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Principes et fonctionnement de la justice restaurative (2/4)

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L’autorité judiciaire, l’administration pénitentiaire ou la PJJ sont chargées du contrôle de ces mesures de justice restaurative et ont la responsabilité de s’assurer que les tiers indépendants mobilisés ont bien été formés.

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[DOSSIER JURIDIQUE] La justice restaurative fait intervenir un grand nombre d’acteurs afin qu’un dialogue puisse s’instaurer entre la victime et l’auteur d’une infraction, dans un cadre sécurisé et neutre. Elle résulte d’une démarche volontaire, peut prendre diverses formes, et doit répondre à des conditions précises. Un dispositif essentiel, gratuit, et dont l’issue n’a aucune conséquence sur la procédure judiciaire en cours.

La justice restaurative, dont les mesures peuvent prendre plusieurs formes, implique des participants – victimes et auteurs d’infraction – ainsi que des encadrants, qui peuvent être des professionnels de divers horizons ou des associations. Ils sont désignés dans les textes officiels par le terme « tiers indépendants ».

 

A. Une démarche volontaire et consentie

Les victimes comme les auteurs d’infraction participent à une mesure de justice restaurative par choix personnel, dans le cadre d’une démarche volontaire. Pour « consentir expressément » à sa mise en place, ils doivent recevoir « une information complète à son sujet » (code de procédure pénale [CPP], art. 10-1). La circulaire du 15 mars 2017 précise que ce consentement doit être recueilli « par écrit, par le tiers chargé de la mesure ».

 

1. Des victimes directes ou indirectes

Pour une victime, l’objectif de la justice restaurative est la reconstruction. La circulaire précise la définition du terme « victime » dans le cadre d’une mesure de justice restaurative. Il peut s’agir :

→ d’une victime directe ;

→ d’une victime collatérale, d’un proche d’une personne décédée par exemple ;

→ d’une victime d’infraction prescrite, qui a fait l’objet d’un non-lieu ou qui n’est pas assez caractérisée.

Les victimes doivent recevoir des officiers et des agents de police judiciaire toutes les informations sur leurs droits. Au premier rang desquels figure l’obtention de « la réparation de leur préjudice, par l’indemnisation de celui-ci ou par tout autre moyen adapté, y compris, s’il y a lieu, une mesure de justice restaurative » (CPP, art. 10-2). Les victimes ont le droit d’obtenir cette réparation « au cours de l’exécution de la peine » (CPP, art. 707).

 

 

2. Des auteurs de tout type d’infraction

Les auteurs d’infration sont présents dans une optique de responsabilisation, voire de réintégration à la société. La circulaire du 15 mars 2017 précise que tous les types d’infraction – crimes, délits, contraventions – sont compatibles avec une mesure de justice restaurative. Cette dernière peut intervenir à tout stade d’une procédure, est mise en œuvre indépendamment des poursuites engagées et peut même avoir lieu si aucune poursuite n’est possible, dans le cas d’une absence de caractérisation des faits ou si ces derniers sont prescrits.

Les auteurs d’infraction doivent avoir reconnu les faits, « sous peine de fragiliser la victime et de porter atteinte au bon déroulement des échanges », souligne un guide méthodologique sur la justice restaurative du ministère de la Justice(1). Une reconnaissance partielle peut suffire si le professionnel référent et le tiers indépendant estiment que cette minimisation de sa responsabilité peut mener l’auteur à travailler sur lui-même et à cheminer « vers une pleine reconnaissance des actes commis, condition préalable d’une rencontre avec une victime ». Le ministère rappelle que l’application d’une mesure de justice restaurative ne remet pas pour autant en cause le principe de présomption d’innocence.

 

 

B. Un « tiers indépendant » chargé de l’encadrement

Ces mesures de justice restaurative sont mises en œuvre par « un tiers indépendant formé à cet effet, sous le contrôle de l’autorité judiciaire ou, à la demande de celle-ci, de l’administration pénitentiaire » (CPP, art. 10-1). Ces tiers indépendants (circulaire du 15 mars 2017) :

→ doivent être impartiaux et présenter des qualités relationnelles et des compétences garantissant le bon déroulement de la mesure ;

→ ils peuvent être membres du personnel du secteur public ou associatif habilités de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) ou du service pénitentiaire d’insertion et de probation (Spip), tant qu’ils ne suivent pas l’auteur ou la victime mineure ;

→ ou encore des professionnels du Spip ou de la PJJ, avocats, intervenants associatifs…

 

1. Une formation essentielle

« La formation et l’information des professionnels sont des leviers majeurs pour assurer la connaissance des mécanismes et de la philosophie de la justice restaurative » (circulaire du 15 mars 2017). Une formation qui « vise à garantir l’impartialité et la technicité dans la mise en œuvre de la mesure de justice restaurative ». Magistrats, greffiers, personnels de la protection judiciaire de la jeunesse et de l’administration pénitentiaire doivent être formés à la justice restaurative lors de leurs formations initiale et continue. Ils doivent aussi être sensibilisés localement pour s’approprier cette nouvelle modalité d’intervention, en organisant, par exemple, une semaine de la justice restaurative avec des expositions, des conférences, des débats ouverts au public…

L’autorité judiciaire, l’administration pénitentiaire ou la PJJ sont chargées du contrôle de ces mesures de justice restaurative et ont la responsabilité de s’assurer que les tiers indépendants mobilisés ont bien été formés. Des conventions partenariales sont ainsi conclues par l’autorité judiciaire avec des structures associatives comportant des dispositions relatives à leur formation.

