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Lyon: Ce que disent les familles à la rue

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Jayyed, 10 ans, et son père, Ali, se sont réfugiés dans le squat après avoir vécu à la rue. 

A la suite de la décision rendue par le juge des contentieux de la protection, la centaine de femmes et enfants qui occupent depuis mi-juillet un immeuble de Grand Lyon Habitat devraient participer à une première mobilisation. Organisée par le collectif Solidarité entre femmes à la rue, elle doit se tenir mercredi 25 à 14h, devant le siège du bailleur, à Lyon. Témoignages. 

Si on m’expulse, j’irai planter la tente devant la Métropole!” Le ton combatif peine à cacher l’inquiétude de la jeune femme. Debout dans le “salon” de l’immeuble occupé depuis le 18 juillet, Nawad* a appris la nouvelle il y a quelques jours. Vendredi 20 septembre, le tribunal saisi par le bailleur Grand Lyon Habitat, propriétaire du bâtiment, a ordonné à la centaine de femmes et enfants de quitter les lieux d’ici le 17 octobre. A partir de cette date, le bailleur pourra faire appel à la force publique pour faire évacuer le bâtiment.

Des couvertures accrochées aux fenêtres isolent du vent et obstruent la vue depuis l'extérieur. Assise sur un matelas à même le sol, Sarah n’arrive pas à y croire. Comme la plupart des occupantes du 40 quai Arloing, à Lyon, cette mère de deux enfants de 12 et 2 ans a passé plusieurs mois à la rue avant de trouver refuge ici. Originaire du Congo Kinshasa, elle est arrivée en France en 2022.

Quand ma demande d’asile a été déboutée, on m’a mise dehors avec un enfant de moins de trois mois, en plein hiver, raconte-telle. Le 115 n’avait jamais de place, alors j’ai passé des nuits dans les stations de métro ou à faire des allers-retours sur les lignes de bus pour me mettre au chaud. Je ne veux pas y retourner”.

Alors que l’ordonnance d’expulsion a été notifiée par huissier aux familles, les avocats du Collectif Solidarité entre Femmes à la rue réfléchissent à l'opportunité de faire appel, celui-ci n'étant pas suspensif. “Le juge n’a pas demandé l’annulation de la trêve hivernale, ce qui nous laisse jusqu’au 1er novembre pour essayer de nous maintenir sur place. Notre espoir, c’est que Grand Lyon Habitat ne demande pas au préfet l'exécution du jugement d’expulsion, et donc l'évacuation du bâtiment par les forces de l’ordre”, détaille Juliette Murtin, membre du collectif.

Sur le même sujet: Que va-t-il advenir des 80 femmes et enfants sans toit à Lyon?

Nulle part où aller

Dans l’immeuble de quatre étages, Halima s’est installée dans une petite chambre sans fenêtre où des matelas de fortune recouvrent presque entièrement le parquet. Elle dort là avec son mari, et partage parfois l’espace avec une autre femme et son bébé. L'humidité des murs les rend malades, mais ils n’ont nulle part ailleurs où aller.

Deux niveaux au-dessus, Jayyed, 10 ans, vient de rentrer de l'école où il est scolarisé, à 200m à pied du squat : “Pendant quatre mois, on a dormi dehors ou dans des stations de métro, mais il y avait des bagarres, j’avais tout le temps peur pour mes petites sœurs. Ici on se sent protégés”.

Depuis qu’il a entendu parler de la décision du tribunal, Jayyed a des plaques d'eczéma liées au stress. “On ne demande pas un château, juste un toit”, répète le garçon. “Nous avons déjà vécu une évacuation par la police quand nous étions dans un gymnase, et ça a été très violent. Ma fille est encore traumatisée”, poursuit son père, Ali, la petite de quatre ans sur les genoux. Depuis deux mois, leur famille cohabite avec une dizaine d’autres personnes ; chaque chambre fait office d’appartement, et les parties communes sont partagées. Pourtant, presque tous ici sont éligibles au DAHO (droit à l'hébergement opposable, qui vise à obtenir une place en hébergement social ou un logement de transition).

Au moins on a de l’eau chaude, des toilettes, on peut changer les couches”, souffle-t-il. Le refrain est toujours le même : tout est mieux que la rue.

 

Situation inédite à Lyon

D’après le collectif Jamais sans Toit, la situation n’a jamais été aussi catastrophique à Lyon. “Les compteurs du sans abrisme infantile explosent. Au 15 septembre, nous recensions déjà deux fois plus d’enfants sans toit qu’il y a un an à la même date”, note le collectif dans une lettre ouverte, précisant qu’au moment de la rentrée scolaire, neuf écoles étaient également occupées à Lyon.

Encore une fois, nous n’avions pas vocation à rester là”, insiste Juliette Murtin. “Ce que l’on cherche, c’est une mise à l’abri.” D’après le collectif, une solution provisoire serait dans les tuyaux de la ville de Lyon pour héberger une trentaine de femmes dans un ancien Ehpad. “On ne peut pas cracher sur des places d'hébergement, mais ça va encore obliger à faire une sélection parmi les plus vulnérables”.

Malgré sa situation, Salia*, 52 ans, n’est pas sûre d’y trouver une place. “On a toujours de l’espoir mais je suis très fatiguée”. Un turban noir sur la tête, l’Algérienne est venue en France en 2023 pour recevoir des soins liés à son cancer du sein et d’autres problèmes médicaux. “J’ai la CMU, mais ça ne me rend pas prioritaire pour un hébergement. Ce qui me fait très peur, c’est l’hygiène après les opérations. J’ai deux chirurgies prévues, et j’aimerais faire une reconstruction mammaire, mais je n’ai plus du tout d’immunité” raconte-t-elle doucement, en montrant le petit matelas redressé contre le mur qu’elle déplie au milieu de la pièce de vie lorsqu’elle veut se reposer.

Lire aussi: Les six chiffres clés sur le mal-logement des enfants en France

Pression politique

Dans ce contexte, les occupantes comptent faire pression sur les pouvoirs publics. Une première mobilisation est prévue mercredi à 14h devant le siège de Grand Lyon Habitat. “C’est quand même une décision politique, on compte beaucoup sur le soutien de la ville et de la Métropole”, affirme Colette Blanchon, membre du collectif, qui rappelle que des élus siègent au conseil d'administration du bailleur social.

Récemment, la Métropole avait durci ses conditions d'hébergement d’urgence, annonçant en juillet dernier qu’elle suspendait la prise en charge de nuits d’hôtels pour les femmes enceintes de plus de six mois et les femmes seules avec des enfants de moins de trois ans.

Finalement, la collectivité est revenue sur sa décision tout en pointant l’inaction de l’Etat en la matière. “C’est une bonne nouvelle, même si la Métropole a durci les critères de mise à l’abri, estime Juliette Murtin. En cas de présence d’un père, celui-ci doit être contacté pour évaluer sa capacité à prendre en charge son enfant. Ce critère nous pose vraiment problème, au regard de toutes les situations de violences conjugales”.

Dans le même temps, à Lyon, une délégation "hébergement d'urgence" a été créée, ajoutée aux compétences de l’adjointe au logement et au renouvellement urbain.

 

*Les prénoms ont été modifiés

>>> Lire aussi: Crise du logement : « Les réponses apportées par l’Etat ne sont pas à la hauteur du défi »

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