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Coups de rabot sur l’ESS : le rapport à contre-courant du député Paul Midy

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FRANCE-INTERVIEW-CONGRESSMAN

Paul Midy, député Ensemble pour la République de l'Essonne et rapporteur du budget de l’ESS à l’Assemblée nationale.

Crédit photo Hans Lucas via AFP
Le député macroniste Paul Midy, rapporteur du budget de l’ESS (économie sociale et solidaire), vient de rendre son rapport sur l’état économique du secteur à contre-sens des objectifs gouvernementaux d’économies budgétaires. Et propose un programme de développement de l'ESS pour le prochain quart de siècle.

L’alerte lancée par le monde de l’économie sociale et solidaire (ESS) sur la réduction de ses crédits dans le projet de budget 2025 a trouvé des oreilles attentives au Parlement. Y compris sur les bancs des groupes qui soutiennent le gouvernement Barnier. Avec quelques temps d’avance sur l’agenda, le député Paul Midy, rapporteur cette année du budget de l’ESS à l’Assemblée, vient de faire connaître les conclusions de sa mission d’information. Loin de suivre les propositions gouvernementales qui entendent réduire les subsides de l’ESS, le parlementaire Ensemble de l’Essonne, réputé proche de Gabriel Attal, en prend le contrepied en préconisant au contraire de les augmenter et de les consolider. « [Je] plaide pour un plan de mobilisation et de développement à long terme, une loi de programmation pluriannuelle, avec des financements indispensables pour renforcer le poids de l’ESS dans notre économie et notre société », écrit-il. Parmi les 29 propositions listées dans son texte, le député en a déjà transformées certaines en amendements déposés cette semaine à l’occasion de l’examen parlementaire du projet de loi de finances.

>>> A lire: Budget 2025 : l'ESS risque de perdre 186 000 emplois

Plus de crédits pour l'ESS dans le budget 2025

La priorité, pour Paul Midy, c’est évidemment de sauver les crédits de l’ESS dans le budget de l’année prochaine. Là où le gouvernement compte faire baisser sa dotation de 20 %, la faisant passer de 22 millions en 2024 à 16,8 l’an prochain, le député propose plutôt de l'augmenter, sans s’avancer cependant sur une préconisation chiffrée.

« Même en prenant en compte les crédits des autres programmes qui pourraient être alloués à l’ESS, ces dotations demeurent insuffisantes pour répondre aux besoins d’un secteur en pleine expansion et essentiel au tissu socio-économique », objecte le député. Il faut dire qu’avec 5 millions de moins dans la caisse, le gouvernement risque de réduire non seulement le financement des têtes de réseaux de l’économie sociale et solidaire, mais aussi le périmètre du dispositif d’accompagnement local (DLA), que 6 000 entreprises du secteur mobilisent annuellement pour bénéficier d’activités de conseil et d’aide à l’ingénierie nécessaires à leur développement ou celui des pôles territoriaux de coopération économique (PTCE) qui permettent aux acteurs de l’ESS d’un territoire donné de se regrouper pour monter des projets communs.

Et comme à tout projet territorial il faut un chef d’orchestre, le parlementaire préconise aussi la mise en place de ce financement pérenne et sanctuarisé des chambres régionales de l’économie sociale et solidaire (CRESS) que les acteurs du secteur appellent de leurs vœux depuis des lustres. Structurellement sous-financées, ces institutions demeurent encore les mal loties du monde consulaire, reléguées très loin derrière les chambres de commerce et d'industrie (CCI) et des métiers de l'artisanat (CMA) dans la distribution des ressources tirées de la fiscalité sur les entreprises. Ces ressources, Paul Midy se propose d’aller les chercher dans la trésorerie des autres chambres via le fléchage vers les CRESS de 14 % de leurs recettes chaque année (soit la part de l’emploi salarié représenté par l’ESS dans le secteur privé).

Des préconisations alignées sur les revendications du secteur

Le député ne s’en cache d’ailleurs pas vraiment : les conclusions de son rapport sont allées puiser une partie de leurs propositions directement à la source. A savoir dans les revendications portées depuis des années par les principaux réseaux d’employeurs de l’ESS.

C’est donc sans surprise qu’on y retrouvera quelques préconisations à l’air familier. A l'image de cette demande d'une plus grande incitation aux acteurs de la commande publique à intégrer davantage de critères sociaux et environnementaux dans leurs appels d'offre. Une vieille revendication que portait déjà l'Udes avant 2013 lorsqu'elle s'appelait encore l'Usgeres.

Idem concernant le meilleur fléchage des fonds européens (notamment ceux du FSE+) vers l'ESS, de l'élargissement à l'innovation sociale du crédit impôt recherche (CIR) dont bénéficient les entreprises à but lucratif (ou, à défaut, de la création d'une « prime d'innovation sociale » pour celles qui en seraient exclues), de l'allégement de la taxe sur les salaires qui pourrait permettre aux entreprises de profiter elles aussi de la baisse des impôts de production. Tout cela est porté de longue date par les patrons du secteur. Quant à celle visant à la publication chaque année d’un « orange budgétaire » – ces documents sectoriels transversaux à l’ensemble des postes de dépenses accolés aux projets de lois de finances – spécifique à l'ESS, l'Udes la formulait encore pas plus tard que la semaine dernière dans le cadre de ses assises annuelles.

>>> A lire: PLF 2025 : l’Union des employeurs de l'ESS réclame un "orange budgétaire"

Une loi pluriannuelle pour les 10 prochaines années...

Mais au-delà de ces mesures de court terme, il y a la nécessité de pérenniser l’économie sociale et solidaire sur le temps long, estime le rapport. Si cette ambition pourrait passer, dans un premier temps, par la mise en place d’une grande loi de programmation pour le secteur, donnant ses orientations pour les dix prochaines années. « Une telle loi pourrait fixer des objectifs ambitieux, notamment le doublement du poids économique et de l’impact du secteur d’ici à 2035, tout en garantissant une stabilité des financements publiés pour acccompagner cette croissance », note Paul Midy.

Avantage d’un tel cadre pluriannuel, il permettrait d’instaurer « des crédits budgétaires pérennes, réduisant les incertitudes liées aux financements annuels et aux révisions budgétaires ponctuelles ». A condition toutefois que cet objectif de long terme soit porté politiquement par la désignation stable d’un ministre, d’un délégué interministériel ou, a minima, d’un haut-commissaire.

... et un programme "France 2050" ouvert à l'ESS

Cet objectif de long terme pourrait aussi passer par différents mécanismes de crédits d’impôts, la création d’un statut pour les entrepreneurs innovants du secteur ou par l’accélération des collaborations entre entreprises traditionnelles et structures de l’ESS autour de la question de l’impact sociétal et environnemental de leurs activités. Surtout, il pourrait prendre toute sa mesure dans un futur dispositif « France 2050 » que le parlementaire propose de mettre en chantier. Successeur du programme « France 2030 » qui arrive au bout de ses crédits après en avoir déjà consommé 80 %, ce nouvel objectif national pourrait davantage intégrer l'ESS en ajoutant des critères sociaux et sociétaux aux objectifs environnementaux de son prédecesseur. Et ainsi permettre à l'ESS de prendre une nouvelle dimension dans l'écosystème économique ?

 

 

 

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