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Paris 2024 : comment endiguer le « nettoyage social » ?

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Le collectif Le revers de la médaille, regroupant 80 associations, alerte sur le risque d'aggraver l'exclusion des plus précaires à l'approche des JO de Paris 2024.

Crédit photo DR
Le collectif Le revers de la médaille propose des solutions concrètes pour éviter les effets délétères de l’organisation des Jeux olympiques sur les populations les plus précaires. L’expérience des acteurs de terrain canadiens, ayant connu le même phénomène lors des Jeux de Vancouver, ouvre des pistes de réflexion.

« En 2010, on nous a aussi dit que les JO de Vancouver devaient être les plus progressistes, les plus inclusifs et les plus écolos jamais organisés, se souvient Mathew Crompton, historien et travailleur social canadien dans le champ de la réduction des risques. Ils ont surtout participé à un processus de criminalisation de la pauvreté et au "nettoyage" de l’espace public. »

Une délégation de cinq chercheurs et professionnels de terrain, tous originaires de cette mégalopole de Colombie-Britannique, était invitée ce 5 février par le collectif Le revers de la médaille pour témoigner du coût social inhérent à l’organisation de ce type d’événements. Gentrification des quartiers populaires, expulsions, non accès aux droits, précarisation, chacun son tour a porté une parole expérientielle précieuse pour envisager le contexte de Paris 2024.

Longue barbe fleurie et casquette sur la tête, Dave Hamm était sans abri à l’époque des Jeux olympiques de la province. Devenu intervenant pair, il alerte sur les conséquences pour les plus vulnérables des politiques publiques menées lors de ces raouts géants. « Ils avaient décidé de déplacer la distribution de l’aide alimentaire à 8 kilomètres de l’endroit habituel. Les contrôles policiers étaient permanents, ils n’hésitaient pas à nous verbaliser pour tout et n’importe quoi. Je parlerais d’un contexte de renoviction”, c’est-à-dire un mélange de rénovation urbaine sur fond d’éviction des plus fragiles. »

Exclusion galopante

Après ce tour de table aux allures de dystopie, les représentants du collectif français – fort de 80 associations œuvrant dans le secteur de la solidarité – prennent le relais. A moins de six mois de la cérémonie d’ouverture, ils attendent des mesures fortes pour endiguer l’exclusion galopante dans Paris intramuros et en Seine-Saint-Denis. Alors que « la maison brûle déjà », les préparatifs des JO accentuent encore davantage la saturation des services d’hébergement ou l’invisibilisation des publics marginalisés.

« Nous voyons depuis quelques temps une présence policière accrue dans le bois de Vincennes, explique par exemple Carole Painblanc, avocate et membre de Barreau de Paris Solidarité. Les travailleurs du sexe ou les usagers de drogue sont soumis à de plus en plus d’OQTF [obligations de quitter le territoire français]. » Mobilité entravée, difficultés pour accéder aux points d’eau, absence d’alternatives lorsque la rue n’est plus une option, le phénomène de « nettoyage social » est à l’œuvre, notamment à travers les opérations d’expulsions (sas de desserrement régionaux) qui se multiplient depuis l’automne 2023.

Sortie de rue pérenne

Mobilisés pour trouver des solutions concrètes, les acteurs de terrain attendent surtout que « l’Etat respecte ses obligations » en termes de mise à l’abri. De l’avis du collectif Le revers de la médaille, il faudrait créer 20 000 places d’hébergement à l’échelle du pays et 7 000 rien qu’en Ile-de-France pour amortir cette politique de « nettoyage » des rues de la capitale. Des propositions qui ambitionnent même de voir « la dynamique des Jeux participe(r) à la lutte contre l’exclusion ».

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Les trois objectifs de ces axes de réflexion sont de prévenir tout risque d’expulsion ou d’éloignement des personnes précaires (sans-abri, habitants de campements, bidonvilles et squats, travailleurs du sexe, usagers de drogue), de garantir le maintien ou l’adaptation des dispositifs sociaux essentiels avant et pendant les Jeux (aide alimentaire, accès à l’eau, accès aux soins, réduction des risques) et de prévoir une sortie de rue pérenne pour le plus grand nombre grâce à des solutions d’hébergement et d’accueil.

Parmi les solutions portées par le collectif :

  • Création de 20 000 places d’hébergement à l’échelle nationale, dont au moins 7 000 en Ile-de-France.
  • Permettre des modalités d’accès aux lieux d’hébergement à proximité des sites olympiques et zones de festivités respectueuses des fragilités des publics concernés.
  • Mettre en œuvre une véritable stratégie de résorption des lieux de vie informels en impliquant toutes les parties prenantes – habitants, associations, collectivités – pour trouver des solutions co-construites.
  • Soutenir financièrement les dépenses budgétaires conjoncturelles des structures d’hébergement.
  • Création d’un fonds de solidarité global, un peu à l’image de celui qui avait été mis en place pendant la pandémie de Covid-19.

Le collectif Le revers de la médaille doit rencontrer le Comité d’organisation des Jeux olympiques (Cojo) le 16 février prochain. Pour l’heure, la Mairie de Paris est la seule interlocutrice ayant accepté un réel dialogue. Les acteurs de la solidarité attendent toujours un retour de la préfecture de police de Paris ou de la préfecture de région…

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