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"S'il n’y a plus de travailleurs sociaux, il n’y a plus de solidarité" (Gilles Finchelstein)

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Gilles Finchelstein

Gilles Finchelstein, secrétaire général de la fondation Jean-Jaurès.

La solidarité est aussi une question politique. C’est même une arme politique contre l’extrême droite selon Gilles Finchelstein, le secrétaire général de la Fondation Jean-Jaurès qui était l’invité des Journées du travail social de la FAS.

« La solidarité ou le chaos » : c’est le thème de la dernière plénière aux Journées du travail social de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) à Nancy le 25 septembre 2024. Parmi les invités à se prononcer sur ce sujet très politique : Gilles Finchelstein, le secrétaire général de la Fondation Jean-Jaurès. L’occasion de porter un regard politique sur la question sociale.

 

ASH : Ces derniers mois, la Fondation Jean-Jaurès a publié plusieurs notes autour de la question des solidarités. Deux d’entre elles avaient des titres explicites : « Pour contrer l’extrême droite, priorité aux solidarités » puis « Après le front républicain, l’urgence de la révolution solidaire ». Comme si la solidarité, ce n’était pas seulement une question sociale mais aussi politique…

Gilles Finchelstein : Il n'est pas surprenant que la Fondation Jean-Jaurès, parce que c'est la Fondation Jean-Jaurès, consacre beaucoup de ses travaux sous différentes formes, et depuis de nombreuses années, aux questions d'égalité, de solidarité, de justice sociale. C'est le cœur de son engagement et de sa mission.

Et la solidarité est une valeur qui rassemble au-delà de la Fondation, et au-delà même d'un spectre politique. C'est quelque chose qui traverse la société française, qui est constitutif même de l'identité de notre pays. Tocqueville parlait de la passion pour l'égalité des Français.

Donc, il est normal que nous y consacrions beaucoup de nos réflexions. A fortiori dans la période actuelle, avec cette idée que le social, ce n’est pas seulement du social, mais aussi du politique. Que ce qui se passe dans la société, les liens qui s'y constituent, qui peuvent être liés, qui peuvent parfois être déliés ont un impact. Et un impact politique.

Mais la solidarité est-elle vraiment une arme pour lutter contre la montée du Rassemblement national ?
C'est un des éléments, puisque dans la montée du Rassemblement national, il y a une forme de mécontentement par rapport à ce que sont les évolutions de la société. 

Beaucoup d’électeurs restent centrés sur la question de l'immigration, mais une partie du vote est aussi liée à une forme de délitement social. En ce sens, la solidarité, le travail social, contribuent à retisser ces liens, et donc également à lutter contre la progression de l'extrême droite.

Il y a un aussi un discours contre l’assistanat qui est celui du Rassemblement national et d’une partie de la droite. Est-on face à une France solidaire contre une France identitaire ?

Effectivement, c'est un élément très important. Comme si notre pays avait deux faces, tel Janus. Une face dans laquelle il y a ce que j'évoquais, cette passion de l'égalité. Et un pays qui, concrètement, a plus de socialisation des dépenses, plus de redistribution des revenus, beaucoup d'engagement individuel, associatif, local, en faveur de la solidarité.
Et puis, autre face, celle d'un pays dans lequel il y a, de manière croissante, le sentiment qu'il y a trop d'immigrés et que depuis maintenant 15 ans, il y a trop d'assistanat.

D'ailleurs, de manière très symptomatique, le mot solidarité a peu à peu été remplacé dans le débat public par le mot assistanat.

Il n'y a pas encore un ministère de l'Assistanat…

Il y a un ministère de la Solidarité, donc tout n’est pas perdu ! Mais on observe ces tendances qui sont à l'œuvre et, peut-être plus profondément – je pense que c'est un élément de réflexion pour tous ceux qui sont attachés à la solidarité –, il y a une représentation de la société qui est de plus en plus une société en cloche qui oppose l'ensemble des producteurs, ceux qui vivent de leur travail, et ce que le philosophe Michel Ferrer a appelé les « parasites ». Ceux d'en haut, les spéculateurs ; et ceux d'en bas, les assistés.
Cette vision de la société, peu à peu, a gagné du terrain. Il faut donc lutter de manière très concrète, mais aussi dans les imaginaires. Il est nécessaire de proposer une autre représentation de la société.

« La solidarité ou le chaos », thème du débat auquel vous participez aux Journées du travail social, est aussi le titre d’une note de Pascal Brice et Lou-Jayne Hamida, respectivement président et vice-présidente de la FAS, publiée par la Fondation Jean-Jaurès. Souscrivez-vous à cet intitulé ?

D'abord, le risque du chaos, je pense que chacun le pressent. On assiste à des signaux faibles et à des éléments intuitifs qui indiquent que quelque chose peut se passer. L'alternative, c'est la solidarité. Par conséquent, je crois que le combat en faveur de la solidarité, très concret, politique, idéologique, est le combat qui est aujourd'hui absolument central, si on veut éviter le chaos.


Que se passe-t-il s’il y n’a plus de travailleurs sociaux ?
S'il n’y a plus de travailleurs sociaux, la réalité est qu'il n’y a plus de solidarité. En tout cas que la solidarité a les plus grandes difficultés pour s'incarner, se matérialiser concrètement. La solidarité, ce n'est pas seulement une idée, c'est aussi une réalité. Et cette réalité repose d'abord sur les travailleurs sociaux.


Une dernière note publiée par la Fondation nous avait particulièrement frappé à ASH : « Société du lien, société de demain », de Romain Dostes et Jean-Luc Gleyze. Elle évoquait la paupérisation des métiers du travail social et leur nécessaire revalorisation. C’est un constat et aussi peut-être un vœu pieux que l’on entend depuis des années. Y a-t-il une offre politique qui peut répondre à cette paupérisation, à ce manque d’attractivité du secteur ?

J'espère qu'il y en aura une. Parce qu'en réalité, la hiérarchie des revenus dans un pays, dans une société, dit beaucoup de choses sur ce qui, à ses yeux, a de la valeur. On a mesuré combien nombre de professions, comme on l'a vu d'ailleurs au moment de la crise du Covid, bien qu'essentielles à la vie de la société, n'avaient pas la reconnaissance, non seulement symbolique, mais aussi matérielle, qu'elles devraient avoir.
On le voit dans un certain nombre de métiers, comme l'éducation.

C'est évidemment le cas pour le travail social. Ce sera donc un des débats, un des combats de ces deux prochaines années (si les élections présidentielles ont bien lieu en 2027) pour essayer de faire en sorte que cette revalorisation figure dans les programmes, si par hasard elle n’y figurait pas… ce que l'on peut redouter.

Lire aussi : « Les métiers du social ont évolué comme les métiers ouvriers »

 

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