Aider l’insertion professionnelle via la création d’une activité à son compte plutôt que par le salariat. Dans le champ du travail social, l’idée fait son chemin depuis plusieurs années. Au point d’aboutir à la création d’une cinquième forme de structure d’insertion par l’activité économique (SIAE).
Dans le cadre de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, les entreprises d’insertion par le travail indépendant (EITI) testent ce nouveau dispositif. Très attendue, l’évaluation de cette expérimentation, réalisée au cours de l’année 2023, vient tout juste d’être diffusée par l’Inspection générale des affaires sociales (Igas).
Sa conclusion ? L’impossibilité de produire des conclusions « robustes » sur l’intérêt ou non de pérenniser le dispositif. Confrontée à une absence de données, la mission a appelé à proroger l’expérimentation tout en l’encadrant davantage.
Un conseil suivi par les pouvoirs publics avant la diffusion du rapport. Le cahier des charges des EITI vient tout juste d’être précisé par deux textes, un décret en date du 30 décembre 2024 ainsi qu’un arrêté en date du 2 janvier 2025. L’expérimentation se poursuit jusqu’en 2026.
Pas d’indicateurs
Le rapport des inspecteurs révèle que depuis 2018, les entreprises d’insertion par le travail indépendant ont « expérimenté » hors de tout protocole ou indicateur d’évaluation. Les pouvoirs publics ont délivré des agréments sans critère unifié de sélection… Par conséquent, l’Igas peine à confirmer l’intérêt du dispositif. Si des types de « sorties » d’EITI sont recensés (entrée en formation, création d’entreprise, embauche en CDI ou CDD, poursuite d’activité…), « ces chiffres de sortie sont, à ce stade, trop peu nombreux et le recul insuffisant pour tirer d’ores et déjà des conclusions véritablement comparables avec celles des autres SIAE », écrit la mission.
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Par ailleurs, « une part importante des sorties demeure non qualifiée et les indicateurs de levée des freins sociaux ne sont ni robustes en termes d’indicateurs ni cohérents entre les différentes sources », relève l'Igas. Pas d’évaluation non plus des coûts « évités » en termes d’allocations chômage ou de minima sociaux.
Un revenu « accessoire »
Que sait-on donc des EITI ? Qu’au premier trimestre 2023, il y en avait 56. Elles sont principalement portées par quatre groupes : Germinal (Groupe SOS), Lulu dans ma rue, Linklusion et All Inclusive. Germinal a conclu un partenariat avec Uber Eats ainsi que la plateforme de e-commerce Rakuten.
En 2023, la mission recensait 2 057 bénéficiaires « en activité », soit 1,35 % du public dans l’IAE. Ces micro-entrepreneurs ont gagné un revenu « accessoire » : 7 717 € par an en moyenne, soit 643 € par mois, d’après les chiffres 2022 de l’agence des services et de paiement.
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« Si une poursuite de l’expérimentation est décidée, il paraît essentiel qu’au terme des 24 mois, l’objectif d’autonomisation du travailleur indépendant vis-à-vis de l’EITI et de solvabilisation de son projet soit clarifié », estime l’Igas. En principe, l’expérimentation doit s’achever en 2026.
« Choix contraint »
Ce n’est pas la seule réserve de l’inspection. A partir des 70 entretiens réalisés, la mission dresse plusieurs constats : « déficit de connaissance sur le dispositif qu’ils rejoignent », fréquence du « choix contraint de l’indépendance », absence de « réflexion construite » sur un projet économique, accompagnement « trop léger » ou « trop éclaté » et apport de chiffres d’affaires « le plus souvent décevant, voire très décevant ». Le lien avec les acteurs traditionnels du financement de la création d’entreprise (Adie, BGE, France Active) n’est pas fait.
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