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Expérimentation RSA : "L’innovation majeure, c’est la collaboration entre agents France travail et travailleurs sociaux"

Paul Bazin, directeur général délégué de France travail.

Crédit photo @Julien Cresp / France Travail
Douze mois après le lancement de l'expérimentation de « l'accompagnement renforcé » du RSA et le maintien de l'allocation conditionné à 15 heures d'activité hebdomadaires, l'heure est au bilan. Pour France travail, les premiers résultats à quelques mois de la généralisation du dispositif sont « concluants », tant pour les bénéficiaires que pour les équipes dédiées à leur accompagnement.

Il ne reste que cinq mois avant que l’ « accompagnement renforcé » des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), actuellement en expérimentation dans 47 départements auprès de 40 000 allocataires, ne soit généralisé à 1,3 million de personnes le 1er janvier prochain. Les équipes de France travail, les conseillers d’insertion des départements et les travailleurs sociaux mobilisés pour accompagner les futurs titulaires d’un « contrat d’engagement » seront-ils prêts à temps ? Et les pouvoirs publics ont-ils déployé suffisamment de moyens pour mettre en œuvre à grande échelle cette réforme majeure dans l’histoire du service public de l’emploi ? Un point sur la situation avec Paul Bazin, directeur général délégué de France travail.

 

ASH : Comment s'est passée la coopération entre les agents France travail et les travailleurs sociaux ?

Paul Bazin : Pour nos conseillers, l’innovation majeure de cette expérimentation, c’est justement la coopération entre les agents France travail et les travailleurs sociaux.

Nous avons collectivement un seul et même objectif, l’insertion des personnes les plus éloignées du marché du travail, et cette expérimentation nous a permis d’apprendre à nous connaître pour parler le même langage.

Nos conseillers nous le disent : ils ont aujourd’hui le sentiment de faire partie de la même équipe avec les travailleurs sociaux et les conseillers d’insertion des conseils départementaux. En travaillant quotidiennement ensemble, ils ont également appris à se comprendre et ainsi à être plus efficaces dans leurs approches. Ils apprécient et souhaitent encore étendre les réflexes de sollicitation et d'entraide mutuelles entre agents France travail et travailleurs sociaux des conseils départementaux.

 

Cette collaboration réussie s'est-elle traduite par des résultats concrets ?

Les pratiques de diagnostic forgées dans les expérimentations et permettant d'objectiver les contraintes personnelles des allocataires ont déjà donné naissance à un référentiel national de diagnostic validé cet été par le Conseil national pour l'emploi et désormais mis à disposition de tous.

Et les résultats partagés sont d’ores et déjà concluants avec :

  • Une mobilisation conjointe et dynamique des équipes dans le diagnostic de la situation des allocataires, avec pour effet une mise en route rapide et qualitative de l’accompagnement : hier, l’inscription au RSA entrainait un délai de plusieurs mois d’attente pour un premier rendez-vous (près de 4 mois), avec souvent des bénéficiaires renvoyés d’un guichet à un autre. Aujourd’hui, c’est un rendez-vous dans les 15 jours qui suivent l’ouverture de droit au RSA.
  • Des pratiques plus innovantes détectées dans les territoires pour proposer un bouquet plus large de solutions personnalisées : certains départements ont créé des plateformes pour référencer les solutions de garde d'enfants, des garages solidaires viennent compléter les outils proposés pour garantir la mobilité des allocataires...
  • Une mobilisation des entreprises grandissante : 18 « task forces » entreprises sont actuellement déployées, représentant plus de 200 actions visant à rencontrer les entreprises pour développer les pratiques de recrutement inclusif, mieux connaître leurs besoins en recrutement et leur proposer les candidatures des allocataires du RSA. Ces actions sont menées par les conseillers issus de France travail, de conseils départementaux, mais aussi d'acteurs du réseau pour l'emploi, comme les missions locales ou Cap emploi.
  • Une gouvernance et un pilotage complètement nouveaux : nous mesurons ensemble nos indicateurs en continu désormais. C'est un autre progrès permis par l'expérimentation. Le pilotage de nos indicateurs est totalement transparent pour tous, grâce à la mise en ligne d'un tableau de bord public. Nos territoires d'expérimentation peuvent ainsi consulter ce tableau de bord pour observer les profils de leurs bénéficiaires et leurs propres résultats à date. Ils peuvent par ailleurs les comparer avec ceux des autres territoires, de manière à se situer et développer les échanges d’expérience.

Nos outils de travail restent malgré tout perfectibles et la mise en place d’un système d’information plateforme permettant de partager les données va certainement faire gagner encore du temps aux conseillers et aux travailleurs sociaux, pour améliorer encore nos résultats.

Lire également: RSA : l’exécutif se veut rassurant sur la généralisation du contrat d’engagement

 

L'accompagnement a-t-il entraîné une surcharge d'activité chez les conseillers France travail ? Si oui, y a-t-il eu des politiques de primes, de RTT ou de gratification ?

