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Les associations de solidarité se désolidarisent de la loi « immigration »

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Selon le collectif Associations unies, les attaques engendrées par la loi « pèseront avant tout sur les enfants, les femmes, les parents isolés, et les personnes âgées ou malades et constituent à ce titre une indignité rarement connue dans notre histoire récente ».

Crédit photo Adobe stock
Droit d’asile, protection de l’enfance, droit au logement… Selon les professionnels de l'insertion et de l'aide sociale à l'enfance, de nombreux articles du texte de loi sur l’immigration adopté par le Parlement le 19 décembre actent une régression des droits des personnes étrangères. Jugées scandaleuses et hors-sol, les décisions s’avèrent contraires au principe constitutionnel d’égalité.

« Les droits fondamentaux bafoués », « la loi de la honte », « des reculs préoccupants pour les droits des personnes », « des barrières supplémentaires à l’accueil et à l’accompagnement »… Les réactions pleuvent au lendemain de l’adoption par le Parlement du projet de loi sur l’immigration. Les associations de terrain condamnent fermement les conséquences des décisions législatives sur les publics qu’elles accompagnent.

La protection internationale restreinte

Le texte (lire notre article) intervient notamment sur les modalités juridiques relatives au droit d’asile. « Les mesures impacteront l’accès à la procédure, les conditions d’accueil, l’instruction des demandes avec la généralisation du juge unique à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) mais aussi le parcours d’intégration des personnes reconnues réfugiées, avec les restrictions apportées dans l’accès aux droits sociaux et à la réunification familiale », dénonce l’association Forum réfugiés.

Autres points d’achoppement : en matière d’éloignement, la consécration dans la loi de la priorisation des personnes représentant une menace à l’ordre public en rétention indépendamment des perspectives d’éloignement, ou encore la possibilité de recourir à la vidéo-audience auprès du juge administratif et du juge judiciaire en rétention et en zone d’attente affaibliraient les droits des personnes, « sans effet autre que limité sur l’efficacité des politiques d’éloignement », affirme l’association de défense du droit d’asile.

> A lire aussi : vote du projet de loi « immigration » après son passage en CMP

Des articles opaques

Contactée par les ASH, Hélène Soupios-David, directrice plaidoyer pour France terre d’asile, ne cache pas son inquiétude. « De nombreuses dispositions sont rédigées soit de manière assez vague, soit avec la nécessité d’y associer des décrets d’application. Nous tâcherons d’influer sur le contenu de ces derniers », assure-t-elle. « Par exemple, le montant des cautions prévues pour les étudiants étrangers reste inconnu. » Manque de clarté également sur le principe d’inconditionnalité de l’accueil d’urgence remis en cause par la loi, qui interdirait la mise à l’abri d’individus en situation administrative irrégulière. « Qu’est-ce que ça signifie ? Que les associations qui gèrent ce type d’hébergement vont devoir vérifier la régularité du séjour du public ? Quand une loi est sujette aux interprétations, c’est toujours une mauvaise nouvelle », s’indigne la directrice plaidoyer.

« La France connaît une crise de l’intégration et non une crise de l’immigration », poursuit le Groupe SOS, constitué de plus de 800 établissements et services engagés dans la lutte contre l’exclusion. « Les travailleurs sociaux offrent un refuge, un repère et un soutien essentiel à des milliers d'individus, parmi lesquels des enfants, des femmes et des hommes directement touchés et vulnérabilisés par cette loi. […] L’approche répressive ne résout en rien les défis liés à l’immigration. »

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Protection de l’enfance et immigration confondues

Côté protection de l’enfance, c'est l’incompréhension qui domine. Parmi les dispositions les plus préoccupantes, le retrait du soutien de l’aide sociale à l’enfance (ASE) pour les jeunes majeurs arrivés en France durant leur minorité et faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Cette disposition, consacrée par l’article 12b des travaux issus de la commission mixte paritaire, renforcerait la « spirale d’exclusion qui frappe le nombre de jeunes étrangers se retrouvant sans solution à leur majorité », selon la Cnape, première fédération nationale de protection des droits de l’enfant.

« La mise en place d'un fichier de mineurs étrangers en conflit avec la loi, la création d'un cahier des charges national pour l'évaluation de la minorité des mineurs non accompagnés (MNA), la suppression de leur droit inconditionnel à l'hébergement d'urgence, la restriction du droit au séjour pour les anciens enfants confiés, ainsi que la réduction de l'accès aux soins et aux prestations sociales, représentent autant de mesures qui stigmatisent des enfants en situation de grande vulnérabilité et leur famille, contredisant ainsi une politique équitable d'intégration et de solidarité », souligne la fédération qui, pour l’occasion, réaffirme que la prise en charge des MNA relève exclusivement de la protection de l’enfance et n’a aucune place dans un texte sur l’immigration.

