Quatrième temps d’échange en visioconférence depuis la création il y a près d’un an du projet Paré. Financé par la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS), dans le cadre du plan national de lutte contre la prostitution des mineurs, ce programme réunit les acteurs de l’enfance et cartographie les initiatives du territoire. Il est piloté par l’association Droit d’enfance qui proposait mardi 14 novembre d’observer les pratiques de deux structures étrangères : le Réseau Enfants-Retour à Montréal (Québec) et Child Focus à Bruxelles (Belgique).
Deux outils québécois
Fondé en 1985, le Réseau Enfants-Retour aide les parents à la recherche de leur enfant disparu, dans toute la province du Québec. Que la disparition soit liée à une fugue ou à un enlèvement. L’exploitation sexuelle, liée à la prostitution ou à la pornographie, s’inscrit dans cette problématique des disparitions. Elle représente une fugue sur trois, selon les données de la structure, partagées dans un mémoire remis à la Commission spéciale sur l’exploitation sexuelle des mineurs en 2020. Le Réseau s’est donné pour mission d’éduquer les citoyens, les parents et les professionnels, en favorisant l’estime de soi et la communication ouverte. Dans les différents ateliers dispensés, une large part est dévolue à la sécurité en ligne. Focus sur deux programmes.
- Le programme Aimer (Aimerpourlavie.ong). Cet atelier, dont l’acronyme signifie « affirmation, image de soi, mettre ses limites, égalité, relations saines », vise à prévenir les fugues et l’exploitation sexuelle. Il s’adresse aux jeunes de 10 à 14 ans. « La première implication dans la prostitution se situe entre 14 et 15 ans. 80 % des personnes en situation de prostitution au Canada ont commencé lorsqu’elles étaient mineures », explique Sabrina Berkani, coordinatrice prévention du Réseau Enfants-Retour. D’où l’importance de sensibiliser tôt. Ses objectifs : « Fournir aux élèves les outils pour leur permettre d’avoir une estime de soi positive, développer des habiletés de communication efficaces et apprendre l’importance du respect, de soi-même et des autres. »
- La Table d'action et de concertation montréalaise en exploitation sexuelle (Tacmes). Lancée en mars 2023, cette instance réunit une quarantaine de structures travaillant sur les thèmes de l’exploitation sexuelle. Elle mène des actions concertées répondant aux besoins des 12-35 ans issus de la diversité culturelle, sexuelle et de genre. Elle permet aussi d’échanger sur des cas cliniques, anonymes, soulevés par les partenaires, en vue d’une intervention concertée. Et d’intervenir. « C’est un très beau projet qui montre qu’on a tous besoin les uns des autres pour travailler sur cette cause », précise Sabrina Berkani.
Quatre programmes belges
Née en 1988, la Fondation pour enfants disparus et sexuellement exploités, Child Focus, a été créé dans le contexte de l’affaire Dutroux qui avait mis en lumière les failles de la justice belge. « Nous avons un rôle complémentaire, celui de faire le lien entre intervenants : parents, police, parquet et services d’aide », indique Emilie Coomans, conseillère politique de la fondation. Elle présente quatre programmes initiées par Child Focus.
- Girl Power Squad (GPS) (girlpowersquad.be). Il s’agit d’une plateforme dédiée aux éducateurs de jeunes filles en institution, à partir de 11 ans. Son objectif : sensibiliser au risque de subir la prostitution et d’être victime de proxénètes. « Pour le consentement, par exemple, on présente des capsules vidéo de films Disney, pour distinguer si cette scène pose problème ou non », explique Emilie Coomans. Cinq modules : l’amitié, les relations et la sexualité ; l’image de soi et de son corps ; la capacité de poser ses limites ; les personnes de confiance ; et les proxénètes d’adolescents. L'outil est gratuit et facilement accessible.
- Chacun son Max (chacunsonmax.be). A la manière du capitaine de soirée, Sam en France ou Bob en Belgique, Child Focus a créé le personnage Max. Les mineurs sont invités, via le site Internet, à choisir un adulte de confiance, à qui l’on peut tout dire. Evidemment, cette personne, qui peut être un parent ou un proche, doit être majeure mais aussi connu du jeune hors ligne.
- E-learning sur les victimes de proxénètes d’adolescents (childfocus.be). Child Focus a développé un cours en ligne gratuit, dédié aux travailleurs sociaux, mais aussi à la police et au parquet. Il donne des pistes concrètes pour aider à identifier les victimes et les accompagner. Quatre modules : démystifier les clichés sur les victimes et les auteurs ; détecter une victime, réagir ; et prévenir le risque de devenir victime.
- « The XxxTRA Age Check » (www.wundermanthompson.com). En partenariat avec Quartier-rouge, principal site web d’escortes en Belgique, Child Focus a mis en place un système pour alerter les clients. Après avoir indiqué qu'il a plus de 18 ans, le visiteur du site voit apparaître un second pop-up, accompagné de la photo d’une jeune mineure ou majeure, et cette question : « Mais encore plus important, a-t-elle aussi 18 ans ou plus ? » Seuls 57 % répondent correctement. Un formulaire en ligne permet de signaler de manière anonyme une mineure en situation de prostitution.
Ces différents outils intégreront prochainement le centre de ressources en ligne du projet Paré, accessible via le site Internet de Droit d’enfance.