Personne, parmi les négociateurs de la future convention collective unique étendue (CCUE) de la Bass n’attendait de miracle de Noël. Sans surprise, il n’a pas eu lieu. Lors de la dernière réunion de la commission mixte paritaire de la branche associative sanitaire, sociale et médico-sociale du 17 décembre, la question de la grille des rémunérations et des classifications, bien qu’inscrite à l’ordre du jour, n’aura même pas été abordée.
Il faut dire qu’à ce stade, les discussions semblent bloquées. Chacune des organisations présente autour de la table y a été, ces derniers mois, de ses propositions concernant une nouvelle échelle des salaires et des emplois pour le million de salariés de la branche. Mais, faute de véritable projet d’accord autour duquel engager une authentique confrontation de projets et surtout faute de gouvernement stable qui s’engagerait sur les enveloppes nécessaires aux revalorisations salariales attendues, les discussions restent au point mort.
L’organisation d’employeurs Axess, qui regroupe les fédérations Fehap et Nexem, présentera-t-elle, comme le veut la tradition du dialogue social, un texte-martyr lors de la séance de rentrée programmée le 16 janvier ? Rien n’est moins sûr. De leur côté, certaines organisations syndicales annoncent vouloir franchir le pas au mois de janvier en présentant leur propre texte.
"Le Ségur ne dispense pas d'augmentations générales"
Et justement, puisque la perspective d’une entente rapide autour d’une nouvelle grille des rémunérations semble compromise et que, dans le même temps, les employeurs refusent l’idée de négociation dans les branches constitutives de la Bass comme le leur demandent les syndicats de salariés, cette même CFDT a profité de la réunion du 17 décembre pour soumettre aux autres organisations négociatrices le principe d’un accord de revalorisation salariale dans l’ensemble du périmètre de la Bass.
« Cette démarche avait pour but de rappeler d’une part que le Ségur n’a pas été versé à l’ensemble des salariés de la branche puisque certaines fonctions supports en étaient exclues depuis le départ, mais aussi que le Ségur ne dispense pas les employeurs de procéder à des augmentations générales », détaille François Gieux, secrétaire fédéral de la CFDT Santé-sociaux. Surtout dans une branche où les questions de pouvoir d'achat et d'attractivité des métiers constituent des dossiers brûlants.
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Le projet cédétiste s’articulait autour de quatre niveaux de revalorisation :
- le premier pour les coefficients indiciaires infra-SMIC;
- le deuxième pour les salaires allant du SMIC à 1,6 fois le montant du salaire minimum;
- le troisième de ce palier jusqu’au plafond de la Sécurité sociale (3864 euros mensuels);
- le quatrième pour les rémunérations dépassant ce seuil.
Pas de quoi convaincre les employeurs qui, faute de garanties sur les enveloppes financières nécessaires à cette revalorisation n’ont pas souhaité donner suite. Ni davantage d'ailleurs les autres organisations syndicales, pour qui « cette mesure aurait amené à un tassement des grilles de rémunération en plus d’individualiser les salaires. Or, nous n’avons pas le mandat pour négocier cela », objecte Michel Poulet, secrétaire fédéral de la fédération nationale FO de l’Action sociale (FNAS-FO).
Coup d’épée dans l’eau pour cette fois, donc, mais la CFDT n’exclut pas de remettre le sujet sur la table à une prochaine occasion…
Renégocier la protection sociale
Et puisque les négociations sur la grille des classifications restent donc en suspens jusqu’à une date non-déterminée, la question de la protection sociale de la future branche s’est invitée dans les débats du 17 décembre. Jusqu’alors traité dans le cadre d’un groupe de travail parallèle à la négociation, le sujet de la prévoyance a été mis sur la table par la partie patronale soutenue par la CFDT. Le motif : le contrat qui couvre aujourd’hui le périmètre de Nexem - celui de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 - arrive à échéance le 31 décembre 2025.
Or, pour en souscrire un nouveau avec les assureurs, qui serait, cette fois, valable pour le million de salariés couverts par la future CCUE, les partenaires sociaux ont besoin, a minima, d’une année complète de préparation au vu de l’envergure du régime. D’où la nécessité, selon Axess et la CFDT de transformer avant la fin de cette année, le groupe de travail en commission mixte paritaire pour pouvoir sérieusement engager ces travaux avec la légitimité réglementaire nécessaire.
La proposition s’est cependant heurtée au refus des autres organisations syndicales, CGT, FO et Sud. Leur raison : il existe aujourd’hui deux régimes principaux sur le champ de la Bass. Le premier, plutôt excédentaire, sur le périmètre la convention collective 66 (celle de Nexem, qui couvre environ 80% des associations) ; le second, déficitaire, sur celui de la CCN 51 (celle de la Fehap). « Or, le gap qui existe entre les deux nourrit beaucoup d’inquiétudes sur ce qui adviendra si le régime Nexem tombe au 1er janvier sans avoir été remplacé par un autre au moins aussi avantageux », confesse François Gieux. Du côté des organisations réfractaires, on redoute une tentation patronale de négocier au plus vite un nouveau régime qui se révélerait moins-disant sur le plan social que celui qui recouvre aujourd’hui la convention collective 66.
Particulièrement car les salariés associés couvert par ce « régime Nexem » continuent à bénéficier des avantages de prévoyance de ce contrat pendant 90 jours en cas d’arrêt-maladie. « C’est un droit important et nous ne voulons pas risquer sa remise en question. D’autant que ce régime existe depuis 18 ans et que les salariés y sont très attachés », assure Michel Poulet. Si de l’avis syndical général, c’est un problème qu’il appartient d’abord aux deux organisations patronales de la Bass de régler entre elles, ce nouveau sujet de crispation ne manquera pas de se rajouter à ceux, déjà nombreux, qui occupent l’agenda des négociateurs…
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