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Quartiers disciplinaires : « Un placement aussi inhumain que contre-productif » (OIP)

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"Ce rapport souligne l’urgence à agir pour fonder le quotidien des personnes détenues sur des impératifs non négociables de préservation de la dignité et de respect des droits fondamentaux", indique l'OIP.

Crédit photo Adobe Stock
Le dernier rapport de l’Observatoire international des prisons (OIP) passe au crible les sanctions disciplinaires infligées aux personnes détenues pour des faits commis au cours de leur peine. Pour l'OIP, décisions opaques et disparités territoriales entravent l’efficacité de ces mesures ainsi que le respect de la dignité des individus incarcérés.

Comment fonctionnent les quartiers disciplinaires des prisons françaises ? Telle est la question sur laquelle se sont penchés les membres de l’Observatoire international des prisons (OIP). Avec une enquête très documentée publiée le 6 février, l’association rend compte de la réalité de la discipline dans un contexte où de nouvelles fautes sanctionnables pour les détenus ont vu le jour en 2019.

Une punition dans la punition

En 2022, près de la moitié des personnes incarcérées ont fait l’objet de comptes rendus d’incident (CRI). 69 174 sanctions ont ainsi engendré plus de 100 000 jours de mise à l’isolement sur l’année. « Le constat est lourd et édifiant, témoignant des conséquences dramatiques d’une vision quasi exclusivement répressive, faisant de la discipline en prison une punition dans la punition », tranche l’OIP.

La durée d’enfermement peut atteindre 30 jours dans des conditions d’isolement total rudes : mobilier succinct vissé au sol, sortie d’une heure par jour laissant à peine voir le ciel, barreaux aux fenêtres, contrôles et brimades récurrents des surveillants pénitentiaires,… Un cocktail dévastateur qui explique la fréquence des tentatives de suicide. « Le risque de mettre fin à ses jours y est quinze fois plus élevé qu’en détention ordinaire. Au cœur de la réponse disciplinaire, le placement au quartier disciplinaire est aussi inhumain que contre-productif-pour ne pas dire destructeur », affirme l’OIP.

Autre effet, les moindres chances de réinsertion. En effet, la sanction décidée en commission de discipline peut nuire aux activités de travail ou au régime de détention. Les décisions des juridictions d’application des peines entravent aussi les permissions de sortie, les aménagements de peine ou leur réduction. Et ce, dans un cadre où le contradictoire et le droit au recours peinent à être garantis alors que « l’établissement des faits pouvant donner lieu à sanction, s’il doit être acté formellement, est la plupart du temps indigent, et les écrits souvent de piètre qualité », souligne le rapport.

Notions pénitentiaires floues

Enumérées dans le code pénitentiaire, les 40 fautes pouvant donner lieu à un prononcé de sanctions sont classés selon leur gravité. Le président de la commission de discipline est compétent pour qualifier juridiquement le comportement reproché à la personne détenue. « Il s’appuie sur des textes dans lesquels la présence récurrente de notions floues, telles que la sauvegarde de « l’ordre » de la « sécurité » ou du « fonctionnement normal » de l’établissement, contribue à l’extension du spectre des actions ou comportements sanctionnables », pointent les auteurs du rapport.

Ainsi, des actes tels que porter une tenue singulière, refuser de baisser le volume de sa radio ou d’enlever une serviette mise à sécher sur la fenêtre peuvent être caractérisés de « refus d’obtempérer immédiatement aux injonctions du personnel de l’établissement », se révélant sanctionnable par le code pénitentiaire. « La liste des fautes passibles de sanctions disciplinaires est alors potentiellement infinie car, en prison, tout ce qui n’est pas expressément autorisé est interdit », indique le rapport.

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Autre point d’achoppement : le manque d’exhaustivité de la nature des incidents recensés. Sur les 255 346 atteintes au règlement recensées en 2022 (chiffres administration pénitentiaire) moins de la moitié précise la nature des faits commis pour lesquels le détenu est sanctionné. Détention d’un téléphone portable, insultes ou propos outrageants à l’encontre d’un membre du personnel de l’établissement et violences physiques exercées par des personnes détenues à l’égard de leurs pairs ou d’un salarié exerçant dans la prison constituent les principaux problèmes enregistrés.

Séjours disciplinaires favorisés

« De l’avis de nombreux acteurs, ce contexte de tensions et de violences trouve en partie son origine dans les mauvaises conditions de détention et la surpopulation qui accentue la promiscuité, le manque d’activités et d’accompagnement, ou encore la saturation des services médicaux », précise l’OIP. « Le contexte de l’établissement a son influence dans la gestion des incidents disciplinaires », développe, dans le rapport, Claire-Agnès Drevet, cheffe de section du droit pénitentiaire, au bureau de l’expertise juridique de la Direction de l’administration pénitentiaire. « En maison d’arrêt, notamment au regard de la surpopulation carcérale, le surveillant, sollicité de toutes parts, a moins de temps pour connaître les personnes détenues et apprécier le contexte dans lequel une invective peut être prononcée, alors qu’en établissement pour peines, et particulièrement en maison centrale où les personnes détenues sont affectées pour une longue durée, il est plus facile de désamorcer et traiter les incidents, hors champ disciplinaire, par le dialogue », poursuit-elle. Le volume global de sanctions reste par ailleurs stable ces dernières années.


Avertissement, interdiction de percevoir des subsides, privation de la faculté de cantiner certains produit, privation d’activités sportives ou culturelles,… Si les textes prévoient différentes mesures de répression, dans les faits, la mise en séjour disciplinaire reste majoritaire parmi les peines prononcées.

Disparités territoriales

Que ce soit en matière de décisions de poursuite, de sanctions ou de compte-rendu d’incidents, l’enquête retient également des disparités dans les pratiques des différents établissements. « À taille et à degré de surpopulation relativement équivalents, le nombre moyen de CRI rédigé par personne peut ainsi plus que doubler d’une prison à l’autre », détaille, par exemple, le document. La durée moyenne des peines effectuées en quartier disciplinaire oscille entre 10 et 12 jours, indépendamment du régime de détention. Le type d’établissement, le taux d’occupation ainsi que la taille expliquent ces différences.

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Pour lutter contre ces phénomènes impartiaux et inégalitaires, l’OIP propose cinq recommandations :

  1. garantir la transparence de l'activité disciplinaire en prison par la publication d'un rapport annuel ;
  2. supprimer les quartiers disciplinaires ;
  3. réduire le champ des comportements susceptibles de sanctions disciplinaires ;
  4. limiter le poids de la discipline dans le parcours d’exécution de la peine ;
  5. lutter contre l’iniquité de la procédure disciplinaire en donnant les moyens à la personne détenue de se défendre utilement ;
  6. garantir un recours effectif contre la sanction disciplinaire devant le juge administratif.

>> Le rapport d’enquête : au cœur de la prison, la machine disciplinaire

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