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JOP 2024 : rétrospective d’une année de nettoyage social

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« Pour les squats d’exilés, a minima 1 800 personnes ont été expulsées en un an et se sont vues dépossédées de la quasi-intégralité du réseau de solidarité que représentaient les lieux squattés, leur seule et unique alternative à la rue » indiquent les auteurs du rapport.

Crédit photo Collectif Le revers de la médaille / DR
Moins de deux mois avant l’ouverture des Jeux olympiques et paralympiques 2024, le collectif Le revers de la médaille dresse le bilan des actions à l’œuvre pour invisibiliser les personnes à la rue. Entre expulsions et contrôles administratifs, l’état des lieux se révèle lourd de conséquences pour le public comme pour les professionnels qui l'accompagnent.

Pour le collectif Le revers de la médaille, la situation subie par les personnes les plus précarisées à l’approche des Jeux olympiques et paralympiques 2024 (JOP) se révèle de plus en plus délétère.

Dans un rapport publié le 3 juin et intitulé « Circulez, y’a rien à voir : 1 an de nettoyage social avant les JOP 2024 », le groupe inter-associatif composé d’une centaine d’adhérents partage et analyse ses données de terrain concernant la gestion de la grande précarité par les pouvoirs publics d’Ile-de-France, entre avril 2023 et mai 2024.

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Les conclusions sont claires : un nettoyage social est à l’œuvre et les actions pour le mener à bien se voient accélérées de mois en mois. « Il repose sur un double mouvement de disperser dans l’espace public pour éviter les installations d’habitats informels qui seraient trop visibles et d'éloigner de l'agglomération parisienne les personnes très précaires qui peuvent avoir une occupation quotidienne de l’espace public ou être hébergées dans des structures hôtelières », détaille le collectif, dans l’introduction du rapport.

+ 16 % de personnes à la rue en un an

En tant qu’observatrice, l’union des associations dresse un état des lieux précis. A commencer par celui du nombre d’individus à la rue recensé. Dans la nuit du 25 au 26 janvier 2024, 3 462 personnes sans solution d’hébergement ont été décomptées à Paris, dans le cadre de la 7e édition de la Nuit de la solidarité, soit un accroissement de 16 % par rapport à 2023. Dans ce contexte, le financement de 3 000 places d’hôtels sociaux a été supprimé l’an dernier.

« La répartition géographique des sans-abri rencontrés ce soir-là est concentrée dans le périmètre de Paris Centre et du XIIe arrondissement (incluant le bois de Vincennes), soit des lieux centraux pour les JOP 2024, ainsi que dans le XIXe arrondissement – ces trois zones rassemblent plus de la moitié des personnes sans-abri décomptées (46 %) », souligne le rapport.

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L’Observatoire des expulsions de lieux de vie informels comptabilise, quant à lui, 138 délogements sur la période : 64 expulsions de bidonvilles, 34 expulsions de regroupements de tentes (exclusivement sur Paris et Aubervilliers), 33 de squats et 7 de personnes voyageuses. En comparaison, 121 expulsions avaient été recensées entre 2021 et 2022.

« Sur les derniers mois, 12 545 personnes, dont plus de 3 000 mineurs, ont été concernées, ce qui les relèguent à l’errance », pointe Anthony Ikni, délégué général du Collectif national droits de l’Homme Romeurope à l’occasion d’une conférence de presse organisée pour la sortie du rapport. « Nous notons une accélération des expulsions de lieux de vie informels. Par exemple, 2 000 personnes se sont vues délogées en avril », poursuit-il. Le collectif retient également l’accroissement de la pression exercée par les forces de l’ordre sur le public sans domicile.

Alternatives inadaptées

Le document note aussi une multiplication des dispositions étatiques en vue d’une expulsion d’habitats informels de l’espace public. Et ce, depuis février 2024. « Entre mai 2021 et janvier 2024, seulement 2 expulsions étaient liées à un arrêté préfectoral, nous en avons recensé 8 en seulement 4 mois, entre février et mai 2024 », ajoutent les auteurs du rapport.

En réponse à la tension, l’ouverture de 300 places supplémentaires par le biais des services du 115 est prévue. Et ce, au nom de « l’héritage social ». Pour l’heure, seules 73 personnes ont été mises à l’abri via ces places destinées à un public isolé et installé dans le périmètre des JOP. L’autre alternative repose sur la dispersion géographique des individus à la rue et majoritairement en exil, vers des « sas d’accueil » temporaires mis en place en mars 2023. 3 958 « volontaires » ont ainsi été orientés vers ces lieux l’an dernier. 42 % d’entre eux se sont vus proposés une solution aux termes des trois semaines d’accompagnement social prévues au sein des sas. Le reste connaît à nouveau la rue ou les centres de rétention administrative (CRA), une obligation de quitter le territoire français (OQTF) en poche.

« 330 grands marginaux vivent au sein des zones considérées comme des périmètres de sécurité pour les JOP. Plusieurs milliers d’autres se mettent à l’abri dans les stations de métro ou sur des lieux où se trouveront de futurs “fan zones”. Il va y avoir des conflits d’occupation cet été », prévient Théodore Malgrain, responsable de la coordination chez Barreau de Paris Solidarité. « Par ailleurs, depuis janvier, 25 campements identifiés par les maraudes ont déjà disparu. Chaque semaine, les commissariats ou les mairies d’arrondissement agissent, sans toujours s’appuyer sur des bases légales. Le plan Vigipirate a par exemple déjà été invoqué. »

Sabotage du travail social

Parmi les conséquences de cette posture politique, outre l’accroissement de la marginalisation des publics, le collectif dénonce une perte de lien qui bloque le travail social.

« Cet empressement à les invisibiliser de l’espace public avec une prise en charge de moins en moins présente est perceptible », affirme Camille Gardesse, sociologue et membre du Collectif d’accès aux droits (CAD). « Il s’agit d’une fabrication de l’errance accompagnée de harcèlement et d’installation de mobilier dissuasif pour empêcher la réinstallation. Ces gens ont pourtant besoin de l’espace public pour vivre », rappelle-t-elle.

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Enfin, le son de cloche est similaire chez les travailleurs sociaux chargés de l’accompagnement des personnes en situation de prostitution ou d’addiction. « Depuis le mois de juin 2023, l’ensemble des associations intervenant auprès des victimes de traite des êtres humains à des fins d’exploitation dans le commerce du sexe (TEH) du bois de Vincennes ont constaté une augmentation des contrôles de la situation administrative des femmes nigérianes de la route de la Pyramide et une agressivité accrue de la police à leur encontre. » Bilan : parmi les 20 opérations diligentées par les services de la préfecture de police, 44 personnes ont été placées en retenue administrative, 37 OQTF ont été notifiées et 2 placements en CRA effectués. « La pression policière accrue est également documentée à Belleville à l’encontre des travailleuses (TDS) de nationalité chinoise », indique le rapport.

La publication du document est assortie de la saisie du défenseur des droits.

>> Le rapport du collectif Le Revers de la médaille : « Circulez, y’a rien à voir : 1 an de nettoyage social avant les JOP 2024 »

> A lire aussi : Comment endiguer le « nettoyage social » ?

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