Dans l’attente des décrets d’application de la loi pour le plein emploi, les associations du collectif Alerte s’interrogent. Dans une note de positionnement rendue publique le 24 avril, elles affichent leurs préoccupations quant aux conséquences de la refonte systémique opérée par la création de France travail. A commencer par le volet de la contractualisation du revenu de solidarité active (RSA) à 15 heures d’activités.
Une mesure qui, selon elles, constituerait un renforcement du contrôle social sur les plus pauvres. « Nous sommes particulièrement inquiets du fait des incertitudes qui entourent son financement et des moyens mis en place pour assurer les besoins d’accompagnement », détaille également le document.
Mesures disproportionnées
En effet, la réforme intervient dans un contexte de réduction budgétaire où plusieurs milliards d’euros d’économies sont prévus dans le champ des budgets Travail et Solidarité (lire notre article).
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« Cela va paupériser des personnes déjà en difficulté et, en face, le gouvernement assure que ces mêmes personnes ne font pas d’effort pour s’insérer », affirme Noam Leandri, président du collectif Alerte, lors d’une conférence de presse organisée pour la sortie de la note. « Il est pourtant démontré que 80 % des allocataires du RSA effectuent des démarches d’insertion », poursuit-il. En cause, les sanctions financières prévues pour les allocataires qui n’effectueraient pas leurs heures d’activité. Le texte prévoyant la suppression définitive de l’allocation au bout de trois mois. Et ce, sur décision d’un salarié de France travail, au lieu de s’appuyer sur une commission pluridisciplinaire, comme c’est le cas actuellement.
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Un choix politique auquel le collectif s’oppose formellement en évoquant plutôt la nécessité de « déployer de nouvelles initiatives visant à garantir des emplois dans les territoires ». Et ce, dans un contexte où le nombre d’emplois disponibles se révèle faible au regard des cinq millions de demandeurs d’emploi recensés et où les possibilités d’actions sont hétérogènes, certains territoires concentrant 30 % de chômage. « Nous aimerions que l’insertion par l’activité économique (IAE) et que les dispositifs de “Territoires zéro chômeur de longues durée” (TZCLD) soient davantage déployés au lieu de mettre la pression sur les individus au chômage », pointe le président d’Alerte.
Bilan en demi-teinte
Autre point d’achoppement : l’opacité quant aux expérimentations de contractualisation menées depuis plusieurs mois dans 18 territoires et qui se verront généralisées dès janvier 2025. « Ces heures d’activités ne devraient en aucun cas se rapprocher d’une forme de travail gratuit, dont pourraient bénéficier les entreprises ou les administrations. La contrepartie de tout travail, même à temps partiel, doit en effet être le versement d’un salaire, pas celui du RSA, qui doit rester une allocation », défendent les associations.
« Ces expérimentations se révèlent peu adaptées aux publics les plus en difficulté », indique, pour sa part, Henri Simorre, membre du comité stratégique d’ATD quart monde. « Disposant des mêmes modalités, le contrat d’engagement jeune montre qu’il est difficile de remplir autant d’heures d’activités et que les moyens sont insuffisants pour proposer un accompagnement personnalisé comme l’aide à l’élaboration d’un CV. C’est pourtant ce qui fonctionne ! »
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Le collectif reconnaît toutefois que les expérimentations semblent mener de nombreux allocataires vers l’emploi grâce au renforcement de l’accompagnement. Une raison supplémentaire de remettre en cause la mise en place de sanctions. « D’autant plus que l’on sait que 40 % des personnes sanctionnées ne reviennent plus dans le dispositif. Il va donc falloir être attentif aux conséquences sociales », avertit Henri Simorre.
Nouvelles contraintes
Enfin, l’obligation d’inscription des allocataires du RSA à France travail prévue par la loi est une disposition qui, pour les associations, aura « une incidence très forte pour des milliers de personnes qui vont devoir désormais mettre à jour mensuellement leur profil à France travail, ce qui nécessitera le déploiement de nouveaux rendez-vous, services, contacts et formations ». Or le modèle de financement de la nouvelle instance devrait être défini en 2027.
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Pour l’heure, le collectif Alerte souhaite être consulté par le gouvernement avant la publication des décrets. Un rendez-vous avec la ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités Catherine Vautrin est prévu dans les prochains jours.