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« Mayotte connaît déjà un droit du sol dérogatoire » (FAS)

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A Mayotte, les collectifs d'habitants en colère demande la suppression des visas territorialisés.

Crédit photo DR
Deux jours après l’annonce de la suppression du droit du sol à Mayotte par le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin, à l’occasion d’une visite sur l’île, Kamala Tacoun, déléguée régionale « Océan Indien » pour la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), remet en cause l’efficacité d’une telle mesure pour résorber la pauvreté du 101e département français.

Selon le gouvernement, une révision constitutionnelle s’avère nécessaire pour améliorer la situation délétère que rencontrent les habitants de Mayotte sur les plans économique et sécuritaire. Présentée comme une alternative, la suppression du droit du sol dans le département ne convainc pas Kamala Tacoun, déléguée « Océan Indien » pour la FAS.

ASH : Pour quelles raisons le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer entend-il en finir avec le droit du sol ?

Kamala Tacoun : La majorité des Mahorais souhaite voir s’établir un durcissement des conditions d’accès à l’île. Environ 50 % de sa population est étrangère, ce qui est considérable. Dans un contexte social complexe, de nombreux habitants sont confrontés à la délinquance, à l’insécurité et aux problèmes économiques, avec un phénomène massif de grande précarité. Mais il n’est pas démontré que cet état de fait soit lié à la migration. Les annonces inquiètent les professionnels exerçant dans le champ de l’action sociale.

Si les mesures annoncées voient le jour, quelles seront les conséquences sur l’immigration ?

Personne ne migre par plaisir. Les individus qui décident de venir à Mayotte, département le plus pauvre de France, considèrent que les conditions de vie y sont meilleures que dans le reste de l’archipel des Comores ou qu’en Afrique de l’Est. Quelles que soient les mesures prises par l'exécutif, l’immigration ne sera pas empêchée. Retirer des droits n’améliorerait donc ni la vie des locaux, ni celle des étrangers qui continueront d’exercer une pression sur cette île aux infrastructures insuffisantes.

La remise en cause du droit du sol dans la Constitution représente une sérieuse entrave aux principes fondamentaux de notre République « une et indivisible ». De plus, Mayotte connaît déjà un droit du sol dérogatoire. En effet, de nombreuses exceptions rendent les droits des habitants du département singuliers.

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Quelles sont ces exceptions ?

Sur le plan de la natalité, d’abord. Si une femme comorienne accouche à Mayotte aujourd’hui, son enfant ne naît pas français. Pour que ce soit le cas, l’un de ses deux parents doit être dans une situation légale depuis au moins trois mois. Même réalité concernant les aides sociales. Le montant de l’ensemble des transferts sociaux (revenu de solidarité active, aide personnalisée au logement…) s’avère inférieur d’un tiers à celui prévu pour aider les personnes en situation de pauvreté sur l’ensemble des autres territoires.

Comment s’expliquent de telles disparités avec les autres départements nationaux ?

Il ne faut pas oublier que Mayotte est devenu un département d’outre-mer en 2011. En matière d’infrastructures, de santé ou d’éducation, il reste de nombreuses marges d’amélioration. Résultats : de plus en plus de mineurs ne sont pas du tout scolarisés et un grand nombre d’enfants mahorais le sont en demi-journée seulement, en raison du manque de locaux disponibles pour les accueillir. Le taux d’encadrement est, quant à lui, inférieur à celui de la moyenne nationale, par manque d’attractivité de l’île. Il s’agit, là encore, d’une différence entre territoires français.

Certes, il y a des investissements, de l’argent injecté sur le territoire, mais comme le montre la récente crise d’accès à l’eau, ces apports ne sont toujours pas à même de combler les problèmes de conditions de vie indignes. Tout ceci explique qu’il s’agit du département le plus pauvre de France.

Face à la situation sociale observée sur place, comment s’organisent les professionnels ?

Il est de plus en plus difficile d’œuvrer à la solidarité envers les personnes migrantes. Qui plus est, en local, les organisations sont parfois prises pour cible. Par exemple, certaines associations ont dû fermer leurs locaux à cause de la pression exercée par la population. Cette dernière entendait lutter contre l’effet « d’appel d’air » supposément généré par l’accompagnement des professionnels du public étranger. Les travailleurs sociaux et les bénévoles subissent régulièrement des menaces.

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Dans ce contexte, comment répondre aux enjeux locaux ?

Avant de s’attaquer au phénomène migratoire, il est judicieux de traiter le problème du chômage et de l’insécurité. De nombreux mineurs qui n’ont pas été accueillis dans de bonnes conditions – certaines fratries ont été séparées – se regroupent en bande. Faute de perspectives économique et éducative, ils se tournent vers la délinquance. Aussi, ici comme ailleurs, les situations irrégulières exposent les personnes à l’exploitation et aux réseaux de traite des êtres humains. Aujourd’hui, rien n’est fait pour apaiser la situation.

Contrairement aux autres départements, les titres de séjour délivrés à Mayotte ne permettent pas de sortir de l’île. Le ministre de l’Intérieur entend supprimer ces visas territorialisés. Qu’en pensez-vous ?

Gérald Darmanin plaide en effet pour leur suppression car, comme il entend faire diminuer le nombre de titres de séjours accordés, il n’y aura plus de raison valable de restreindre la circulation. Elle pourra donc avoir lieu librement, avec les mêmes possibilités que les autres Français. Comme plus de 95 % des titres de séjour sont accordés pour des motifs familiaux, rien ne prouve, non plus, l’efficacité de cette nouvelle règle. Quant aux demandes de nationalité, il s’agit principalement de Mahorais ou de Mahoraises qui ont des enfants avec des personnes étrangères et demandent leur régularisation, puis le regroupement familial. Au regard de toutes les mesures dérogatoires existantes et de la richesse, bien que relative, de Mayotte au sein de son environnement, je ne suis pas certaine qu’une nouvelle restriction de droits pourrait changer les choses.

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