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Fusion associative : gérer le facteur humain

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Photo d'illustration.

Crédit photo k_yu - stock.adobe.com
Choisie, imposée ou subie, la fusion est une période délicate à gérer pour des associations. Par bien des aspects, cette opération de rapprochement est la plus complexe et la plus longue à mettre en place. Au-delà du juridique, la prise en compte du volet humain est déterminante.

 

MARIAGE D’AMOUR OU DE RAISON ? Les motivations à l’origine d’une fusion associative sont multiples et ne peuvent pas être limitées aux seuls aspects économiques et financiers : faire face à un problème de gouvernance, gagner de nouvelles compétences, résister à la concurrence du public et du secteur privé commercial, adapter les établissements et services aux nouveaux enjeux sociaux et médico-sociaux sur le territoire, répondre aux besoins des bénéficiaires et diversifier l’activité… « Le contexte global institutionnel pousse aux rapprochements. Les pouvoirs publics incitent à avoir moins d’interlocuteurs. La rationalisation est à l’œuvre pour maîtriser les dépenses publiques et faciliter le pilotage des structures », analyse Catherine Broyez, fondatrice du cabinet Coopessance dédié à l’accompagnement du changement pour les structures de l’économie sociale et solidaire. Avant de compléter : « La mise en commun des ressources est une réponse à la restriction des budgets. Mais au-delà des enjeux économiques, il y a la volonté des associations de s’inscrire dans une dynamique du ’ensemble, on est plus forts“ ou un enjeu de qualité de service pour les usagers du secteur social et médico-social, le rapprochement va permettre davantage de champ pour l’expertise ou l’innovation. »

Mais l’Uriopss (Union régionale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratif sanitaires et sociaux) Rhône-Alpes pointe : « Dans certaines structures, les mots “fusion” et, pire encore, “absorption” sont tabous ou mettront très longtemps avant d’être prononcés, cristallisant les inquiétudes et le sentiment de perte d’identité… Le choix d’une fusion-création, souvent plus complexe qu’une fusion-absorption, est parfois préféré afin de ménager les susceptibilités. »

 

Un projet commun

Dans son « Rapport sur les stratégies des acteurs associatifs et proposition pour faire évoluer les modèles socio-économiques des associations », le cabinet d’audit, de conseil et d’expertise comptable KPMG soulignait lui aussi, dès 2017, la réticence des acteurs associatifs « à entrer dans ces démarches de mutualisation, allant jusqu’au regroupement d’activités, voire à la fusion, car elles nécessitent du temps pour repenser son projet associatif et sa gouvernance ». Et d’ajouter : « Il en ressort que c’est finalement la puissance publique qui est parfois amenée à contraindre ces acteurs au regroupement, notamment dans le secteur médico-social, marqué par la volonté affirmée des financeurs publics de “rationaliser” les modalités d’intervention. »

La fusion répond à un projet commun. L’intérêt de la fusion est de se structurer en une seule entité avec une gouvernance commune. « Une fusion peut être envisagée entre deux ou plusieurs associations. On peut aujourd’hui fusionner deux, trois, quatre associations sans difficulté. Le point d’ancrage de cette opération sera le projet commun. Rien n’est possible, rien n’est réalisable sans un projet commun », insiste Virginie Péroux, juriste en droit des associations chez TGS France. « Le but d’une fusion quand le projet est travaillé est gagnant-gagnant. On a une meilleure visibilité sur le territoire, on s’enrichit, on partage de nouvelles valeurs. C’est un mélange des compétences. Une fusion n’est pas une technique juridique, une problématique fiscale ou sociale, mais c’est la définition d’un projet commun », poursuit-elle. Emmanuelle Brémond, consultante en organisations et coach certifiée chez TGS France, explique que la première étape consiste à définir un projet commun et mobilisateur qui va concerner toutes les parties prenantes de l’association : les administrateurs, la direction, les salariés, les usagers… « Avec toutes ces parties prenantes autour de la table, on va retravailler la raison d’être de la structure, travailler sur une charte des valeurs. C’est à partir de ces valeurs que l’on va définir comment on travaille ensemble et quels services on délivre aux usagers. Il faut ensuite engager une prospective sur les attentes du marché, c’est à-dire aussi bien les besoins des usagers que ce que font les autres associations complémentaires ou concurrentes. Enfin, vient le temps de définir les axes stratégiques, à savoir les points sur lesquels on veut renforcer l’association sur le plan de la compétence, de la gestion des ressources humaines… », détaille la consultante.

