Le constat ne cesse d’être rappelé : 330 000 personnes sont actuellement sans domicile fixe en France, dont plus de 2 000 enfants. Un chiffre qui a doublé en dix ans. La Fondation Abbé-Pierre (FAP) sonne une nouvelle fois l’alerte mais elle le fait, cette fois, au détour d'un événement empreint d'un sacré sens de l'ironie : les Pics d’Or dont les deux premières éditions s'étaient tenues en 2019 et 2020.
La fondation y dénonce les politiques urbaines, intentionnelles ou non, qui empêchent les personnes de s'asseoir ou de s'allonger dans l'espace public. Elle pointe du doigt également les mesures politiques telles que les arrêtés anti-mendicité, anti-glanage ou hostiles aux personnes en errance. « Comme si les exclure à tout prix était la solution à leur présence gênante », déplore-t-elle.
Entourée d'humoristes en vue, elle a décerné ce lundi 18 novembre un prix dans différentes catégories où l’inhumain se mêle bien souvent à l’absurde des situations.
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Catégorie « Sang scrupules »
« Il pique, il coupe, il est parfois tellement hostile qu’il en devient dangereux pour quiconque passe à proximité. » Dans la catégorie des mobiliers urbains « les plus décomplexés », c’est le dispositif « Les 24 lames du Mans » qui franchit la ligne d’arrivée. Il se distingue d’un concurrent parisien, rue de Sévigné (3e arrondissement), et du Lidl de la rue Bayard à Toulouse.
Catégorie « L’imposteur »
Remis par l’humoriste Laurie Péret, le prix du dispositif le plus contradictoire a été décerné à la Living School, un établissement scolaire privé, du 19e arrondissement à Paris, « dont la raison d’être est de permettre l’émergence de citoyens épanouis et responsables, contributeurs d’une réelle évolution de l’humanité ». Rebaptisé « Pic et pic et pas de programme », le dispositif était en lice avec deux concurrents marseillais et un perpignanais.
Catégorie « Ni vu ni connu »
« Un mobilier passif agressif, une hostilité discrète, habituelle, qui se fond dans le paysage, sans en avoir l’air, le moindre recoin est soigneusement rendu impraticable… » Voici ce qui caractérise « le prix du dispositif le plus fourbe ». A ce petit jeu, les bancs de la gare de Nangis remportent la palme.
Catégorie « Le clou »
Décerné par l’humoriste Blanche Gardin, le prix du public revient à un dispositif de pot de fleurs, situé rue de Marseille à Lyon.
Catégorie « Bouge de là »
Affublée du nom évocateur, « Décalais vous », la politique zéro point de fixation menée par la Ville de Calais remporte le prix de l’arrêté anti-précaire, décernée par l’humoriste Guillaume Meurice. Concouraient les villes de Rochefort, Angoulême et Mulhouse.
Catégorie « C’est pas mieux ailleurs »
A quelques variantes près, on retrouve les mêmes dispositifs à l’étranger. La ville de Vaud, en Suisse, se voit distinguée du prix international pour sa loi sur la mendicité.
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Si elle dénonce ces méthodes, la fondation exhorte également les pouvoirs publics à agir. « Mais le combat doit être collectif », estime-t-elle, appelant les citoyens à « signaler les dispositifs sur le site lespicsdor.fr » et « à alerter les élus locaux » pour qu’ils :
- promeuvent et signent la Déclaration des droits des personnes sans abri ;
- se positionnent lorsqu’un dispositif est repéré ;
- soient attentifs lorsque des marchés publics sont passés ;
- mettent en place des mesures de signalement auprès des propriétaires et des commerçants lorsque des dispositifs sont installés dans des immeubles privés.
Un plan "Sans-domicile : objectif zéro"
Ces nouveaux Pics d’Or sont aussi l’occasion pour la fondation d’appeler de ses vœux l’urgence d’un plan national ambitieux, baptisé « Sans-domicile : objectif zéro », au travers de six axes :
- Accès universel à un logement digne grâce à la politique du Logement d’abord,
- Construction de 150 000 logements sociaux par an, avec une priorité pour les plus précaires,
- Mobilisation du parc privé pour élargir l’offre de logements abordables,
- Prévention des expulsions locatives et accompagnement des personnes en difficulté,
- Accueil digne des migrants,
- Renforcement des structures d’accueil de jour pour favoriser l’accès aux droits.