IV. Sauvegarde des intérêts du conjoint victime en cas de décès ou de séparation
La loi du 31 mai 2024 visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille est venue pallier certains manquements de la législation relative au droit patrimonial de la famille pour les victimes de violences conjugales.
A. Déchéance des avantages matrimoniaux de l’époux violent
En France, l’indignité successorale est un mécanisme permettant l’exclusion d’un individu de la succession. Au fil des années, la loi a développé plusieurs situations dans lesquelles il est possible d’être considéré indigne à la succession. Les textes expliquent que cette sanction peut s’appliquer lorsqu’une personne est condamnée à une peine correctionnelle pour avoir volontairement donné ou tenter de donner la mort à la victime, ou encore lorsqu’elle est incriminée pour avoir volontairement commis des violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner.
La loi française prévoit également le mécanisme de l’ingratitude pour révoquer des donations entre vifs lorsque le donataire a attenté à la vie du donateur, qu’il lui a infligé des sévices graves, ou s’il lui refuse des aliments.
Pourtant, ces deux mécanismes sont inutiles en ce qui concerne la révocation des avantages liés à une convention matrimoniale. Ce qui signifie donc qu’un époux ayant tué son conjoint peut être considéré comme indigne à la succession, mais peut cependant jouir des bénéfices de leur convention matrimoniale.
Pour remédier à cette situation, la loi du 31 mai 2024 a introduit plusieurs modifications dans le droit des régimes matrimoniaux afin de préserver les intérêts patrimoniaux des héritiers et du conjoint en cas de violences ou de divorce. A l’origine, il était prévu de faire adopter ce texte via le mécanisme de l’ingratitude. Il a finalement été choisi un dispositif proche de celui de l’indignité.
Modifiant l’article 1399-1 du code civil, la loi dispose que « l’époux condamné […] pour avoir volontairement donné ou tenté de donner la mort à son époux ou pour avoir volontairement commis des violences ayant entraîné la mort de son époux sans intention de la donner est […] déchu de plein droit du bénéfice des clauses de la convention matrimoniale ».
De même, l’article 1399-2 dispose que, dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial, un époux ayant commis des violences, ayant été condamné pour des actes de tortures, de barbarie ou des viols envers son époux, pourra être déchu des clauses attachées à ladite convention.
B. Préservation des biens apportés par la victime
La loi du 31 mai 2024 développe également un autre outil pour les victimes de violences conjugales. Elle insère, dans le code civil, l’article 1399-6, établissant la possibilité de demander un inventaire des biens au décès de l’un des époux. Conçu pour pouvoir préserver les biens amenés par la victime à la communauté, ce dispositif est encadré par le code de procédure civile.
Etabli par un huissier de justice, un notaire ou un commissaire-priseur judiciaire, l’inventaire contient l’identité des personnes demandant cette opération, le lieu de l’inventaire, la description et l’estimation des biens soumis à inventaire, l’actif et le passif de la succession, les serments de ceux qui ont été en possession des biens, ainsi que la mention de remise des objets et documents. Cette requête peut être formulée par toute personne ayant une vocation successorale, telle que les héritiers.
Enfin, la loi du 28 février 2023 a créé une aide financière d’urgence afin que les victimes de violences puissent s’éloigner du domicile conjugal et faire face aux dépenses immédiates au moment de la séparation d’avec le conjoint violent.
Retrouvez le dossier juridique complet :
Violences conjugales : comment protéger les victimes ? (1/6)
Violences conjugales : construction d’un arsenal juridique protecteur de la victime (2/6)
Violences conjugales : développement de nouveaux dispositifs de protection (3/6)
Violences conjugales : créer des dispositifs dédiés à la protection des enfants (4/6)
Violences conjugales : une aide financière pour s’éloigner du conjoint (6/6)