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Que va-t-il advenir des 80 femmes et enfants sans toit à Lyon?

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Les membres du collectif Solidarité entre Femme sà la rue protestent contre la demande d'expulsion du bailleur Grand Lyon Habitat du bâtiment qu'elles occupent depuis juillet 2024. 

Crédit photo DR
Menacées d’expulsion, 80 personnes membres du Collectif Solidarité entre Femmes à la rue occupent depuis le 19 juillet un bâtiment du bailleur Grand Lyon Habitat. Dans la métropole de Lyon, 14 000 personnes sont en attente d’un hébergement. Au début de l'été, 361 enfants dormaient dans la rue, dont 19 bébés.    

Son foulard jaune sur les cheveux, Gabrielle* se tient un peu en retrait à la sortie de l’audience. “On croise les doigts”, murmure-t-elle dans un sourire timide. Comme beaucoup d’autres femmes présentes ce matin, elle ne veut pas se montrer trop optimiste. “Avant d’être hébergée dans cet immeuble, j’ai passé un an et demi dans la rue. Alors je ne suis pas rassurée à l'idée d’y retourner, surtout cet hiver”. Originaire de la République démocratique du Congo, Gabrielle est arrivée en France il y a cinq ans. Depuis que sa demande d’asile a été rejetée, elle vit dehors avec ses deux adolescents, aujourd’hui âgés de 12 et 15 ans. Sa demande de DAHO (droit à l'hébergement opposable), déposée en 2020, est toujours en attente.

Il y a un mois, elle a trouvé refuge dans cet immeuble vide de Grand Lyon Habitat, situé quai Arloing dans le 9ème arrondissement de Lyon. Sur les 200 personnes que compte le Collectif Solidarité entre Femmes à la rue, un peu plus de 80 ont pu s’y installer. “Ça va un peu mieux, au moins mon fils ne va pas faire sa rentrée au lycée en vivant dehors ”, souffle Gabrielle. Bien sûr, cette solution d’urgence n’est pas l’idéal. Depuis le 19 juillet, elle partage une chambre avec dix autres femmes et enfants. “Mais tout est mieux que la rue”, assure la femme de 43 ans.

Demande d’expulsion par Grand Lyon Habitat

Cette mise à l’abri est toutefois temporaire. En juillet dernier, le collectif à l'initiative e l’occupation a été assigné en justice par le propriétaire du bâtiment Grand Lyon Habitat, qui demande l'expulsion immédiate des habitantes.

« Ce bâtiment appartenant à la Métropole a été laissé à l’abandon, puis squatté, puis évacué pour un projet immobilier… La Métropole l’a alors vendu au bailleur Grand Lyon Habitat [en 2022], pour qu’il reste vide encore 2 ans ! », dénoncent les membres du collectif dans leur communiqué.

 

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“En cas d'expulsion, le droit prévoit un délai de deux mois pour quitter les lieux. Aujourd’hui, Grand Lyon Habitat demande l’expulsion immédiate. Leur objectif est d’éviter d’aller jusqu’à la trêve hivernale [qui démarre le 1er novembre]”, explique Juliette Murtin, membre du collectif. Pour l’avocate du bailleur social, cette action en justice “est la seule possibilité pour permettre à Grand Lyon Habitat de récupérer son bien afin de le réhabiliter, pour pouvoir le louer à des étudiants en situation de précarité”. “On ne remet pas en cause la difficulté pour ces familles de se retrouver à la rue, mais nous n’avons pas à pallier les carences de l’Etat”, justifie l’avocate.

Cette occupation intervient dans un contexte tendu avec la Métropole de Lyon, engagée dans un bras de fer avec l’Etat sur les questions d'hébergement d’urgence. Le 15 juillet dernier, la collectivité annonçait notamment qu’elle arrêtait temporairement la prise en charge de nouvelles nuits d’hôtels pour les femmes enceinte de plus de six mois et les femmes seules avec des enfants de moins de trois ans.

 

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Le tribunal de Lyon doit rendre son ordonnance le 13 septembre. D’ici là, les familles peuvent rester sur place. “Il faut absolument prendre en compte le contexte social qui est particulièrement délicat pour ces femmes. On ne parle pas de deux ou trois familles. On parle d’une centaine de personnes très précarisées qui n’aspirent qu’à trouver des solutions durables et dignes. On ne squatte pas pour squatter”, martèle l’avocat du collectif Maître Boudjemaa.

Le bailleur social met alors en avant la dangerosité du bâtiment et les risques d’effondrement en cas d’incendie ou de mouvement de foule. “GLH fait valoir les risques liés à la sécurité mais aucun arrêté de mise en péril n’a été pris. La semaine dernière, Architectes Sans Frontières s’est rendu sur place et nous a dit que le lieu était viable en l’état”, défend Juliette Murtin. Depuis peu, des alarmes incendie et des extincteurs ont également été installés à chaque étage.

“On n’est pas des voleuses, on veut juste un toit”

Devant l’entrée du tribunal judiciaire, le collectif entonne “Un toit c’est un droit ! La loi doit être appliquée !” Derrière la banderole, Amina* se montre un peu plus rassurée. “J’avais vraiment peur au début de l’audience parce qu’on avait l’impression d’être sur le banc des coupables. Mais on n’est pas des voleuses, on est juste des femmes sans logement”. A 39 ans, elle est venue d'Algérie avec ses deux enfants. Victime de violences conjugales, elle est suivie par une assistante sociale de la Métropole et par l’association l’Alpil. “On nous fait des promesses d'hébergement mais il ne se passe rien. On appelle le 115 tous les jours, et il n'y a jamais de place”, poursuit Amina. “Depuis qu’on est quai Arloing, on a enfin pu prendre des douches. On peut cuisiner, on a des toilettes. Le collectif a fait faire des travaux pour l’évacuation d’eau. Pour nous, c’est vraiment sécurisant.” Assise à ses côtés, son amie raconte qu’elle doit s’occuper de ses six enfants, et que sans carte de séjour, elle ne peut ni travailler ni se payer de logement.

*Les prénoms ont été modifiés

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