ASH : Comment avez-vous déployé l’expérimentation du contrat d’engagement sur votre territoire et comment vos équipes définissent-elles les 15 heures d’accompagnement obligatoires associées au dispositif ?
Jean-Luc Kientz : Tout d’abord un rappel : lorsque l’on parle de ces 15 heures hebdomadaires, il s’agit de 15 heures d’activité qui peuvent comprendre de la formation, la participation à des ateliers thématiques, du développement de compétences ou même de l’aide à la reprise de confiance en soi pour l’allocataire du RSA. Pour les publics les plus éloignés de l’emploi, il peut même s’agir d’une rencontre avec une assistante sociale, un psychologue ou un professionnel de santé. Il ne s’agit pas de 15 heures d’activité professionnelle, mais d’un engagement réciproque entre France travail et le bénéficiaire d’un contrat. Nous lui assurons un parcours d’accompagnement et de retour à l’emploi le plus adapté à sa situation personnelle. Lui, en retour, s’engage à le suivre.
Dans les Vosges, chaque allocataire engagé dans l’expérimentation est d’abord reçu dans le cadre d’un entretien tripartite où sont présents un représentant de France travail et un autre du conseil départemental, qui permet d’établir un diagnostic social et professionnel à 360°. C’est à cette étape que nous dressons le panorama de sa situation qui nous permet de l’orienter vers l’un de nos trois niveaux d’accompagnement. « Social », s’il s’agit d’une personne confrontée à de multiples difficultés d’insertion dues à un état de santé fragile, à des pathologies ou à une situation familiale compliquée ; « socio-professionnel », si le candidat est assez proche de l’emploi mais que quelques freins, liés à la mobilité ou à la garde d’enfants, par exemple, restent encore à lever, et « emploi », s’il ne présente pas de difficultés particulières pour revenir à l’emploi. Ce n’est qu’à l’issue de ce premier rendez-vous que le bénéficiaire signe son contrat d’engagement. France travail ne s’occupe que de ceux qui relèvent de la troisième catégorie. Les deux autres sont prises en charge par le département qui a d’ailleurs contracté avec 11 partenaires (centre communal d’action sociale, centre d’information sur les droits des femmes et des familles, etc.) pour assurer l’accompagnement le mieux adapté.
C’est la manière dont nous procédons actuellement. Bien sûr, je ne peux vous dire si tout fonctionnera sur le même principe à partir de la généralisation du dispositif.
Combien d’allocataires du RSA sont concernés par l’expérimentation et quels sont les bassins d’emplois impliqués ?
En 2023, nous comptons 2 038 allocataires engagés dans le dispositif au sein du seul secteur d’Epinal. En 2024, l’expérimentation sera étendue à deux nouveaux bassins d’emplois : Rambervillers et Saint-Dié-des-Vosges.
Certaines craintes ont été exprimées quant aux allocataires en situation de handicap qui seraient soumis aux mêmes obligations. Est-ce exact ?
Je veux lever les craintes. Tout l’objectif de cette expérimentation c’est la personnalisation du parcours. Le handicap ou la situation d’aidant familial, par exemple, ont été identifiés comme pouvant justifier une exemption.
Je ne peux parler que de la réalité telle qu’elle existe dans mon département (1). Aujourd’hui, sur le territoire d’expérimentation des Vosges, nous comptons une centaine de bénéficiaires exemptés de toute obligation horaire. De toute façon, la durée d’activités hebdomadaires avait déjà été modulée en fonction des différentes catégories. Les 15 heures ne concernent ainsi que ceux relevant de la catégorie « emploi ». Ceux inscrits dans la catégorie « socio-professionnel » ne sont assujettis qu’à 8 à 12 heures d’activité chaque semaine et ceux qui relèvent du « social », à un minimum de 1 heure.
Et pour revenir un instant sur la question du public en situation de handicap, je rappelle que France travail accueille désormais en son sein le réseau des conseillers Cap emploi, au sein de Teams handicap entièrement dédiés à l’emploi handicapé. Leurs conseillers ne font pas passer les entretiens dans le cadre de l’expérimentation sur le RSA, mais il est tout à fait possible à nos agents de solliciter leur expertise technique lorsque cela est nécessaire.
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Redoutez-vous que la généralisation du dispositif en 2025 ne renforce les contraintes pour ses bénéficiaires ?
Je ne le crois pas. Cela sera à nous, les équipes de France travail, de nous organiser en conséquence ! Mais pour les allocataires, cela n'aura pas d'impact. La généralisation de la réforme du RSA ne renforcera pas les contraintes pour les allocataires.
On est avant tout dans une relation de personne à personne. Notre priorité, c’est l’intégration des signataires d’un contrat d’engagement dans un parcours d’accompagnement et nous sommes bien conscients que le niveau de cet accompagnement ne pourra pas être le même pour tout le monde.
Comment les bénéficiaires jugent-ils le dispositif ?
Très bien. Les bénéficiaires apprécient l’accompagnement qui leur est proposé ainsi que la relation personnalisée engagée avec leur conseiller. Sur les deux agences France travail d’Epinal qui participent à l’expérimentation, nous n’avons enregistré que deux réclamations sur 15 mois.
(1) Les demandeurs d’emploi en situation de handicap représentaient 5 % des allocataires du RSA inscrits à France travail dans les 18 départements expérimentateurs (source : France travail).
En chiffres
Dans les 18 départements engagés et sur la première cohorte des allocataires concernés par l’expérimentation (source : France travail) :
- 40 % des personnes accompagnées ont accédé à un emploi dans les 5 mois suivant leur entrée dans le parcours (49 % pour les personnes orientées dans des parcours professionnels), dont 14 % à un emploi durable (18 % pour les parcours professionnels).
- Au 11 avril 2024, on compte 26 427 allocataires du RSA entrés dans le dispositif (31 % en parcours social, 25 % en parcours socio-professionnel, 44 % en parcours emploi).