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Logement : les associations contre la loi « Kasbarian 2 »

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Un entrepôt aménagé en dortoir à Montreuil (93)

Crédit photo ©Yvan Levy, pour le Collectif des Associations Unies (CAU)
A la veille de l’examen au Sénat du projet de loi « Kasbarian 2 », le Collectif des associations unies (CAU), qui regroupe 41 associations œuvrant pour le droit au logement et la protection des plus démunis, est vent debout pour dénoncer les nouveaux tours de vis annoncés par le gouvernement.  

Moins d'un an après la première loi « Kasbarian », dite « loi anti-squat », un deuxième projet de loi porté par le ministre du Logement – devant le Sénat ce mercredi 5 juin – inquiète les associations. La veille, le Collectif des associations unies (CAU) a rappelé que l’aggravation de la crise du logement « nécessiterait une réponse solidaire de l’Etat pour accompagner les plus précaires » et « non un projet de loi qui s’attaque au logement social et aux mal logés ». Pour cette quarantaine d'associations, l'heure est grave : « le logement social est à la dérive » avec un gouvernement qui exerce « une menace directe sur le logement social et les droits des locataires ».

Un premier bilan catastrophique 

L’année 2023 marque un nouveau record : 21 500 ménages ont été expulsés de leur logement par les forces de l’ordre, une hausse de 23 % en un an. Cela représente plus de 47 000 personnes, sans compter celles qui sont parties d’elles-mêmes (que l’on estime à 90 000) pour éviter le traumatisme d’une expulsion par la police. « On n’a pas commencé à faire le bilan définitif de la première loi qu’on doit se préparer au pire avec la version 2 », s’indigne Maïder Olivier, coordinatrice du CAU. 

Les associations soulignent par ailleurs une détérioration des conditions dans lesquelles les expulsions des lieux de vie informels sont réalisées : peu ou pas de diagnostic social, propositions d’hébergement de plus en plus rares, multiplication des arrêtés préfectoraux d’évacuation – au mépris parfois de décisions de justice accordant des délais aux habitants.

Evacuations manu militari de certains squats, depuis la simplification de la procédure pour en réduire les délais, démantèlement de bidonvilles, accélération des expulsions locatives, expulsions d'étudiants de leurs résidences, la loi « Kasbarian 1 » a contribué à faire place nette à l’approche des Jeux olympiques. 

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Entre le 1er mai 2023 et le 30 avril 2024, sur tout le territoire français, l’Observatoire des expulsions de lieux de vie informels a recensé 1 239 expulsions ayant concerné 147 785 personnes, dont 6 756 enfants. Une accélération qui a « entraîné des ruptures dramatiques dans la vie des personnes concernées, affectant leur santé, leur emploi, et la scolarité des enfants. L'expulsion, déjà un traumatisme majeur, serait ainsi facilitée sans les nécessaires diagnostics sociaux qui évaluent la situation des familles. »

Les principaux points de crispation

  • Une loi SRU en grave danger

Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation Abbé-Pierre (FAP), co-porte-parole du collectif explique : « Alors que la loi SRU, en son article 55, était faite pour forcer les maires anti-logement social, anti-pauvres, anti-immigrés, à faire un peu de logement social, et ainsi mieux répartir l’offre HLM sur le territoire, ils pourront proposer du logement locatif intermédiaire (LLI) à la place du logement social. C’est leur donner une échappatoire pour accueillir les cadres et non les classes moyennes. »

>>> à lire aussi : Logement social : les maires et les associations montent au créneau contre le projet de loi Kasbarian

Une aberration pour Manuel Domergue qui rappelle que 2,6 millions de ménages sont en attente du logement social, avec quasiment les trois quarts qui attendent un logement très social : « La réponse LLI est une réponse à côté de la plaque. On ferait rentrer les pires élèves du SRU comme Nice ou Boulogne-Billancourt. Le plafond du logement locatif intermédiaire est de 7 500 € pour des villes comme Lille ou Lyon pour un couple avec deux enfants, ce n’est donc clairement pas la cible du logement social. »

Le texte prévoit par ailleurs de reverser les pénalités à l'intercommunaité qui, à ce jour, sont versées à l’Etat. « Si les communes venaient à se payer elles-mêmes ses pénalités pour non-respect du SRU, on en viendrait à supprimer la loi SRU justement assujettie à ces sanctions », dénonce le directeur des études de la FAP invoquant un « dogmatisme anti-SRU ».

  • Pouvoirs accrus aux maires dans l’attribution des logements sociaux

Le projet de loi propose également de donner plus de pouvoir aux maires dans l'attribution des logements sociaux, ce qui peut faire craindre une gestion moins transparente des attributions. Ce serait la porte ouverte au « clientélisme, à la discrimination et à la préférence communale », selon Manuel Domergue.

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  • Augmentation des loyers du parc social à la relocation

Autre disposition comminatoire : outre le renforcement des possibilités d’expulsion des locataires dépassant les plafonds de ressources pour du logement social, la possibilité pour le bailleur d’augmenter les loyers lorsqu’un locataire quitte les lieux. « Un logement ancien serait alors au même prix qu’un logement neuf », conclut Manuel Domergue.

  • Référence systématique à la notion de « mauvaise foi »

La systématique référence à la notion de « mauvaise foi » des locataires dans les procédures d'expulsion est une autre source d'inquiétude. Marianne Yvon, responsable de l’association Espace solidarités habitat qui accompagne chaque année 1 500 à 2 000 ménages, parle d’un « concept vague utilisé de manière arbitraire », rendant les locataires coupables de vouloir « nuir, frauder, dissimuler ». Conséquence : les délais ne sont plus accordés.

  • Une enveloppe de l’hébergement d'urgence qui se fait attendre

Nathalie Latour, directrice générale de la Fas (Fédération des acteurs de la solidarité), rappelle également que l'enveloppe promise pour l'hébergement d'urgence n'a toujours pas été débloquée : « Nous sommes loin de la promesse de “Zéro enfant à la rue”. En période de crise, cette absence de financement aggrave les conditions des personnes sans abri et des travailleurs sociaux qui les soutiennent. » La loi remet en cause l'inconditionnalité et la continuité du droit à l'hébergement. Pour le Collectif des associations unies, il s'agit d'une attaque frontale contre les fondements mêmes de la solidarité nationale et de la protection des plus vulnérables.

>>> à lire aussi : Mais où sont passés les 120 millions pour l'hébergement d'urgence ?

  • Conséquences sur l’attractivité des métiers du social

En première ligne face à cette crise, les travailleurs sociaux se trouvent dans une situation de plus en plus intenable. Nathalie Latour estime qu'ils sont « contraints de trier les précarités, qu'ils sont malmenés et voient leur métier perdre en attractivité ». Le collectif alerte sur le risque d'une véritable crise des vocations dans un secteur déjà sous pression.

Le Collectif des associations unies appelle à une mobilisation massive contre la loi « Kasbarian 2 ». Un rassemblement est prévu devant le Sénat le 18 juin.

 

>>> à lire aussi : Attractivité des métiers : ce que prévoit le ministère du Travail

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