Comme au jeu des dominos, la présentation d’un projet de budget 2025 qui prévoit d’amputer de 5 milliards les ressources des collectivités territoriales se répercute sur les négociations en cours dans la branche associative sanitaire, sociale et médico-sociale (Bass).
Déjà embourbées dans la divergence de positions entre organisations patronales (Fehap et Nexem regroupées au sein d’Axess) et syndicales autour de la question de la nouvelle grille des classifications et des rémunérations qui doit constituer l’ossature de la future convention collective unique étendue (CCUE) de la branche, les discussions se retrouvent désormais bloquées par l’incertitude qui pèse sur les futurs moyens à la disposition des conseils départementaux, premiers financeurs des politiques d’action sociale.
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La question budgétaire "transcende toutes les autres"
« Avant même la présentation de ce budget d’austérité, certains départements assumaient déjà leur refus de financer les revalorisations salariales au titre du ‘’Ségur pour tous’’ négociées le 4 juin dernier. Comment imaginer qu’une nouvelle grille des rémunérations puisse s’appliquer si leurs budgets sont encore amputés ? C’est une question qui transcende toutes les autres », observe Michel Poulet, négociateur pour la Fédération de l’action sociale FO.
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D’autant qu’en dehors de cette problématique – cruciale – du financement, les débats bloquent toujours sur les nouveaux critères classants autour desquels les employeurs souhaitent construire leur grille. Un système qui revient à privilégier la nature de l’emploi exercé au détriment des diplômes et de l’ancienneté pour déterminer la rémunération du salarié. Selon trois organisations qui militent pour intégrer le diplôme dans ces critères (FO, CGT et Sud), cela reviendrait à laisser le champ libre à l’employeur pour déterminer les salaires.
Nuit, dimanches jours fériés : refus syndical unanime
Sans financements à la hausse, difficile d’imaginer comment des départements pourraient trouver les ressources pour garantir un mieux-disant salarial sur une future grille des rémunérations. Eux qui refusent déjà de financer des augmentations fixées dans un accord majoritaire agréé et étendu par le ministère du Travail... Difficile également d'appliquer ce même Ségur aux emplois aidés et aux alternants de la branche, à propos desquels les services juridiques des organisations syndicales et patronales ferraillent encore pour étudier leur éligibilité ou non.
Et dans le contexte austéritaire global qui se dessine, les scénarios selon lesquels l’Etat pourrait accepter d’ouvrir largement les enveloppes prévues pour les revalorisations des heures travaillées la nuit, le dimanche et les jours fériés se réduisent comme peau de chagrin. C’était d’ailleurs en s’appuyant sur ces mêmes enveloppes d’Etat (d’un montant total d’environ 225 millions co-financés par les pouvoirs publics et la sécurité sociale), qu’Axess avait mis sur la table un projet d’accord ouvert à la signature le 25 septembre dernier. Il proposait des primes forfaitaires d’heures supplémentaires de 11 € brut pour 9 heures de travail le dimanche et de 4,63 € pour la nuit. Sans surprise, les syndicats, toujours attachés à l’alignement de ces revalorisations sur ceux obtenus par la fonction publique (+ 25 % de l’heure), ont balayé le texte patronal. Laissant ainsi la question en suspens.
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Clause miroir : la décision du Conseil d'Etat imminente
Parmi les nombreuses incertitudes qui subsistent encore, celle du devenir de la négociation elle-même demeure sans doute la plus prégnante. Selon le calendrier fixé par les partenaires sociaux de la Bass, les débats sur la grille des classifications devaient être bouclés au mois de novembre. Une échéance à laquelle plus personne ne croit vraiment. D’autant que l’épée de Damoclès de la « clause miroir », qui conditionne toujours l’accord salarial du 4 juin dernier à la poursuite de la négociation de la CCUE, pèse toujours au dessus de la tête des négociateurs. A moins que d’ici là, le Conseil d’Etat, qui doit rendre ces prochains jours sa décision à propos de la requête de la Fnas-FO de suppression de cette clause, ne vienne rebattre les cartes…
Pour aller plus loin : « Nous ne voulons pas que les clauses miroirs se généralisent dans d’autres négociations » (Pascal Corbex, Fnas-FO)