 

Anticiper les impacts

Quel niveau de vigilance est-il nécessaire pour réussir une fusion ? L’un des points forts à travailler pour la réussite de cette opération est l’intégration de l’ensemble des membres des deux associations. De l’avis de Virginie Péroux, le maître-mot est l’anticipation. « Travailler un projet commun n’est pas simple, car on part de deux entités autonomes qui doivent se regrouper, accepter certaines contraintes, de faire un pas vers l’autre, de partager de nouvelles valeurs. C’est un travail de fond qui peut prendre un certain temps, mais qui est essentiel à la réussite de la fusion. »

La juriste ajoute que l’autre point essentiel est d’ordre réglementaire puisque, depuis 2014, les fusions d’associations sont soumises à des délais à respecter, à des contraintes de réalisations juridiques impératives (autorisations d’agrément, de financeurs, de subventionneurs…), pour lesquelles les délais ne sont pas aujourd’hui maîtrisés. « Le planning moyen de réalisation d’une fusion est de douze à dix-huit mois. Cela peut paraître très long mais, finalement, c’est le temps nécessaire pour que chacun apprenne le projet, s’implique, comprenne, et pour opérer les changements au sein des équipes », note Virginie Péroux. Et de pointer l’importance de donner du temps au temps : « Le non-respect de ce délai peut être le risque de l’échec de la fusion ou de difficultés de fonctionnement à terme de la nouvelle entité. Une fusion réussie, c’est du temps. Une fusion, c’est de l’humain avant d’être de la technique. Le juridique n’est qu’un moyen à la mise en œuvre du projet qui aura été travaillé. »

Catherine Broyez insiste elle aussi sur le temps requis pour expliquer, présenter les options, ouvrir le débat, co-construire la nouvelle organisation… Un temps important doit être consacré à se connaître : échanger sur les valeurs, le projet, les modes de fonctionnement, les impacts ressentis ou pressentis des changements liés à la fusion sur différentes dimensions (culture d’entreprise, métiers, compétences et savoir-faire, organisation, fonctionnement interne), les données financières… Chaque association doit préalablement réfléchir en interne à ses valeurs « non négociables », celles qui ne pourront pas être « englouties » dans la fusion. Emmanuelle Brémond souligne : « Il faut tenir compte du temps des hommes. On ne peut pas, en un claquement de doigts, demander à chacun de se repositionner dans un projet, dans un poste dont on aura fait évoluer les contours, de collaborer de façon efficace avec de nouveaux coéquipiers, de la communication à faire en interne et en externe ». Tandis que Catherine Broyez insiste sur les volets qui doivent être pris en considération dans l’étude de faisabilité préalable : le projet, la gouvernance, la stratégie, le modèle économique, l’organisation, les ressources humaines et matérielles, les partenariats, la communication.

 

Une remise à plat

Une fusion mal conduite ou insuffisamment préparée peut nuire à l’équilibre de l’association. Des études sont régulièrement publiées sur les pertes financières colossales enregistrées par des fusions entre grandes entreprises. Moins préparées et moins habituées, les associations sont forcément plus en difficulté dans ce type d’exercice. A l’inverse, la réussite d’une fusion est conditionnée « par l’histoire et la culture des organisations, la volonté des dirigeants, des salariés et de tous les partenaires des associations concernées », détaille Catherine Broyez. « Le temps dans ces démarches est un allié et la précipitation, un ennemi ! »

Virginie Péroux considère que la fusion peut être l’occasion « d’avoir une vision à 360° de l’association et de mettre peut-être en avant des difficultés qui n’étaient même pas appréhendées par les parties prenantes puisque prises par le quotidien. La fusion est l’occasion de remettre à plat, si nécessaire, l’ensemble du fonctionnement et de retravailler les statuts. Les statuts doivent coller à la réalité pratique de l’association, et pas l’inverse. » Pour exister encore dans vingt ans, il faut vraiment se questionner sur son projet d’association. Est-il outillé pour répondre aux enjeux de demain ? « Il est important de faire chaque année une prospective, tant sur les attentes des financeurs que sur les attentes des usagers, les évolutions de la société et des autres associations. L’autre question à se poser est : “Suis-je organisée comme une entreprise ?” Aujourd’hui, on se rend compte que bon nombre d’associations doivent être dirigées comme une entreprise, c’est-à-dire qu’elles doivent travailler autour d’un projet, être dans la maîtrise de leurs charges et doivent faire évoluer leurs ressources humaines et leurs compétences, clés de voûte d’une bonne gestion de l’association », avertit la juriste.


 

Quatre mécanismes possibles

Créée par la loi relative à l’économie sociale et solidaire (dite loi « ESS ») du 31 juillet 2014, la fusion d’associations est désormais prévue par l’article 9 bis de la loi de 1901. Il existe quatre mécanismes juridiques de fusion entre associations :

• la fusion-absorption, qui repose sur la dissolution-transmission du patrimoine d’une ou plusieurs associations à une association existante ;

• la fusion-création, qui consiste en cette même dissolution-transmission du patrimoine à une nouvelle association ;

• la fusion-scission, qui est la dissolution-transmission du patrimoine (scindé) d’une association à des associations nouvelles ou existantes ;

• l’apport partiel d’actifs, qui permet l’apport en nature d’une branche d’activité par une association à une autre existante ou à créer, sans que disparaisse la première.

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