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Comment le « Ségur pour tous » met en danger les associations pour les droits des femmes

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Clémence Pajot, directrice générale de la FNCIDFF: "si les pouvoirs publics ne débloquent pas les enveloppes, on pourrait assister aux premiers défauts de paiement et même aux premiers licenciements avant la fin de l’année"

Clémence Pajot, directrice générale de la Fédération nationale des centres d'information sur les droits des femmes et des familles, alerte sur les difficultés de son secteur face à la prime Ségur. Ces associations de lutte contre les violences, type Planning familial ou Mouvement du nid, devront débourser entre 1,4 millions d’euros (2024) et plus de 5 millions (2025), pour pouvoir assumer les augmentations de salaires prévues dans le cadre de l’accord du 4 juin 2024.  

L’arrêté d’extension de l’accord sur le "Ségur pour tous " a élargi son bénéfice au-delà de sa branche d’origine. Si les salariés des structures concernées sont désormais éligibles aux augmentations de 183 euros net par mois, certains employeurs ne peuvent pas suivre financièrement. Un collectif d’acteurs de la lutte contre la violence faite aux femmes réunissant la Fédération Nationale des Centres d'Information sur les Droits des Femmes et des Familles (FNCIDFF), le Planning familial, Solidarité femmes, France victimes, le Mouvement du nid et Citoyens et justice, tire la sonnette d’alarme. 

Quelle est l’origine de ce collectif d’associations aujourd’hui inquiètes des conséquences de l’extension de la prime Ségur ?

Clémence Pajot : Nous l’avons fondé en 2022, au moment des premiers accords Ségur et des mesures d’extension « Laforcade ». Il s’agissait alors d’interpeller les pouvoirs publics, afin que les revalorisations salariales prévues dans le cadre du Ségur de la Santé soient également applicables aux professionnels employés par nos associations. Ils s’étaient eux aussi retrouvés en première ligne lors de la pandémie de Covid-19, au service des femmes en difficulté ou victimes de violences sexistes ou sexuelles. Or, la rémunération de ces professionnels est bien loin de refléter leurs compétences et c’est ce que nous avons souhaité signifier à Elisabeth Borne, alors Première ministre. On nous alors opposé une fin de non-recevoir.

Ce n’est qu’en 2023, lorsque l’Etat a pu débloquer une partie des ressources du programme 137 – ce fonds destiné à financer la lutte contre les violences faites aux femmes et le développement de l’égalité hommes-femmes – qu'il a mis en place une politique de prime pour gratifier les professionnels des structures relevant de notre réseau et valoriser leur rôle d’accueil et d’accompagnement des femmes en situation précaire. Le montant de l’enveloppe s’élevait à 640 000 euros à répartir entre les 1000 ETP que comptent les Centres d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF). Soit 64 euros par ETP. On était très loin des 183 euros net par mois du Ségur…

Pourquoi les salariés des CIDFF n’étaient-ils pas éligibles aux bénéfices du Ségur et pourquoi le sont-ils devenus ?

Nos salariés ne font pas partie de la branche associative, sanitaire, sociale et médico-sociale (Bass) qui couvre notamment les conventions collectives 66 et 51. Ils ne relèvent d’ailleurs d’aucune convention collective, étant donné la diversité des professions que l’on rencontre dans notre réseau. Ils dépendent d’un agrément à part du Code de la famille et de l’aide sociale. La situation a changé cet été, avec la publication de l’arrêté d’extension qui les a rendu éligibles aux bénéfices de l’accord du 4 juin 2024 relatif au « Ségur pour tous ». Avec une petite nuance toutefois : nos salariés, contrairement à ceux des établissements et services sanitaires, sociaux et médico-sociaux, ne bénéficieront pas des revalorisations salariales de façon rétroactive à partir du 1er janvier 2024. Cela n’empêche que ces hausses de salaires sont applicables depuis le 7 août et de nombreuses associations de notre réseau ne disposent pas de la trésorerie pour assumer ces dépenses supplémentaires, ce qui les met en danger !

>>> Sur le même sujet : Le projet d’accord « Ségur pour tous » dans la Bass ouvert à la signature

Quel est le coût de ces hausses de salaire pour vos adhérents ?

Nous avons fait le calcul : pour appliquer les dispositions du Ségur à compter du 7 août dernier, il faudrait à nos associations adhérentes 1,4 millions supplémentaires pour terminer l’année 2024 et 5,25 millions pour l’année prochaine ! Or, les dotations des pouvoirs publics à nos adhérents n’ont pas suivi. Sur les 98 structures qui constituent le réseau de la FNCIDFF, 32 ne disposaient, fin 2023, que d’un fond de roulement de quatre mois, ce qui les fragilise énormément. Si les pouvoirs publics ne débloquent pas les enveloppes, on pourrait assister aux premiers défauts de paiement et même aux premiers licenciements avant la fin de l’année !

>>> A lire : Ségur : des enveloppes supplémentaires pour revaloriser les salaires

Avez-vous sollicité la nouvelle équipe gouvernementale sur ce point ?

Oui, évidemment. Le problème, c’est que pendant plusieurs mois, nous n’avons pas eu d’interlocuteurs gouvernementaux. Nous devons rencontrer Salima Saa, la nouvelle secrétaire d’Etat chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes, vendredi 4 octobre, mais son ministre de tutelle, Paul Christophe, n’a pas encore répondu à nos sollicitations. Dans le même temps, nous allons également rencontrer Régions de France, Départements de France et les associations de maires pour plaider notre cause. Nous avons également prévu de réunir les députés, le 16 octobre prochain, pour pouvoir les informer de la situation dans le cadre du débat parlementaire sur le PLF 2025. Nous serons également mobilisés, le 25 novembre, à l’occasion de la Journée de lutte contre les violences faites aux femmes. Il y a urgence à agir, car si rien n’est fait, plusieurs dizaines d’associations et de structures d’accompagnement des femmes risquent de disparaître.

 

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