Ce nouveau type d’accompagnement a été accueilli avec grand intérêt par nos collaborateurs. Certains avaient par ailleurs une expérience avec l'accompagnement des personnes en contrat d’engagement-jeunes (CEJ). Ils ont accueilli également avec beaucoup d'enthousiasme le travail collaboratif avec leurs homologues des conseils départementaux. Certains liens étaient déjà présents mais ils ont tous renforcé leurs méthodes de collaboration.

Selon une enquête interne réalisée en juin 2024, plus de 80 % des agents impliqués dans les 18 premiers territoires de l'expérimentation sont satisfaits d'avoir intégré ce dispositif, notamment de collaborer avec les travailleurs sociaux des conseils départementaux. Comme le déclarent les répondants, cet accompagnement rénové est une « expérience très positive qui a du sens », permet  « un meilleur épanouissement professionnel » des conseillers France travail eux-mêmes et constitue également « une chance » pour les allocataires du RSA, leurs « projets professionnels aboutissant plus rapidement » grâce à une « levée des freins facilitée ».

Les conseillers France travail qui accompagnent les allocataires du RSA sont des conseillers volontaires, qui ont pour la plupart choisi d’exercer cet accompagnement intensif car il leur permet de suivre 50 à 70 allocataires du RSA avec des rendez-vous très réguliers.

Ce suivi intensif est garant d’un accompagnement personnalisé permettant d’établir une vraie relation de confiance, qui porte la personne tout au long de son parcours vers l’emploi.

A ce stade des expérimentations, il ne s’agit pas d’une surcharge de travail mais de nouvelles organisations en agence et avec nos partenaires. Nous avons bénéficié de renforts et opéré des redéploiements qui permettent aux conseillers de travailler dans de bonnes conditions.

A lire: « La généralisation de la réforme du RSA ne renforcera pas les contraintes pour les allocataires » (Jean-Luc Kientz, France travail)

L'extension du dispositif vous paraît-elle raisonnable ? France travail pourra-t-elle déployer la même qualité d'accompagnement pour les 1 300 000 bénéficiaires annoncés ?

Les premiers résultats sont pour l’heure encourageants. C’est donc que l’organisation mise en place et les moyens alloués à l’expérimentation ont permis un démarrage efficace.

En 2025, 100 % des demandeurs de RSA ont vocation à être inscrits à France travail, contre 40 % des bénéficiaires aujourd’hui. Nous mettons maintenant tout en œuvre pour être prêts au 1er janvier.

Ce nouvel accompagnement se mettra en place de manière progressive sur tous les nouveaux territoires à partir du 1er janvier, chaque territoire travaillant d’ores et déjà à sa propre méthode de collaboration, qui ne se décrète pas à priori. Donc évidemment nous laisserons le temps. Et il ne faut pas oublier que ce sont plus de 160 000 professionnels de l’accompagnement que compte le Réseau pour l’emploi en France : France travail travaille avec un ensemble de partenaires pour faire face au défi de 2025.

Nos expérimentations permettent de gagner en efficacité dans la généralisation du dispositif. Les territoires déjà engagés favorisent aujourd’hui l’essaimage vers les territoires qui amorcent l’expérimentation en partageant leurs pratiques et expériences.

Le recours à des psychologues, accompagnateurs a-t-il représenté un surcoût pour le budget de France travail et quel sera le coût estimé de la généralisation de l'expérimentation ?

Il est très compliqué de chiffrer la généralisation de ce dispositif mais ce qui est sûr, c'est qu'il s’agit d’un investissement social fort de la part de l’Etat au regard des impacts attendus en termes de retour à l’emploi et de réponse aux besoins des entreprises.

Ce nouveau format d’accompagnement a d’abord été rendu possible par un redéploiement progressif de marges de manœuvre internes. France travail a également bénéficié de 300 ETP supplémentaires en 2024 et de 300 millions d’euros supplémentaires cette année pour mettre en œuvre l'ensemble de la réforme France travail.

De leurs côtés, les conseils départementaux ont aussi bénéficié de moyens leur permettant de recruter des renforts supplémentaires ou déléguer à des partenaires, notamment parmi les travailleurs sociaux. Les départements mesurent bien, en outre, les économies générées sur l’allocation RSA dans leurs territoires respectifs.

Pour 2025 et au-delà, nous avons des discussions avec l’Etat pour pouvoir nous adapter le mieux possible aux besoins.

Pour compléter: RSA: le gouvernement "improvise" selon le collectif Alerte


Le bilan de l'expérimentation, en chiffres

  • 40 000 bénéficiaires du RSA intégrés dans l’expérimentation.
  • 63 % disposent d’un diplôme inférieur au bac et 29 % sont des parents isolés.
  • 52 % des bénéficiaires entrés en parcours emploi accèdent à un emploi lors des 6 premiers mois suivant leur entrée en parcours, 21 % à un emploi durable.
  • 44 % des bénéficiaires étaient fléchés vers un parcours « emploi », 24 % en parcours « socio-professionnel », 32 % en parcours « social ».
  • 43 % des bénéficiaires rencontraient des problèmes de mobilité, 29 % de santé.

 

 

 

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