Le ministère de la Justice reconnaît les formations en matière de justice restaurative dispensées par ses écoles ou celles financées par le service de l’accès au droit et à la justice et de l’aide aux victimes (Sadjav) via le budget de l’accès au droit et à la justice (programme 101 de la mission ministérielle « Justice » de la loi de finances). Le financement des intervenants de la PJJ ou du Spip « se fait par les voies de financement habituelles des actions de formation » (circulaire du 15 mars 2017).

A noter : la circulaire du 15 mars 2017 indique que la loi ne prévoit pas d’habilitation particulière de structures associatives et qu’il « pourra être fait appel au réseau des associations du secteur socio-judiciaire habilité, et à celui des associations conventionnées soit par la protection judiciaire de la jeunesse, soit par les cours d’appels pour les actions relatives à l’aide aux victimes ». Cependant, elle enjoint « d’éviter le recours à des intervenants qui n’auraient pas bénéficié de ces formations ».

 

 

2. Le rôle des associations

S’il n’existe pas d’habilitation particulière pour les associations, certaines disposent d’un agrément. La circulaire du 16 juin 2021 relative au « plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences liées aux bandes et groupes informels » consacre une fiche à la justice restaurative qui précise que l’autorité judiciaire :

→ tient un rôle d’impulsion et de contrôle de la justice restaurative ;

→ vérifie la régularité des mesures mises en œuvre sur son ressort ;

→ peut être à l’initiative de projets de justice restaurative en lien avec les associations agréées de son ressort.

Ce document indique que les associations d’aide aux victimes peuvent mettre en œuvre des mesures de justice restaurative, tout comme les services de la PJJ ou du service pénitentiaire d’insertion et de probation (voir encadré page 53).

La circulaire du 15 mars 2017 note que les associations viennent en aide aux victimes en leur apportant « un soutien psychologique » ou « une aide socio-juridique ». Pour ces associations d’aide aux victimes, ou celles « exerçant dans le secteur socio-judiciaire », « le non-cumul s’applique à la personne animant la mesure et non à la structure gestionnaire. Ainsi, la répartition des dossiers entre intervenants ou la désignation de personnels dédiés garantira le respect de ce principe », précise encore la circulaire.

 

 

3. La place des institutions

Faire de la justice restaurative implique de monter un projet, et pour ce faire, le guide méthodologique du ministère de la Justice préconise de réunir les différents partenaires locaux au sein d’un comité de pilotage (Copil). Ses membres ont pour mission d’élaborer le cadre de mise en œuvre de la justice restaurative et sa méthodologie : conventions, protocoles, cahier des charges, supports de communication éventuels, etc.

Dans ce Copil, se retrouvent :

→ les représentants des services et institutions engagés ;

→ le procureur de la République ;

→ le président de la juridiction ou des magistrats du siège intéressés ;

→ un magistrat référent qu’il serait « opportun » de désigner pour la construction et la mise en œuvre de la mesure ;

→ des associations d’aide aux victimes (AAV) locale ;

→ un magistrat délégué à la politique associative et à l’accès au droit. Ce dernier peut d’ailleurs « aider à la mise en relation des différents acteurs locaux » en tant qu’interlocuteur privilégié des AAV désireuses de mettre en place des mesures de justice restaurative. Ces dernières portent par exemple à sa connaissance les besoins budgétaires pour cette mise en place.

Le Copil peut également accueillir, à titre consultatif ou informatif, des représentants du barreau et des professionnels de centres régionaux de justice restaurative, des partenaires institutionnels ou associatifs locaux, des services de police/gendarmerie, de l’Education nationale, des agences régionales de sante, etc.

 

 

 

C. Les types de mesure

La circulaire du 15 mars 2017 relative à la mise en œuvre de la justice restaurative précise les différents types de mesures qu’il est possible de mettre en place. Elles peuvent être directes ou indirectes, selon que l’auteur et la victime sont concernés ou non par la même affaire. Il existe également un type de mesure qui ne concerne que les auteurs.

La circulaire du 26 septembre 2014(1) précise que « des mesures de justice restaurative pourront intervenir lors de l’exécution d’une peine, en milieu fermé comme en milieu ouvert, mais également à titre d’alternatives aux poursuites ». La justice restaurative s’applique indépendamment de toute procédure, avant ou après celle-ci « sous réserve de précautions particulières dans la première ».

