« Abjecte et dégradante ». Tels sont les qualificatifs retenus par les travailleurs sociaux du secteur de l’hébergement d’urgence de la métropole lyonnaise, pour parler de leur mission quotidienne. Avec l’organisation d’une grève assortie d’une marche organisée le 14 décembre dès 14 h 00 à Lyon, ils dénoncent le niveau de saturation inédit des structures d’accueil et les logiques de tri des publics qu’ils sont contraints d’exercer. En parallèle, des grèves ont aussi lieu cette semaine à Saint-Etienne (Loire) et à Valence (Drôme).
« En 2023, une mère et son enfant autiste en crise, une femme de 75 ans, un mineur sans famille, des familles avec un nourrisson de plus de 28 jours sont désormais à la rue, sans solution d’hébergement », relate le collectif Hébergement en danger, organisateur de la manifestation, dans un communiqué du 11 décembre. « Nous ne serons pas les rouages d’une machine qui broie, exclue et tue ! »
+ 50 % de sans-abri en cinq ans
Si l’engorgement des services d’accueil s’observe sur l’ensemble du territoire, à Lyon, 14 000 personnes attendent aujourd’hui une place d’hébergement ou un logement. Un nombre qui marque une augmentation de 50 % en cinq ans.
« Les attaques contre notre secteur sont sans précédent. Nous devons constamment trier des personnes avec une accentuation des critères de vulnérabilité, notamment dans le cadre des commissions avec le SIAO [service intégré d’accueil et d’orientation] », détaille Lou, travailleuse sociale au sein d’une structure d’hébergement d’urgence. « Est-ce normal de considérer que, sous prétexte qu’un nourrisson de 28 jours est vacciné, il peut vivre sans toit ? Normalement, la loi prévoit que l’inconditionnalité de l’accueil et sa continuité priment ! », rappelle-t-elle.
Bonne figure de l’Etat
Pour faire face à la situation, les associations enjoignent la métropole et Fabienne Buccio – préfète de la région Auvergne-Rhône-Alpes, bien connue pour ses décisions drastiques concernant le sort de publics sans domicile dans d’autres territoires – d’arrêter toute remise à la rue. La création rapide de 2 000 places d’hébergement supplémentaires sur le département et la mise en place d’un plan gouvernemental pour l’hébergement et le logement pour tous constituent les autres revendications du collectif.
« La préfète a répondu que des places se libéreraient par des accès au logement et qu’elle n’avait donc pas l’intention d’en créer davantage. Lorsque tous les indicateurs de production de logement sont à la baisse, lorsque le délai moyen d’obtention d’un logement social est de plus de 2 ans dans le Rhône, cette réponse est en déconnexion totale avec la réalité et l’urgence à agir », soulignent les associations.
Les périodes de grand froid déniées
Autre constat : aucun « plan hivernal » ne s’organise sur le département durant la période de froid. Dans le même temps, plus à l’ouest, en Haute-Garonne, la préfecture annonce l’ouverture de 130 places d’hébergement provisoires pour la saison alors que 2 000 personnes se voient opposer un refus d’hébergement chaque mois et que 658 individus ont été remis à la rue dans l’année.
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