I. L’instauration d’une législation
La reconnaissance de la réalité des violences conjugales a été longue. Même si elles ont toujours existé, elles ont longtemps été invisibilisées.
A. Le viol conjugal, une notion longtemps taboue
La question de la condamnation du viol conjugal s’est beaucoup posée, mais est restée longtemps impunie. Avant que celui-ci soit érigé en infraction et sanctionné par les tribunaux, il a d’abord fallu batailler pour que le viol lui-même soit reconnu et puni. Les juges ne voulant pas risquer de s’immiscer dans l’intimité des ménages, ils ont laissé cette question de côté. En 1791, le viol fait officiellement son entrée dans le premier code pénal français. Cependant, n’étant pas explicitement défini, de nombreux points restent en suspens.
Il faudra attendre une réforme de 1810 pour que soit instaurée une hiérarchie des violences sexuelles sous le chapitre « Attentat aux mœurs ». Et c’est finalement en 1978, que le crime de « viol et attentat à la pudeur » est consacré, donnant ainsi une définition plus précise à cette infraction. Malgré tout, le viol conjugal n’est toujours pas qualifié.
Celui-ci est alors considéré comme une présomption de consentement aux devoirs conjugaux (code civil de 1804, art. 215). Un siècle et demi plus tard, la loi du 23 décembre 1980, relative à la répression du viol et de certains attentats aux mœurs, va venir bouleverser les normes, et faire notamment de l’absence de consentement l’élément principal du viol. Toute une réflexion s’engage peu à peu autour de la reconnaissance et de la condamnation de ce crime commis dans la sphère conjugale.
La Cour de cassation, saisie de cette question dans une affaire jugée le 5 septembre 1990, reconnaîtra ainsi que l’article 332 de l’ancien code pénal, condamnant le viol, « n’exclut pas les actes de pénétration sexuelle entre personnes unies par les liens du mariage, lorsqu’ils sont imposés dans les circonstances prévues par ce texte ». Mais ce n’est qu’en 2006 et 2010 que le viol conjugal sera définitivement consacré dans la loi française, et que la présomption de consentement des époux sera supprimée.
A côté de ces changements juridiques, d’autres textes concernant la répression de la délinquance au sens large, aussi bien au niveau national qu’européen, vont venir influencer la question des violences conjugales.
B. Les évolutions françaises et européennes en matière de répression
Le 15 février 1989, le ministre de la Justice Pierre Arpaillange dépose une loi relative à la modification de certaines dispositions du code pénal. Elle concerne des mesures sur la répression des crimes et délits contre les personnes et sera finalement été adoptée en 1992 (loi n° 92-684 du 22 juillet 1992). Ce texte va avoir un grand impact sur la répression des violences conjugales. Grâce à son adoption, plusieurs infractions sont érigées en crimes si elles ont été commises sur une victime de violences domestiques. Par exemple, on y trouve les violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente. Par ailleurs, d’autres infractions sont sanctionnées par des peines plus lourdes si la personne inculpée est un conjoint violent. C’est notamment le cas pour les actes de torture et de barbarie ou encore de violences ayant entraîné la mort sans l’intention de la donner.
En 2007, la loi relative à la prévention de la délinquance (loi n° 2007-297 du 5 mars 2007) introduit une nouvelle peine contre le compagnon violent. Elle prévoit la possibilité d’un suivi socio-judiciaire lorsque l’infraction est commise par l’actuel ou l’ancien conjoint, compagnon ou partenaire de pacte civil de solidarité (Pacs) de la victime.
Au niveau européen, une recommandation du Comité des ministres du Conseil de l’Europe adoptée le 30 avril 2002 axe son propos sur la nécessité de modifier la législation des Etats membres quant aux violences faites aux femmes. Elle englobe notamment dans cette dénomination la violence perpétrée au sein du foyer ou de la famille, ainsi que le viol entre époux, partenaires occasionnels ou personnes habitant ensemble.
Le texte rappelle aussi aux Etats qu’il est de leur devoir de protéger les femmes de ces violences, et qu’ils ne pourront invoquer « la coutume, la religion ou la tradition pour se soustraire à cette obligation ».
Retrouvez le dossier juridique complet :
Violences conjugales : comment protéger les victimes ? (1/6)
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Violences conjugales : s’attaquer au patrimoine de l’époux (5/6)
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