Si l’objectif du plein emploi semble avoir été poussé sous le tapis dans le discours politique au profit de la recherche de l’équilibre budgétaire, les principaux réseaux de l’inclusion et de la lutte contre la pauvreté demeurent bien décidés à ne tirer un trait dessus. C’est d’ailleurs l'objet d'une proposition de loi visant à la création d’un droit à l’emploi que 17 associations – allant d’APF France handicap au Coorace en passant par la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), ATD Quart Monde, Emmaüs France, Territoire zéro chômeur de longue durée (TZCLD), Solidarité nouvelle face au chômage (SNC), le Secours catholique ou encore ESS France (1) – ont élaboré entre avril et décembre 2024 au cours d’une grande conférence nationale, et dont les contours ont été dessinés le 25 mars 2025 à l'occasion de la présentation du texte au Conseil économique, social et environnemental (Cese).
A l'agenda de l'Assemblée à l'été
Le futur texte, qui comprendra cinq articles – possiblement six dans la mesure où il pourrait également comporter la mesure de prolongation de l’expérimentation TZCLD – sera porté par Stéphane Viry, député LIOT (ex-LR) des Vosges. Ses promoteurs espèrent le voir inscrit à l’agenda de l’Assemblée nationale d’ici à l’été prochain. En attendant, les associations et le parlementaire ont déjà engagé une série de rencontres. L'idée étant de sensibiliser les différents groupes politiques du Sénat à la nécessité d’apporter leur soutien au texte en attendant de réussir à convaincre leurs homologues du Palais-Bourbon. « L’exercice risque d’être un peu plus compliqué. Même si le sujet est consensuel, il y a des sensibilités politiques radicales plus marquées à l’Assemblée qu’au Sénat », confiait en off l’un des responsables associatifs lors de la présentation du texte mardi dernier.
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"L'effectivité plus que l'opposabilité"
Ce « droit à l’emploi » auquel les associations veulent donner corps appuie sa légitimité sur le préambule de la Constitution de 1946 et plus particulièrement son alinéa 5 qui proclame que « chacun a le devoir de travailler et le devoir d’obtenir un emploi ». Pas d’angélisme pour autant chez les auteurs de la proposition de loi. Dans le passé, de tels textes créant de nouveaux droits à portée universelle – à l’image de la loi sur le handicap de 2005 ou sur le droit au logement opposable de 2007 – se sont traduits par des flops, faute des moyens nécessaires à leur application. « Il ne s’agira pas de faire du droit à l’emploi un droit opposable, mais de le rendre effectif par l’action », résume Laurent Grandguillaume, président de Territoire zéro chômeur de longue durée. « C’est plus l’effectivité que l’opposabilité que l’on recherche », abonde son homologue de la FAS, Nathalie Latour.
Les acteurs de l'insertion intégrés aux comités territoriaux pour l'emploi
Concrètement, la future proposition de loi posera surtout les contours d’une « capacité des acteurs de terrain à développer l’emploi là où il n’en existe pas beaucoup », explique François Nogué, président du Fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée. En clair : permettre aux acteurs de l’insertion et de la lutte contre la pauvreté de prendre leur part dans l’accompagnement des demandeurs d’emploi inscrits à France travail, et plus particulièrement des 2,2 millions de chômeurs de longue durée (plus d’un an sans emploi) recensés par le service public de l’emploi.
A cette fin, le futur texte prévoira notamment une plus grande implication de ces acteurs dans les comités territoriaux pour l’emploi (CTE) chargés de piloter les politiques de France travail à l’échelon local. Avec l’intention de capitaliser sur le savoir-faire déjà démontré par ces associations en matière d’identification de futurs viviers d’emplois, de création de structures susceptibles de porter ces activités économiques nouvelles et d’accompagnement des chômeurs de longue durée vers ces emplois. « Il s’agira de faire des CTE des espaces très ouverts et opérationnels », précise Nathalie Hanet, présidente de SNC (Solidarités nouvelles face au chômage). Ces comités ouverts, comme le prévoit la proposition de loi, devront également être le lieu où établir le bilan des différentes initiatives mises en place… et celui où sera abordé la question de leur financement.
Financement
Car, évidemment, la question des ressources à affecter à la proposition de loi se pose. Si le texte n’est adossé à aucune étude d’impact, les réseaux associatifs imaginent que les dispositifs contenus dans la future réforme pourraient venir d’un transfert d’une partie des ressources habituellement fléchées sur le chômage de longue durée vers ces initiatives de terrain. Selon quelles clés de répartition ? « Il appartiendra au débat parlementaire de les fixer, mais aujourd’hui, le chômage longue durée coûte 43 milliards d’euros à raison de 20 000 € par demandeur d’emploi. Il doit être possible de mobiliser une partie de ces sommes vers la création d’opportunités pour ces personnes », estime Laurent Grandguillaume.
Autre mesure de la proposition de loi pour laquelle il sera nécessaire d’associer les financements idoines : un dispositif d’emploi « de transition » permettant de basculer le contrat de travail d’un ex-chômeur de longue durée passé par un parcours d’insertion par l’activité économique vers un emploi salarié « classique » dans le public ou dans le privé.
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(1) Andicat, APF France handicap, ATD Quart Monde, CCSC – Vaincre le chômage, Coorace, Emmaüs France, Fondation pour l’inclusion, Fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée (ETCLD), ESS France, Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), Hosmoz, Mouvement national des chômeurs et des précaires (MNCP), Pacte civique, Secours catholique – Caritas France, Solidarités nouvelles face au chômage (SNC), Territoire zéro chômage de longue durée (TZCLD), Unapei.