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Expulsions locatives : la Fondation Abbé-Pierre dénonce une machine répressive

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Selon la fondation, "suspendre les aides au logement revient à rompre un équilibre précaire, notamment lorsque l’allocataire a constitué une dette locative, généralement à la suite d’un accident de vie".

Alors que débute la trêve hivernale, période censée mettre en pause les expulsions locatives, la Fondation Abbé-Pierre tire la sonnette d’alarme. Le nombre d’expulsions avec intervention de la force publique a atteint un niveau inédit en 2023. Pourquoi une telle explosion ? L'association publie ce jeudi 31 octobre une étude pour en décrypter les causes.

En 2023, 19 023 ménages ont été expulsés, soit une hausse de 17 % par rapport à 2022. Une augmentation vertigineuse de 150 % en vingt ans, dénonce la Fondation Abbé-Pierre. Le sombre record s’inscrit dans une crise du logement persistante, doublée d’un durcissement des procédures d’expulsion. Sans compter que l'association anticipe une année 2024 encore plus dramatique si les politiques actuelles se poursuivent sans corriger le tir.

Après une relative accalmie durant la crise sanitaire, ce regain massif d’expulsions révèle les effets d’une réponse politique jugée « insuffisante et régressive » face à l’urgence de la situation. En cause, selon la Fondation : la pénurie de logements sociaux, l’augmentation généralisée des loyers, la précarisation des ménages et une politique de prévention des expulsions défaillante. 

Suspension des aides  

Facteur clé dans la progression des procédures d’expulsion, la suspension des aides au logement. Selon l'étude récente publiée par la Fondation en collaboration avec 66 associations partenaires, 81 % des associations interrogées indiquent que les ménages accompagnés « rencontrent de graves difficultés pour entrer en contact avec la CAF et comprendre ses consignes ». Plus de 53 % des structures notent que ces problèmes surviennent dès le premier contact avec les ménages en détresse.

L’étude révèle également que 46 % des associations attribuent directement la poursuite de la procédure d’expulsion à la suspension des aides au logement, suspension souvent due au non-respect par certaines caisses d'allocations familiales des étapes légales requises. S’ajoutent à cela des facteurs comme la complexité administrative, la lenteur des échanges de documents avec les bailleurs, et une communication défaillante avec les allocataires.

Non-respect des délais 

La procédure de maintien des aides au logement en cas d’impayé, conçue pour protéger les locataires en difficulté, se révèle « inefficace et inégalitaire dans sa mise en œuvre par les CAF ». Alors que la loi impose un délai d’un an avant toute suspension d’aide, des erreurs d’évaluation et des interprétations variables créent de grandes disparités de traitement d’un département à l’autre. La communication confuse, amplifiée par la complexité des démarches en ligne, laisse de nombreux ménages sans informations claires ni assistance.

« Les CAF, confrontées à leur double mission de soutien et de lutte contre la fraude, adoptent parfois une approche restrictive, souligne l’étude, qui prive les locataires vulnérables de droits fondamentaux. » Cette situation est aggravée par la « dépendance aux bailleurs », qui peuvent bloquer les aides en refusant un plan d’apurement sans justification, plongeant ainsi de nombreux ménages dans des spirales d’endettement et de précarité.

>>> à lire aussi : Personnes à la rue : lettre ouverte à la ministre du Logement

Freiner les expulsions

Face à ces constats alarmants, la Fondation Abbé-Pierre plaide pour des actions concrètes et urgentes afin de réduire les expulsions injustifiées. Elle propose notamment de renforcer l’accessibilité de l’information et de diversifier les moyens de preuve de paiement pour les locataires, ainsi que de former les CAF pour harmoniser le traitement des demandes. Ces actions visent à protéger les foyers les plus précaires en leur offrant une aide cohérente et efficace.

Par ailleurs, la Fondation pointe les effets aggravants de la loi « Kasbarian-Bergé », promulguée en 2023, qui a renforcé les sanctions contre les locataires en difficulté. Les préfets, incités à appliquer des consignes de fermeté, octroient désormais moins de délais aux familles pour régulariser leur situation, et les procédures d’expulsion se sont accélérées. La Fondation constate que « les difficultés sociales et judiciaires des ménages sont désormais rarement prises en compte, exacerbant la crise sociale sur le terrain ».

Vers une garantie universelle des loyers : l’appel de la Fondation Abbé-Pierre

Pour Christophe Robert, délégué général de la Fondation, l’urgence est de repenser l’approche publique en matière de logement et de soutien social. Il exhorte l’Etat à abandonner la loi « Kasbarian-Bergé » et à consacrer des moyens suffisants pour renforcer l’assistance administrative et juridique des ménages en difficulté. « Les personnes victimes d’accidents de la vie ne doivent pas être stigmatisées et pénalisées, mais aidées, afin que l’expulsion sans relogement ne soit plus la règle mais l’exception », déclare-t-il.

Afin de répondre à ces besoins, la Fondation préconise aussi « le renforcement du Fonds de solidarité pour le logement et la mise en place d’une garantie universelle des loyers ». Objectif : sécuriser les propriétaires tout en offrant aux locataires un filet de protection essentiel face aux aléas financiers.

>>> à lire aussi : Collectif Alerte : et si la lutte contre la pauvreté nous enrichissait ?

Etude complète de la FAP à retrouver ici >>>

Maintien des aides au logement pour les ménages en impayé de loyer-un principe remis en cause

 

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