 

1. La médiation pénale pour les majeurs à titre d’alternative aux poursuites

La médiation pénale, une alternative aux poursuites, est une mesure antérieure à la circulaire du 15 mars 2017 qui ne l’explicite pas davantage mais souligne qu’elle continue « de s’appliquer dans le respect des principes généraux du code de procédure pénale » dans le cadre de son article 41-1. Il est indiqué que le procureur de la République peut « faire procéder, à la demande ou avec l’accord de la victime, à une mission de médiation entre l’auteur des faits et la victime ». Cette médiation n’a lieu que si le procureur de la République estime que la mesure « est susceptible d’assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l’infraction ou de contribuer au reclassement de l’auteur des faits ». La médiation n’est pas possible en cas de violences au sein du couple.

La circulaire du 15 mars 2017 précise que la justice restaurative « peut être proposée parallèlement à une mesure alternative aux poursuites, mais en aucun cas comme mesure alternative ». C’est le procureur de la République qui peut « cumuler une mesure alternative avec la proposition d’une mesure de justice restaurative » :

→ soit il la propose aux victimes et aux auteurs et les renvoie vers une association référente ;

→ soit il est saisi d’une demande émanant d’une association et donne son accord.

Dans les deux cas, il exerce un contrôle qualitatif à l’issue de la mesure qui ne doit en aucun cas interférer avec « le sort de la procédure pénale ». Pour s’en assurer, les rapports émis par le tiers indépendant ne sont pas joints au dossier classé à la suite de la réalisation de la mesure alternative.

La circulaire précise encore que « la mesure de justice restaurative n’a pas d’effet sur l’octroi d’éventuels dommages-intérêts dus à la partie civile, y compris sous forme transactionnelle, ni sur l’indemnisation de la victime dans le cadre d’une alternative aux poursuites ». Par ailleurs, la personne chargée d’une mesure alternative aux poursuites ne peut s’occuper de la mise en œuvre de la mesure de justice restaurative.

 

 

2. Des rencontres directes

Lors d’une rencontre directe, l’auteur et la victime d’une même infraction sont mises en contact. Elle peut prendre différentes formes.

→ La médiation restaurative durant laquelle l’auteur et la victime évoquent les faits commis et leurs répercussions. Ils sont accompagnés du tiers indépendant qui les a préparés à cet échange lors d’entretiens individuels. Il est possible que seule la phase de préparation ait lieu et qu’il n’y ait pas de face-à-face.

→ Des conférences restauratives, ou conférences de groupe familial, auxquelles participent des proches de l’auteur et de la victime. Elles permettent « d’envisager les modalités de l’aide que l’environnement familial et social est susceptible d’apporter aux intéressés » (circulaire du 15 mars 2017). Cette mesure est recommandée pour les mineurs (voir page 54) afin d’associer la famille au dispositif.

→ Le cercle restauratif. Cette mesure directe concerne les victimes et les auteurs dont l’infraction ne fera pas l’objet de poursuites en raison d’une prescription, d’un non-lieu, de faits insuffisamment constitués, etc. « Le cercle est l’occasion d’aborder notamment les questions relatives au traitement judiciaire des faits, et a pour objectif d’apporter un apaisement aux personnes concernées par ces faits » (circulaire du 15 mars 2017).

 

 

3. Des rencontres indirectes

Dans ce type de mesure, les auteurs et les victimes ne se connaissent pas mais ils ont été impliqués dans un même type d’infraction. Ces rencontres, appelées « condamnés-victimes » et « détenus-victimes » selon que les échanges ont lieu en milieu ouvert ou en milieu fermé, permettent de discuter par groupe de cinq ou six personnes sur les répercussions de l’acte commis.

Les sessions sont animées par un ou des tiers indépendants spécialement formés. Il peut s’agir d’un binôme constitué d’un personnel d’une association d’aide aux victimes et d’un conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation par exemple. Des représentants de la société civile formés à la justice restaurative peuvent également participer à ces réunions. Ils ont principalement un rôle d’écoute et de soutien.

 

 

4. Des cercles de parole pour les auteurs

Il existe deux types de cercles de parole destinés aux auteurs, en fonction du caractère sexuel ou non de l’infraction :

→ le « cercle de soutien et de responsabilité » (CSR) est exclusivement réservé aux personnes condamnées pour une infraction à caractère sexuelle. Ce dispositif a pour but d’éviter la récidive, en aidant à la réinsertion sociale de l’intéressé ;

→ le « cercle d’accompagnement et de ressources » (CAR) s’adresse aux personnes condamnées pour une infraction de toute autre nature que sexuelle. L’objectif est de leur permettre de recouvrer leur autonomie personnelle et sociale. Le dispositif concerne également les détenus en fin de peine.

 

>>> Le dossier juridique complet :

Justice restaurative : responsabiliser l'auteur, réparer la victime (1/4)

Mise en place de la justice restaurative (3/4)

3 questions à Séverine Collado-Defay (4/4)

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