L’heure de la rentrée a aussi sonné pour les partenaires sociaux de la branche associative sanitaire, sociale et médico-sociale (Bass). Après une pause aoûtienne, syndicats et organisations patronales se retrouvent pour une nouvelle séance de négociation. A l’ordre du jour, les premières délibérations en vue de l’établissement d’une nouvelle convention collective unique étendue (CCUE) censée succéder, à l’horizon 2026, aux deux conventions actuellement en vigueur dans la branche, mais aussi les points d’amélioration à l’accord sur les bas salaires du 4 juin dernier, agréé et étendu par le ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités au mois d’août.
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"11 € brut pour 9 heures de travail de nuit"
Car en dépit d’un accord très largement majoritaire, validé par la partie patronale Axess (qui rassemble la Fehap et Nexem) et par trois syndicats (CGT, CFDT et Sud), plusieurs points ne sont pas encore d’équerre. Primo, le cas de la revalorisation du travail du dimanche, de nuit ou des jours fériés pour les salariés des établissements du périmètre Axess. Alors que leurs homologues de la fonction publique hospitalière (FPH) ont obtenu une hausse de 25 % de la prise en charge de ces heures supplémentaires particulières, les propositions patronales du secteur associatif non lucratif sont loin d’être à la hauteur.
Axess n’a ainsi débloqué qu’une enveloppe prévisionnelle d’environ 189 millions d’euros – à raison de 133 millions sur le champ de l'agrément et 56 sur l'objectif global de dépenses – pour valoriser les horaires atypiques sous forme de prime forfaitaire. « Cela revient à offrir 11 € brut pour 9 heures de travail de nuit… c’est un peu misérable », estime Pierre-Paul Seince, négociateur CGT. Les organisations syndicales, elles, aimeraient décrocher a minima un alignement sur les primes de la FPH. Mais pour cela, faudrait-il encore que l’Etat mette au pot. Et l’Etat, en cette période de vacance gouvernementale qui s’éternise, reste pour l’heure aux abonnés absents…
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Les contrats d'alternance et aidés exclus des hausses de salaires
Autre sujet de fâcherie : l’exclusion des alternants et des contrats aidés de la revalorisation mensuelle de 183 € net acquise en juin dernier au titre du « Ségur pour tous ». Pour la partie patronale, ces salariés particuliers n’y sont pas éligibles. « L’accord de branche du 4 juin 2014 ne leur est pas applicable car ces professionnels ne sont pas amenés à exercer pleinement l’emploi occupé, étant en cours de formation », explique Axess. Mezzo voce, toutefois, on confesse, dans le camp des employeurs, que la raison vient aussi de l’insuffisance des fonds débloqués par l’Etat au moment de la revalorisation générale des bas salaires… « Les pouvoirs publics ne les ont pas pris en compte dans le financement de ces mesures », glisse-t-on à la Fehap.
Mais pour les syndicats, à commencer par la Fnas-FO qui a levé le lièvre le premier, l’argument patronal n’est pas entendable. « Rien n’est écrit dans l’accord relatif à l’extension du Ségur dans le cadre de la politique salariale en lien avec la négociation sur la CCUE dans le secteur sanitaire, social et médico-social privé à but non lucratif, qui exclut de ce droit les apprentis, les contrats pros et les contrats aidés », objecte Michel Poulet, secrétaire fédéral du syndicat.
Les oubliés du "Ségur pour tous"
L’affaire risque donc de susciter quelques passes d’armes de part et d’autre de la table des négociations, d’autant qu’à cette heure, l’effectivité du « Ségur pour tous » n’est pas assurée. Si un nombre conséquent de salariés des établissements et services affiliés à la Bass ont vu leur rémunération augmenter du montant prévu et de façon rétroactive depuis le 1er janvier 2023, c’est loin d’être le cas partout. A l’Armée du salut, dans le groupe SOS, dans les établissements qui dépendent des départements du Finistère ou de la Vienne, les directions ont d’ores et déjà prévenu que, faute de dotations suffisantes de l’Etat, elles se trouvaient dans l’incapacité d’augmenter les salaires.
C’est également le cas pour d’autres structures, comme Aides, qui, bien que disposant de leurs propres accords, se situent dans le périmètre de la Bass. Aussi, pour la CGT, « avant de négocier une CCUE, il faudrait au préalable définir précisément le périmètre de la branche », souligne Pierre-Paul Seince. Une thématique sur laquelle le syndicat a annoncé son intention de saisir les directions générales du travail (DGT), de la cohésion sociale (DGCS) et de l’offre de soins (DGOS) afin d’établir un cadre plus cohérent du périmètre de la branche.
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Un calendrier de négociations à marche forcée
N’empêche. Syndicats et organisations patronales sont tout de même attendues sur le « dur » de la future convention collective dans les mois à venir, selon un calendrier draconien fixé par les pouvoirs publics. En novembre prochain, ils sont censés avoir bouclé la première partie de leurs débats, consacrés à la nouvelle grille des classifications et des rémunérations et au temps de travail. Un challenge difficile étant donné la complexité des sujets… et l’absence d’entente sur ceux-ci. Ainsi, si la CFDT qui avait elle-même présenté un projet d’accord en avril va globalement – mais avec des nuances cependant – dans le même sens qu’Axess qui aimerait remplacer les actuelles grilles de classifications basées sur le diplôme et l’expérience par un nouveau système appuyé sur la définition de l’emploi, la CGT et Sud affichent en la matière un visage beaucoup plus fermé.
Et FO affirme depuis le début son opposition ferme à ce qu’elle considère comme une atteinte aux droits des salariés, dont le niveau de salaire ne serait désormais plus fixé qu’en fonction de critères décidés par le patronat. Dans ces conditions, tenir le timing risque d’être difficile. A moins qu’un prochain gouvernement ne se montre plus conciliant en la matière…