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Assurance chômage : un texte "sans amélioration significative des droits des demandeurs d'emploi"

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Pour l'économiste spécialiste de l'assurance chômage Bruno Coquet, "l’affaiblissement de l’assurance chômage est moins la conséquence de ces changements paramétriques que de l’empilement de mesures décidées par l’Etat sans négociation entre 2017 et 2023".

Crédit photo DR
C’est un projet d’accord à minima que les partenaires sociaux viennent de poser sur la table le 14 novembre, en parallèle d’un autre texte sur l’emploi des seniors. Si elles se contentent d’équilibrer les comptes de l’Unedic et d’adapter le marché du travail au recul de l’âge légal de départ à la retraite, les deux propositions ont le mérite de ne pas aggraver la précarité des demandeurs d’emploi âgés, explique Bruno Coquet, économiste et président d'Uno Etudes & Conseil.   

Après plusieurs semaines de négociation à marche forcée, les partenaires sociaux viennent de boucler coup sur coup deux projets d’accords que l’ensemble des organisations, à l’exception de la CGT et de la CFE-CGC, devraient signer.

  • Le premier, portant sur la future convention d’assurance chômage 2025-2028, doit mettre en musique les règles d’indemnisation. Il diminue de 6 à 5 le nombre de mois travaillés nécessaires pour être éligible et décale de deux ans les durées maximales d’indemnisation des chômeurs seniors, pour tenir compte du nouvel âge légal de départ à la retraite. A compter du 1er janvier, la durée maximale d’indemnisation serait égale à 18 mois pour tout demandeur d’emploi de moins de 55 ans, 22,5 mois pour les 55-57 ans et 27 mois pour les plus de 57 ans. Plus inattendu, ce projet d’accord propose également des dispositions sur l’indemnisation des travailleurs frontaliers.
  • Le second entérine la création à titre expérimental d’un « contrat de valorisation de l’expérience » pour les plus de 60 ans. Sorte de résurgence du « CDI seniors » réclamé par le patronat depuis des années. Accessible aux demandeurs d'emploi à partir de 60 ans, il ouvre un droit à la retraite progressive, ainsi que la mise en œuvre de plusieurs mesures visant à favoriser les temps partiels en fin de carrière.

Explications avec l'économiste Bruno Coquet.
 

ASH : Que pensez-vous du contenu des accords soumis à la signature des partenaires sociaux ?

Bruno Coquet : Concernant le texte sur l’assurance chômage, on reste sur un projet d’accord de nature essentiellement paramétrique. Bien que cette négociation n'ait pas été corsetée par une nouvelle lettre de cadrage, le gouvernement n'en avait pas moins demandé aux partenaires sociaux de produire une économie de 400 millions d’euros supplémentaires. Mais le document de cadrage de 2023, qui avait donné lieu à l’accord de novembre 2023, restait en quelque sorte valide.

L’accord qui vient d’être trouvé ne fait donc que compléter celui de 2023. Il validait toutes les réformes précédentes et ne contenait pas de mesure améliorant significativement les droits des demandeurs d’emploi. Exception faite de l’abaissement à 5 mois du nombre de mois travaillés nécessaires à l’ouverture des droits à l’indemnisation chômage, pour un coût d’environ 120 millions d’euros par an selon l’Unedic. A l'inverse, la surcotisation de 0,05 % sur les contributions patronales qui avait été mise en place en 2017 devrait disparaître au 1er mai 2025, ramenant le montant de ces cotisations à 4 %. Le coût du travail reste, lui, inchangé pour les bas salaires grâce à l’allégement général de cotisations.

Du côté des économies, les droits seront désormais calculés sur 30 jours tous les mois (donc 360 jours par an au lieu de 365, soit 240 millions d’économies), les modalités d’indemnisation des chômeurs créateurs d’entreprise sont fortement restreintes (840 millions d’économies). Enfin le régime des transfrontaliers est rapproché du droit commun (520 millions d’économies). Au total, le solde du régime serait donc amélioré d’environ 1,7 milliard d’euros par an, soit bien au-delà des demandes du gouvernement.

>>> Pour compléter : Assurance-chômage: Le durcissement des règles d'indemnisation enterré

De nombreux établissements du social et du médico-social, dans les départements limitrophes de la Suisse et du Luxembourg, se plaignent de la captation de la main-d’œuvre locale. La baisse des indemnités des chômeurs frontaliers pourrait-elle rééquilibrer la balance ?

