Ils étaient plus de 200 à se retrouver au métro Jean Jaurès, à Toulouse, le 6 juillet. A l’appel de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) et de la Fédération nationale Solidarité femmes (FNSF), des professionnels se sont mobilisés pour dénoncer la décision des services de l’Etat de mettre fin à l’hébergement à l’hôtel de 33 femmes victimes de violences conjugales.
Prévenues tour à tour, depuis mi-juin, ces femmes ont reçu un courrier de la préfecture de Haute-Garonne les informant qu’elles devaient quitter leur chambre dans un délai de 8 jours, sans qu’aucune autre solution alternative ne leur soit proposée. Aujourd’hui, les associations expliquent être sans nouvelle de la plupart d’entre elles et supposent qu’elles sont à la rue ou hébergées chez des tiers de « mauvaise qualité ».
A Toulouse, la mairie, par le biais du centre communal d’action sociale (CCAS), finance les 14 premières nuitées des femmes en demande de mise à l’abri. L’Etat prenait jusqu’à présent le relai de ce financement pour les nuitées suivantes. Un moyen d’assurer une continuité d’hébergement, jusqu’à ce qu’une autre solution soit trouvée, parfois plusieurs mois ou un an après.
Politique nationale
La décision de la préfecture s’inscrit dans le cadre de réduction des places d’hébergement d’urgence voulu par l'exécutif au plan national. « Chaque région et chaque département à une cible à atteindre, précise Anne-Claire Hochedel, déléguée régionale Occitanie de la FAS. En Haute-Garonne, les places d’hôtel ont été ciblées, plus faciles à fermer que des places d’hébergement confiées à des associations. » Tous les publics accompagnés sont concernés par cette réduction des nuitées hôtelières mais, pour la première fois, y sont également inclues les femmes victimes de violences conjugales.
« La situation sur le territoire est particulière : s’il y a ce recours important à l’hôtel, c’est que nous sommes dans un contexte de déficit d’hébergement pour tous les publics », contextualisent les associations spécialisées de la FNSF. « Sur le territoire, il s’agit d’une question récurrente, complète Anne-Claire Hochedel. Nous sommes tous d’accord, nous ne pouvons pas nous satisfaire de l’accueil de plus de 2 000 personnes chaque soir à l’hôtel dans l’agglomération toulousaine, ce qui est le cas actuellement. »
Si les nuitées hôtelières sont loin d’être idéales : isolement, difficultés d’accompagnement, instabilité…, elles assurent néanmoins une mise à l’abri des femmes victimes de violences conjugales. « Sur le terrain, cela nous permettait de pouvoir dire à celles qui évoquaient le désir de partir à un moment donné du domicile : “Ne vous inquiétez pas, si un jour vous avez besoin, il y aura une solution via le 115” », illustrent les associations de la FNSF.
Non-sens économique
De son côté, dans un communiqué de presse publié le 5 juillet, la préfecture explique que « le dispositif [d’hébergement à l’hôtel, ndlr] ne permet en aucun cas l’accès direct à un logement ». Et poursuit : « Si des prises en charge sur une trop longue durée en hébergement dédié à l’urgence ont pu avoir cours, cette durée de prise en charge de ces femmes à l’hôtel d’urgence doit demeurer l’exception et être cantonnée dans le temps à une prise en charge et un accompagnement adapté à leur situation. »
Des propos difficilement recevables pour les acteurs associatifs qui mettent l’accent sur le manque de moyens dont ils disposent pour accompagner ces femmes dans la recherche de solutions pérennes une fois sorties de l’hôtel.
Pour la déléguée régionale Occitanie de la FAS, ces « mises à la rue sèches » représentent même un non-sens économique. « Les nuits hôtelières ont un coût exorbitant. Vous imaginez : 2 100 personnes en moyenne à l'hôtel, chaque soir, à Toulouse. Mettre un terme soudain à ces séjours donne encore moins de sens à l'utilisation de cet argent. »
Poursuite de la mobilisation
En plus de cette décision, les associations dénoncent « une réduction par l’entrée » dans le dispositif de nuitées hôtelières. « Aujourd'hui, il y a moins de personnes acceptées à l'hôtel pour des raisons de vulnérabilités, y compris les femmes victimes de violences conjugales qui, jusqu’à présent, étaient protégées de cette politique », rapporte Anne-Claire Hochedel. L’évolution de ce système amène les travailleurs sociaux à devoir donner la priorité à certains publics. « Les professionnels doivent par exemple choisir entre une femme victime de violences et une dame sortant de la maternité. On fait vivre aux travailleurs sociaux des situations impossibles. »
La FAS et la FNSF demandent « la réintégration dans un dispositif d’urgence des femmes mises à la rue », ainsi que la création de places d’hébergement adaptées, inconditionnelles et continues. En plus de ces 33 femmes, près de 100 personnes présentant d’autres vulnérabilités sont aujourd’hui sans solution d’hébergement à la suite de la diminution des nuitées hôtelières. La Fédération des acteurs de la solidarité craint que ces fins de « prise en charge » ne touchent bientôt 200 personnes au total. Si le dialogue ne s’ouvre pas avec les services de l’Etat, les associations prévoient d’autres alertes et mobilisations. Sollicitée, la préfecture n’a pas répondu à notre demande d’interview.