ASH : Pour quelles raisons avez-vous créé une Union du réemploi solidaire ?
Aurore Médieu : Cela fait cinq ans que nous travaillons tous main dans la main. Notre collaboration a débuté au moment des débats parlementaires autour de la loi « Agec » (anti-gaspillage pour une économie circulaire) de 2020, dans le cadre de la création des fonds réemploi. Nos structures étant majoritairement associatives, leur développement et la pérennisation de leur modèle économique se ressemblent. En 2021, au moment de la loi « Climat et résilience », nous avons à nouveau fait front commun pour obtenir un fléchage exclusif de fonds vers nos structures. Grâce à notre mobilisation, nous disposons aussi d’un siège à la commission interfilière Rep (filière à responsabilité élargie des producteurs) dans le secteur de la gestion de déchets, ce qui nous permet d’être représentés dans les espaces d’échanges autour de futurs textes de loi. Malgré tout, notre travail en commun restait peu visible.
Quels sont les principaux enjeux de votre action ?
Nos périmètres d’actions sont divers mais nous représentons les mêmes typologies de structures, nous nous appuyons sur les mêmes principes, les mêmes valeurs et nous avons les mêmes besoins en termes de développement. Bien que nombreux, avec 2 000 structures, nous ne disposons pas de siège au Conseil national de l’économie circulaire. Il est donc essentiel d’agir ensemble pour peser davantage dans le débat public.
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Notre union tient aussi à l’appel d’air généré par les enjeux de réemploi actés par la loi « Agec ». En permettant le déploiement de nouvelles offres, des entrepreneurs de start-up ou les metteurs en marché « classiques » s’inscrivent sur le marché de la seconde main. Ce qui vient installer une concurrence directe avec notre activité. Ces entreprises vont, de plus, récupérer principalement les flux de bonne qualité sur des filières rémunératrices comme le textile ou la téléphonie. Ce qui aura pour conséquence de développer les offres lucratives à forte valeur ajoutée entraînant ainsi potentiellement la mort de nos structures multiflux qui permettent aussi de traiter les flux à perte, tels que les meubles, au sein de nos réseaux. En plus de la partie environnementale, la majorité de nos structures dépendent du secteur de l’insertion par l’activité économique (IAE), leur bon fonctionnement est crucial puisqu’elles interviennent aussi sur des enjeux sociaux et de solidarité.
Quel est le lien entre vos objectifs et le fonctionnement des structures de l’IAE ?
Les activités autour du réemploi accueillent des publics éloignés du travail, ce que ne fait pas le secteur lucratif. Par ailleurs, au sein de nos réseaux, les équipements proposés sont vendus à prix solidaires et permettent à des personnes d’accéder à des biens de consommation qu’ils pourraient difficilement acquérir autrement. Au sein des recycleries et des ressourceries, c’est la force bénévole qui permet de mettre le modèle économique à l’équilibre. Ce tissu associatif local est dépendant de l’implication des citoyens. Il s’agit là d’outils de mobilisation pour créer du lien social au service d’une cause à la fois environnementale et solidaire et qui soutient les personnes en situation de précarité, bénéficiaires de nos structures.
Lors des commissions interfilières Rep, avez-vous le sentiment d’être écoutés ?
Nous disposons d’un maillage territorial très fin. Nous sommes présents autant dans les zones rurales qu'urbaines. Lorsqu’on partage nos chiffres annuels, nous sommes davantage pris au sérieux que par le passé : collecte de 400 000 tonnes de déchets d’équipements, réemploi de près de 200 000 tonnes, pour un chiffre d’affaires estimé à 750 millions d’euros. S’y ajoutent notre rôle de services de proximité, cela pèse pour être pris en compte.
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En quoi est-il important d'avoir un maillage territorial ?
Si l'on veut faire en sorte que le geste de seconde main se démocratise, pour des raisons sociales ou écologiques, il faut rendre cette offre accessible et visible auprès du consommateur. Nous parlons donc d’industrialisation de la filière. C’est très important de garder la diversité des modèles, avec des structures à taille humaine qui se trouvent vraiment au plus près des personnes dans les territoires. Il s’agit, là encore, de se rendre visibles, avec des projets innovants comme le sont les villages du réemploi qui permettent à plusieurs associations partenaires de proposer tout type de produits. L’autre point repose sur notre capacité à travailler avec les collectivités territoriales sur l’accès au foncier, et ce, afin d’être présent dans la vie quotidienne des usagers et non plus au fin fond de zones d’activités.
Vous souhaitez créer une école du réemploi solidaire, c'est-à-dire ?
Dans notre réseau, des formations existent déjà. Pour éviter la concurrence qui existe entre certains organismes de formation, l’idée est de proposer une offre complémentaire, au travers d’un catalogue commun. Cela permettrait de répartir les compértences entre les différentes structures et d'identifier les zones « blanches ». Il y aurait des formations assez généralistes, comme pour devenir agent valoriste au réemploi, c’est-à-dire apprendre à collecter, à trier, à remettre des objets en état puis en vente. Et, en parallèle, des formations plus spécifiques, comme la réparation de vélos. Dans un dispositif idéal, on pourrait imaginer qu’un salarié qui arrive en atelier et chantier d’insertion (ACI) et qui est formé au reconditionnement d’équipements électriques et électroniques pourrait envisager la suite de son parcours dans une entreprise d’insertion.
(*) Coorace, Emmaüs France, Envie, ESS France, L’heureux cyclage, Réseau national des ressourceries et recycleries.
> Présentation de l’Union pour le réemploi solidaire
Lancement de l'Union pour le Réemploi Solidaire à l'@AssembleeNat | "Nous nous pensons forts parce que nous pensons que nous avons raison ! C'est autour de nos valeurs que doivent s'organiser les questions du réemploi" - @BalasGuillaume
— Fédération ENVIE(@Envie_org) February 29, 2024
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