il permet l’amélioration de situations. Nous incitons nos bénévoles à saisir anonymement la structure ou à inciter les détenus à le faire », explique Jean Caël, responsable du département prison-justice pour le Secours catholique Caritas France.

Il regrette que la contrôleure générale n’ait pas de pouvoir d’injonction. La condition des détenus en matière de droits fondamentaux reste donc une préoccupation majeure, principalement pour des raisons conjoncturelles. La sécurité qui s’est renforcée depuis les attentats terroristes de 2015 réduit la qualité du respect des droits des détenus. « Maintenant, les droits fondamentaux sont perçus comme un supplément d’âme qu’on ne peut pas se permettre et nous luttons contre cela », explique Adeline Hazan. En témoigne son opposition au durcissement progressif des mesures de sécurité dans les prisons en matière de fouilles qui n’a pas eu gain de cause au Parlement en 2016.

 

Le problème de la réinsertion

La contrôleure générale note aussi des défaillances en matière de réinsertion. « En mars 2020, la surpopulation carcérale a atteint un seuil de 71 000 détenus. C’est une première. Cela dénote que les pouvoirs publics ne se préoccupent pas de la ré­insertion. Ils veulent une société de mise à l’écart », déclare Adeline Hazan pour qui, « dans les établissements surpeuplés, plus les conditions sont mauvaises et plus les conditions de travail des surveillants et des travailleurs sociaux sont compliquées. » Ses propos sont corroborés par Jean Caël qui rappelle que tous les acteurs ont intérêt à ce que la situation n’explose pas. « On a encore une vision punitive. Penser qu’on va laisser vivre quelqu’un dans des conditions indignes et qu’il va devenir meilleur est une erreur. Les travailleurs sociaux essaient de réparer les dysfonctionnements. Si la prison faisait son travail de réinsertion, les détenus seraient moins détruits au moment de leur prise en charge. »

La majorité des prisonniers quittent les maisons d’arrêt en sortie sèche. « C’est incompréhensible quand on sait que c’est le moment le plus propice pour aller vers la récidive », indique-t-il.

La déflation carcérale engendrée par la crise ouvre de nouvelles perspectives. Dorénavant, à l’approche de la capacité de 100 % de détenus au sein d’une prison, il est possible d’anticiper la sortie des prisonniers en fin de peine. « Il faut poursuivre cette déflation et surtout l’inscrire dans la loi afin qu’une cellule de veille soit créée. Sinon, la décision revient aux magistrats et aux directeurs de prison », insiste Adeline Hazan.

Concernant les gardes à vue, aucune amélioration n’a été identifiée depuis 2014. Locaux dégradés, accès aux droits de la défense indignes, conditions excessives de sécurité témoignent de la marge d’amélioration significative. Le travail de la contrôleure générale, qui se porte aussi sur les centres de rétention administrative, fait état de manquements dans la prise en charge des personnes et demande à ce qu’aucun enfant ne soit placé en rétention. Quant aux centres éducatifs fermés (CER), l’instabilité du personnel et le manque de formation causeraient des disparités notables entre les établissements. La professionnalisation de la prise en charge est donc requise. Afin d’établir un suivi du travail de l’entité administrative, Adeline Hazan a demandé à ce qu’un suivi soit garanti. Depuis 2016, tous les trois ans, les ministères doivent communiquer sur ce qui a été fait à la suite des recommandations formulées par la contrôleure générale des lieux de privation de liberté. Par ailleurs, 107 recommandations minimales ont été capitalisées au travers d’un livre publié en 2019. « C’est très utile. On manque parfois de critères de discernement. Cette capitalisation est une première. C’est suffisamment universel pour que tous les acteurs puissent s’en saisir, peu importe le domaine de compétence. Pour les associations, le travail est simplifié grâce aux constats de la contrôleure générale qui a des moyens d’investigation et une crédibilité due à son indépendance », indique Jean Caël pour qui la personnification du travail de l’autorité administrative est marquante. Le futur contrôleur général devrait être nommé en septembre prochain.


Le contrôleur général des lieux de privation de liberté

Assisté d’une soixantaine de collaborateurs, le CGLPL a pour missions de :

• s’assurer que les droits intangibles inhérents à la dignité humaine sont respectés ;

• s’assurer qu’un juste équilibre entre le respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté et les considérations d’ordre public et de sécurité est établi ;

• prévenir toute violation des droits fondamentaux.

La saisine s’effectue par voies postale, électronique ou directement lors des visites par :

• les personnes privées de liberté, leur famille, leur avocat, un témoin, le personnel et toute personne intervenant dans ces établissements ;

• les associations, ou toute personne morale ayant pour objet le respect des droits fondamentaux ;

• le gouvernement, les parlementaires et les autorités administratives indépendantes.

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