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Politique du Logement d’abord : un bilan en demi-teinte, selon les professionnels

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En 2024, 44 collectivités territoriales sont engagées dans la mise en œuvre accélérée du plan Logement d’abord.

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Efficace le plan gouvernemental « Logement d’abord » ? A l’occasion d’une journée nationale sur le travail social organisée par la fédération Soliha, les acteurs sont unanimes pour répondre... ni oui ni non. Si l’approche insufflée pour permettre l’accès à un logement pérenne aux personnes sans domicile fonctionne, la montée de la précarité et les actions paradoxales d’autres politiques publiques entravent son efficacité.

160 millions d’euros pour tenir jusqu’à 2027. C'est la dotation de la deuxième phase du dispositif Logement d'abord lancée l'été dernier. Objectif : permettre aux personnes sans domicile d’accéder en premier lieu à un logement pour envisager, ensuite, la réinsertion. Pour quel bilan ? Au cœur des débats organisés autour du plan gouvernemental par la fédération Soliha (1) le 19 mars au Palais de la femme de Paris, la question fait l’objet d’une table ronde entre acteurs étatiques, associatifs et chercheurs. 

Des leviers efficaces

« En tant que méthode d’intervention sociale, ça marche ! », assure Manuel Henin, directeur de mission accompagnement, parcours, accès au logement pour la Dihal (Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement). « Nous avons trouvé un consensus. La mise en œuvre du droit au logement est plus efficace quand on part du principe que l’accès au logement doit être le point de départ et non celui d’arrivée dans le parcours des personnes accompagnées. Nous sommes sur une politique pragmatique qui permet de sortir du débat sur le risque zéro en matière d’objectifs », souligne-t-il. Des propos qui s’appuient sur les résultats relevés par la Dihal : huit à neuf personnes sur dix ont pu obtenir un logement via le dispositif.

En effet, selon cette instance, le plan aurait permis à 440 000 personnes sans domicile d’accéder à un logement entre 2018 et 2022. Le changement de prisme proposé par la politique quinquennale assorti d’un maillage territorial entre les différentes parties prenantes (ménages, bailleurs, associations ou quartier d’accueil) constitueraient la clef de voûte de l’insertion des publics.

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Autre levier de réussite : le volume d’attribution de logements sociaux à des ménages sans domicile a nettement évolué, et ce, dans un contexte de tension du secteur. 122 300 attributions ont été réalisées entre 2018 et 2022, soit + 43 % par rapport à la période 2013-2017, indique sur son site le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. Plus précisément, en 2022, la hausse du nombre de ménages hébergés ou sans abri dans les attributions est estimée à 67 % par rapport à 2017. « C’est un choix politique. La priorité a été donnée à ce public, au détriment d’autres demandeurs », pointe le directeur de mission.

Davantage de personnes à la rue

Si ces appréciations se révèlent justes, Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation Abbé-Pierre, rappelle l’importance de faire face aux enjeux actuels. « Certes le dispositif est vertueux, mais il faut le développer davantage car la situation de nombreuses familles s’est détériorée ces dernières années. Actuellement, il y a plus de gens sans domicile qu’au début du plan », rappelle-t-il. Le contexte international avec la guerre entre la Russie et l’Ukraine, la crise liée au Covid-19 et l’augmentation de la TVA auxquels font face les bailleurs expliquent en grande partie le phénomène. « Les faibles montants du revenu de solidarité active (RSA) et la hausse des aides personnalisées au logement (APL) s’y surajoutent », déplore Manuel Domergue. « Quand, en parallèle, les politiques migratoires excluent les personnes en situation irrégulière du dispositif, la situation ne peut pas s’améliorer. La question politique des individus en exil est au cœur de celle du Logement d’abord », poursuit-il.