En parallèle, les associations s’insurgent sur le double discours gouvernemental. Composé de 34 associations et fédérations de lutte contre la pauvreté, le collectif Alerte rappelle que dans l’aide alimentaire et l’hébergement, les associations reçoivent déjà de nombreux étrangers précaires. Et assure que « cette loi va aggraver la situation ».

Pour illustrer les conséquences de la législation, le collectif indique que « concrètement, une mère célibataire étrangère qui travaille devra attendre 2,5 ans avant de pouvoir accéder aux allocations familiales ou aux allocations logement. Une famille à la rue déboutée du droit d’asile ne pourra plus être hébergée. Les restrictions à la régularisation par le travail vont maintenir dans la précarité des centaines de milliers de travailleurs. »

Discriminations du droit au logement

Le volet logement n’est, en effet, pas en reste. La nouvelle loi restreint les droits des personnes étrangères, issues d’un pays tiers et en situation régulière. « Pour l’accès au droit au logement opposable (Dalo), aux allocations familiales, aux aides personnalisées au logement (APL) ou à l’allocation personnalisée d'autonomie (APA), un délai de carence de 5 ans de régularité du séjour sera imposé, au cours desquels une véritable préférence nationale est instaurée », indique le collectif des associations unies, composé de 42 associations du secteur de l’hébergement et du logement.

Ces répercussions pourraient compliquer un peu plus la tension déjà exercée sur les structures d’hébergement d’urgence en augmentant le nombre de personnes à la rue. « La loi risque de précipiter des dizaines de milliers de personnes supplémentaires dans des bidonvilles, vers les marchands de sommeil, l’habitat indigne et d’alimenter le nombre de personnes à la rue faisant appel au 115, en vain », détaille le collectif. Même son de cloche du Mouvement HLM qui rappelle l’importance des APL. « Il s’agit d’un outil de droit pour les ménages les moins favorisés. Elles sont vitales pour sortir des centaines de milliers de familles de la précarité. »

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Le secteur de la dépendance suspicieux

Les secteurs de la dépendance et du handicap n’adhèrent pas non plus aux résultats des débats législatifs. « J’ai honte de constater qu’en France, les marchandages politiciens bafouent allègrement les droits fondamentaux, fulmine Pascale Ribes, présidente d’APF France handicap dans un communiqué. L’association déplore notamment le détricotage du titre de séjour pour soins et exprime de fortes craintes sur la réforme de l’AME (aide médicale d’Etat) à laquelle elle restera très attentive.

Sur la question des titres de séjour qui pourraient être accordés aux salariés exerçant dans des métiers en tension, Anne Lauseig, présidente du collectif de soutien aux aides à domicile La Force invisible reste méfiante : « Il faudrait peut-être commencer par régulariser les personnes qui ont travaillé durant la crise Covid, c’est une promesse qui n’a pas été suivie d’effets pour toutes les professionnelles qui ont accompagné les personnes vulnérables sans compter leurs heures. Ce n’est pas normal ! », dénonce-t-elle.

Remise en cause du droit constitutionnel

Plus globalement, Claire Hédon, défenseure des droits, insiste sur l’importance du « droit des étrangers régulièrement établis sur le territoire à ne pas subir de discriminations à raison de leur nationalité, consacré par le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l’Homme. En prévoyant, pour ces mêmes étrangers, de différer dans le temps l’accès à un certain nombre de prestations sociales, le texte élaboré par la commission mixte paritaire (CMP) dans le cadre du débat parlementaire relatif au projet de loi “immigration”, remet en cause des droits fondamentaux et porte une atteinte grave aux principes d’égalité et de non-discrimination, socle de notre République », prévient-elle par voie de communication.

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Pour répondre à l’anticonstitutionnalité du texte et aux injustices qu’il entraîne, de nombreuses associations et collectivités locales s’organisent. Alors que les 32 départements de gauche refusent d'appliquer un  délai pour les étrangers avant d’être éligibles à l’allocation personnalisée d’autonomie, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) « engage dès maintenant les démarches nécessaires à l’examen par le Conseil constitutionnel ».

 

>> Le projet de loi Immigration et intégration

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