« Près de 10 millions de personnes » seraient maltraitées par le système, estime Marie-Aleth Grard, présidente d’ATD quart monde. « Toutes vivent en dessous du seuil de pauvreté, sont montrées du doigt et marginalisées par les institutions. Leurs besoins ne sont pas pris en compte, par manque de moyens humains et financiers. Elles subissent l'humiliation, le manque de respect et parfois même l’obligation de renoncer à leurs droits. » Le plus souvent « inconscientes et involontaires », ces maltraitances apparaissent dans « des services publics en proie à des réglementations inadaptées, à une dématérialisation croissante et entrainant des démarches administratives complexes ».
Cette vaste enquête, menée depuis 2019 avec l’Université d’Oxford, a par ailleurs compilé chiffres et témoignages pour bâtir un panorama de situations édifiant. Parmi ces données, celle de la Drees (2022) qui révèle que 17 % des Français n'ont pas recours aux aides et dispositifs sociaux, principalement par crainte des conséquences négatives. Un chiffre qui a doublé en cinq ans.
Soupçons de fraude
« Quand je dois remplir la déclaration trimestrielle de la CAF [caisse d'allocations familiales] en ligne, si on n'a pas les compétences en informatique, on panique, raconte Joseph, venu témoigner de l’impact de la dématérialisation dans les relations aux institutions. « En cas d’erreur, c'est très compliqué de la corriger. Il faut envoyer un message à la CAF et, en attendant leur réponse, je me retrouve sans ressources. Parfois, on est même soupçonné de fraude, ce qui renforce encore le sentiment de peur. »
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En marge de ces paroles d'usagers, ATD quart monde a identifié les principaux mécanismes provoquant les maltraitances institutionnelles, parmi lesquels :
- le manque de moyens humains et financiers déployés par les politiques publiques ;
- des décisions politiques comme la baisse des APL, la suppression de l’ASS ou des points d'accueil de proximité et le RSA sous condition ;
- les préjugés et l’invisibilisation des personnes en situation de pauvreté ;
- les postures infantilisantes dans les accompagnements.
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Le mouvement émet par ailleurs quatre préconisations pour lutter contre ces situations :
- garantir les moyens convenables d’existence inconditionnelle ;
- remettre de l’humain dans les services publics ;
- être solidaire pour assurer des droits effectifs, interdépendants et indissociables ;
- faciliter les recours administratifs et juridiques.
>>> Retrouvez ici le rapport complet d'ATD quart monde