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RSA : « Seuls des travailleurs sociaux formés peuvent accompagner correctement les allocataires »

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En juin 2023, le nombre de foyers allocataires du RSA était estimé à 1,86 million.

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Présidente d’ATD quart monde, Marie-Aleth Grard dénonce le prisme affiché par le gouvernement dans sa réforme pour le plein emploi. Principale mesure contestée : les 15 à 20 heures d’activités hebdomadaires imposées aux bénéficiaires du RSA dans le cadre de « l’accompagnement rénové des allocataires ».

Promulguée le 18 décembre 2023, la loi pour le plein emploi entend réduire le chômage de 5 % d’ici à 2027. Parmi les solutions, les allocataires du revenu de solidarité active (RSA) sont contraints à exécuter 15 h à 20 h d'activité par semaine, sous peine de perdre leur allocation. Ce nouveau système, déjà expérimenté dans 18 départements pilotes, doit se déployer au niveau national à partir de janvier 2025. Pour Marie-Aleth Grard, présidente d’ATD quart monde, le choix de contractualiser les aides sociales témoigne d'une méconnaissance de la question.

ASH : Pourquoi contestez-vous la pertinence d’une contractualisation du RSA ?

Marie-Aleth Grard : Les personnes allocataires du RSA ne vivent pas, elles survivent. Au quotidien, ce public tente par tous les moyens de se nourrir et de payer ses factures. La plupart des bénéficiaires rencontrent aussi des problèmes de logement. Ils ont donc besoin d’un accompagnement dans la confiance et dans la durée pour trouver un emploi digne et pérenne. Le fait d’effectuer quelques heures le matin, le soir et à trois heures de transports de son domicile ne constitue pas une réponse adaptée à l’insertion professionnelle.

Les travailleurs sociaux peuvent-ils s’inscrire dans le modèle d’accompagnement instauré par la nouvelle réforme ?

Il faut travailler avec eux autant qu’avec les personnes directement concernées par les nouvelles mesures. Et ce, afin de voir comment les directives se matérialiseront sur le terrain et si le nombre de professionnels est suffisant. Les travailleurs sociaux accompagnent déjà de nombreuses personnes et il semble difficile d’ajouter à leurs missions des directives encore plus contraignantes. Nous craignons donc que leur quotidien se durcisse davantage et que les sanctions envers les allocataires du RSA se multiplient. Nous observons déjà une augmentation des radiations, souvent motivées par des absences aux rendez-vous fixés avec France travail.

Comment expliquez-vous ces radiations dans un contexte où la lutte contre le non-recours est une priorité de l’Etat ?

Cela laisse à penser que ce public reste méconnu. Pourtant, nous savons dans quelles conditions vivent ces personnes, que ce soit au sein de centres d’hébergement d’urgence, de logements insalubres ou parfois dans la rue. Dans ce contexte, il leur est difficile d’honorer leurs rendez-vous, d’autant plus qu’il s’agit d’injonctions et non d’entretiens organisés selon les disponibilités des deux parties. France travail a déjà fait appel à une entreprise privée pour joindre des allocataires du RSA. Pallier le manque de personnel formé à l’accueil d’individus en difficulté par de la sous-traitance privée est choquant.

Justement, que pensez-vous du fait que l’accompagnement des allocataires s’effectue désormais par les salariés de France travail ?

Ce ne sont pas des travailleurs sociaux et je pense donc que ce n’est pas de leur ressort. Seuls des professionnels formés à l’accompagnement social peuvent accompagner ce public correctement. Mais encore faut-il qu’ils ne soient pas déjà surchargés de travail.

> A lire aussi : la loi pour le plein emploi a été publiée

Vous dénoncez une dichotomie dans les objectifs affichés avec, d’une part, la recherche de sanctions et, d’autre part, l’urgence à répondre aux problématiques de non-recours…

C’est incompréhensible. Comment peut-on mettre en place une expérimentation où on cherche à sanctionner les personnes les plus défavorisées face à une autre, qui, au contraire, cherche à comprendre pourquoi certains sont dans le non-recours aux droits.

Je souhaite vraiment que le dispositif expérimental « Territoire zéro non-recours » (TZNR) démontre qu’une fois que les personnes retrouvent leurs droits, leur situation, celle de leur entourage et de leur quartier s’améliorent. Certes, la lutte contre le non-recours a un coût mais il est intéressant de relever ses retombées : en accédant à leurs droits, les individus consomment à nouveau et participent à des activités locales. C’est essentiel. L’expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée » (TZCLD) le prouve. L’investissement de départ engendre ensuite davantage de consommation chez un public qui a moins recours aux soins car sa santé s’améliore également. C’est vertueux.

Plusieurs territoires expérimentent déjà la contractualisation pour l’éligibilité au RSA. Avez-vous des retours ?

Pour l’heure, nous ne connaissons pas de bénéficiaires du RSA à qui on a demandé de faire 15 à 20 heures de bénévolat. De plus, lors des débats parlementaires, des députés et des sénateurs de tout bord politique indiquaient que, sur le terrain, il était impossible de mettre en place la contractualisation.

Vous avez aussi des réserves sur le dispositif TZNR. Pourquoi ?

Permettre aux personnes d’exercer leurs droits est louable. Nous sommes toutefois vigilants sur les biais cachés. Cela pourrait en effet aussi permettre aux caisses d’allocations familiales (Caf) de revoir l’éligibilité des personnes aux diverses allocations qu’elles perçoivent. Quand on voit ce que produisent les algorithmes existants, on se dit qu’il est possible de les développer davantage. Nous verrons bien ce que ça donne.

> A lire aussi : RSA : la Drees passe au crible les parcours des allocataires

 

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