Un cadre financier dissuasif

Parmi les autres freins relevés, la persistance du déclin de la production de HLM avec, pour la quatrième année consécutive, moins de 100 000 logements neufs au sein du parc. Les causes ? La hausse des coûts de construction, le parc foncier de plus en plus rare et le paiement, pour les bailleurs sociaux, de forts taux d’intérêt à la Caisse des dépôts. « Nous ne prônons pourtant pas de revenir aux précédents financements du monde HLM sans contrepartie. Mais ce n’est pas en leur coupant les vivres qu’ils peuvent, par exemple, effectuer plus de prévention des expulsions. C’est “donnant-donnant“ », indique le directeur des études de la fondation.

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Selon les acteurs, la mobilisation du parc privé offrirait une alternative à la situation de nombreux ménages vulnérables. « Il faut aider les propriétaires, notamment pour les 1,6 million de logements caractérisés de “passoires thermiques“ qui seront interdits à la location en 2025. Des avantages fiscaux plus incitatifs s'imposent », atteste, pour sa part, Juliette Laganier, directrice générale de la fédération Soliha. « Une fois qu’ils sont accompagnés avec de l’argent public sur le volet de la rénovation, il est possible de prévoir des contreparties sociales. En clair, le propriétaire bailleur se trouve dans l’obligation de mettre son logement en location durant six ans », soutient-elle.

La coordination territoriale plébiscitée

En somme, resituer le plan Logement d’abord dans une politique plus globale s’avère nécessaire, avec des collectivités territoriales en première ligne. « Le prêt locatif aidé d’intégration (PLAI) réservé aux ménages les plus précaires ne s’est pas effondré grâce aux pensions de famille et aux résidences sociales qui ont porté des projets », signale Manuel Henin. « Cela montre que lorsqu’on anime une politique et que l’on sollicite les élus ou les porteurs de projets, il y a du soutien. D’ailleurs, le logement est un des sujets les plus politiques au niveau local », certifie-t-il. Autre affirmation : les SIAO (services intégrés d’accueil et d’orientation) tiennent une place de choix pour construire les parcours des publics et coordonner les dispositifs sur les territoires. « L’articulation avec les autres politiques publiques que sont celles des ministères de l’Intérieur et de l’Emploi se révèle cruciale. On peut y ajouter celle de l’aide sociale à l’enfance car, en l’état actuelle des choses, de nombreuses limites sont observées », abonde Juliette Laganier.

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Enfin, en termes de fonctionnement, la table ronde a permis à Julien Lévy, co-porteur de la chaire Publics des politiques sociales de l’université de Grenoble, de présenter les conclusions d’une étude menée auprès du public accompagné. Son bilan fait état d’une concrétisation hétérogène du déploiement du dispositif sur les territoires. « Les personnes interrogées estiment que les professionnels qui les accompagnent ont une relation personnalisée et directe avec elles, soit par téléphone soit par le réseau social WhatsApp », retient-il également.

Respect de l’autodétermination

Sur la question du choix de leur logement, les 80 ménages interrogés insistent sur le fait qu’ils ont pu refuser certaines offres qu’ils jugeaient non adaptées à leur situation. « Un certain nombre d’entre eux indique que les travailleurs sociaux les incitent parfois à refuser si le logement ne leur correspond pas mais il faut retenir que certaines personnes ont aussi peur de refuser », détaille Julien Lévy.

L’étude montre la problématique posée par l’accompagnement temporaire du public, évalué à un an et demi. « Cela enfreint le principe de ne pas prévoir de durée particulière et l’interruption de l’aide laisse certaines personnes totalement démunies. Parfois, le soutien s’arrête de façon bilatérale et ce n’est pas problématique. L’enjeu réside donc dans l’apport de solutions individualisées au sein du volume et de la submersion des besoins », conclut-il.

>> Les recherches de Julien Lévy, chercheur à l'université Grenoble Alpes


(1) La fédération Soliha est une association privée au service de l'habitat. Elle intervient en faveur des personnes défavorisées, fragiles ou vulnérables sur deux axes : l’accès dans le logement et le maintien.

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