L'explosion des expulsions « Un cap a clairement été franchi : ces derniers mois, des familles avec enfants en bas âge, des personnes en situation de handicap, des personnes âgées ont été expulsées sans même une mise à l’abri hôtelière, solution pourtant loin d’être satisfaisante », déplore Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation Abbé Pierre, dans un communiqué rendu public le 24 octobre.
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Le document dénonce l’augmentation du nombre de mesures d’expulsions locatives mises à exécution par les forces de l’ordre, dans le contexte inflationniste. Plusieurs records sont ainsi dénombrés :
- En 2022, 17 500 ménages ont été expulsés, soit 38 000 personnes ;
- 2,4 millions de personnes restent en attente d’un logement social.
- Plus de 85 000 ménages patientent pour un relogement dans le cadre d’un dossier Dalo [Droit au logement opposable].
- Chaque soir, plus de 8 000 individus n’obtiennent pas d’hébergement après avoir contacté les services du 115.
L’obligation de relogement bafouée. Plus globalement, en 20 ans, le nombre d’expulsions locatives a connu une hausse de 130 %. « L’État continue à bafouer quotidiennement la loi et les règles qu’il édicte lui-même. Une hausse des expulsions est constatée dans de nombreux départements, ainsi qu’un respect très faible, même pour les ménages prioritaires DALO, de l’instruction du 3 avril 2023 enjoignant aux préfets de reloger ou héberger les personnes avant l’expulsion », détaille Manuel Domergue.
Selon la fondation, plusieurs nouveaux signaux gouvernementaux pourraient renforcer cette tendance.
- Le vote de la loi « Protéger les logements contre l’occupation illicite » marque un recul sans précédent et mettrait à mal plus de 30 années de travail en faveur de la prévention des expulsions. Elle engorgerait plus encore des tribunaux déjà surchargés et risque d’engendrer l’expulsion de milliers de familles supplémentaires.
- Des personnes endettées majoritairement suite à une perte d’emploi, une maladie, une séparation ou un dysfonctionnement de l’administration, ou ayant reçu un congé de leur bailleur risqueraient désormais, en plus de l’expulsion, une forte amende pénale si elles se maintiennent dans les lieux en fin de procédure.
- Une instruction récente du ministère de l’intérieur enjoignant les bailleurs sociaux à expulser les familles de jeunes condamnés suite à des violences urbaines ou des faits de délinquance contribuerait aussi à la détérioration de la situation.
La fondation Abbé Pierre appelle donc l’État à la solidarité envers les personnes victimes d’accidents de la vie.
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