Cette question est un point particulièrement important du projet d’accord. Depuis des années, les experts alertent l’Unedic sur le problème que représentent ces frontaliers – ceux qui travaillent en Suisse ou au Luxembourg, du moins. Le problème se pose moins avec l’Espagne, la Belgique ou même l’Allemagne – sur l’équilibre financier du régime.

Des conventions européennes sur le travail frontalier existent, mais celles-ci ont été signées entre Etats, non pas avec les partenaires sociaux. Il était temps que ces derniers s’emparent de la question, car ce sont les employeurs et les salariés français qui financent ce déficit de 800 millions par an ! Entendons-nous bien : il n’y a aucun mal à rechercher un salaire plus élevé à l’étranger tout en vivant en France lorsqu’on a l’opportunité de le faire. Sauf que l’assurance chômage française tient compte des problématiques du marché du travail français. Dans le cas spécifique de la Suisse (où par ailleurs de chômage est en moyenne de 3 % depuis plus de dix ans), la conjonction entre le différentiel de taux de change, le niveau de salaire moyen et la nature du mode de calcul des indemnités chômage crée un déséquilibre pour les comptes de l’Unedic et désincite fortement un chômeur indemnisé en France sur la base d’un salaire suisse à accepter un emploi sur le marché du travail français.

Ceux-ci viennent donc d’introduire une nouvelle formule de calcul de l’allocation intégrant le paramètre du salaire moyen du pays de résidence comme numérateur et celui du pays où la personne travaille comme dénominateur. L’Unedic chiffre les économies qui pourraient être réalisées par ce biais à 360 millions d’euros et cela pourrait en outre contribuer, même s’il est difficile de quantifier dans quelle mesure, à rendre plus attractif la reprise d’emploi sur le marché français.

>>> A lire aussi : Intérim : un mal nécessaire ?

Les nouvelles règles d’indemnisation risquent-elles de faire basculer davantage de demandeurs d’emploi seniors vers le RSA et la précarité ?

Non, puisque le mode de calcul des droits ne change pas, Les partenaires sociaux ont repris dans les grandes lignes les termes du projet de convention de 2023, que le gouvernement avait choisi de rejeter à l’époque. Dès lors, comme exigé par le document de cadrage de 2023, l’accord ne touche pas les règles de contracyclicité, d’éligibilité, de calcul du salaire journalier de référence, ou encore en supprimant la dégressivité.

En fait, par rapport au texte antérieur, la seule véritable nouveauté est le décalage de deux ans des bornes d’âge pour la durée maximale d’indemnisation. Il a été introduit pour coller au nouvel âge légal de départ à la retraite, que l’Etat a fixé à 64 ans, en cohérence avec la dernière réforme des retraites.

L’affaiblissement de l’assurance chômage est moins la conséquence de ces changements paramétriques, que de l’empilement de mesures décidées par l’Etat sans négociation entre 2017 et 2023. Elles ont infiniment durci et complexifié les modalités de calcul des droits en les soumettant à des formules peu compréhensibles, de telle sorte que plus aucun salarié aujourd’hui n’est en mesure de calculer combien il touchera au titre du chômage en cas de perte d’emploi. De même, les employeurs ne peuvent anticiper leur taux de bonus-malus.

>>> A lire aussi : Moins de la moitié des allocataires du RSA inscrits à France travail

Au 1er janvier prochain, France travail sera amené à généraliser l’accompagnement renforcé des bénéficiaires du RSA. Cela vous paraît-il possible alors que le PLF prévoit de réduire les effectifs de l'opérateur 

Cela me paraît très compliqué. Cela aurait déjà été difficile à effectifs constants, mais avec des agents en moins et des prévisions de chômage à la hausse, la difficulté devient d’autant plus grande. A moins qu’une éventuelle amélioration de la situation du marché de l’emploi ne contribue à réduire le nombre d’allocataires à accompagner. Il faut aussi se souvenir que si le coût du RSA n’entre pas dans le périmètre financier de l’Unedic, celui de France travail, oui, puisque l’assurance chômage le finance à hauteur de 12 % de son budget (contre 10 % à l’époque de Pôle emploi, soit un coût de près de 1 milliard d’euros supplémentaires par an, alors même que l’Etat réduit sa contribution à l’opérateur).

 

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