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Crise du logement : « Les réponses apportées par l’Etat ne sont pas à la hauteur du défi »

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Jean-Noël Freixinos

Jean-Noël Freixinos, directeur général de Grand Lyon Habitat (GLH), aime citer cette phrase : « Le logement social est encore le parachute des acteurs du bâtiment. »

Crédit photo Grand Lyon Habitat

Le gouvernement veut intégrer les logements intermédiaires dans le SRU. Jean-Noël Freixinos, directeur général de Grand Lyon Habitat, reconnaît l'utilité de ce type de logement pour les classes moyennes, mais souligne que la priorité doit rester à la production de logements sociaux pour les plus fragilisés. Il s'inquiète également de la diminution des APL et du ralentissement des constructions, qui aggravent la crise du logement.

 

Objectif visé : provoquer un « choc de l’offre ». En plein contexte de crise du logement, le Premier ministre a vivement remis en cause, lors de son discours de politique générale en janvier dernier, un pilier crucial de l'accès au logement : la loi SRU. Gabriel Attal a annoncé son intention de réformer la loi sur la solidarité et le renouvellement urbains, qui impose un seuil minimum de 25 % de logements sociaux par commune, en y intégrant le décompte des logements intermédiaires. Et ce, dans une volonté, a-t-il justifié, de « soutenir les classes moyennes ». Réactions d'un professionnel familier des arcanes de la règlementation du logement social en France, Jean-Noël Freixinos , directeur général de Grand Lyon Habitat (GLH). 

Que pensez-vous du projet du gouvernement visant à intégrer des logements intermédiaires dans la loi SRU ?

Jean-Noël Freixinos : La loi SRU est une loi fondamentale pour les bailleurs sociaux, surtout dans des secteurs en déficit d'offres de logement. C''est le cas pour la Métropole de Lyon, avec 84 000 demandeurs en attente de logement social. Parmi eux, 40 % environ sont déjà locataires du parc social et attendent une mutation pour un logement plus adapté à leurs besoins. Cela ajoute une pression à un besoin de production important. A l'échelle nationale, le nombre de demandeurs ne cesse de croître : 2,4 millions de demandeurs de logement sur tout le territoire français. Le blocage du marché de l’immobilier vient accroître le nombre d’actifs en recherche de logement. Le logement intermédiaire est une offre utile, pour les classes moyennes, les cadres moyens, moyens supérieurs non éligibles au parc social, qui souhaient accéder à un logement de qualité à un prix abordable dans les zones tendues pour favoriser la proximité à leur lieu de travail. Des classes moyennes n'étant ni éligibles au logement social ni prêtes à s'orienter vers l’acquisition, en raison du prix de l’immobilier.

Lire aussi : Guillaume Kasbarian au logement : entre indignation et inquiétudes

Grand Lyon Habitat développe des initiatives en faveur du logement intermédiaire, mais également avec une attention particulière portée à l'accession à la propriété. Notamment dans le cadre du bail réel solidaire (BRS), comme aux Jardins des Balmes, à la Croix-Rousse, qui comptent 67 logements en BRS. Entre le 21 novembre et le 21 décembre, une période pourtant pas toujours rêvée pour l’acquisition, 85 % de ces logements ont été pourvus à ce jour, pour un prix au mètre carré de 3 600 €. Il s'agit de personnes qui ont des ressources et veulent sortir du logement social en visant l’accession, sans partir à 40 km de Lyon. Ces opérations participent à la fluidité.

Je suis réfractaire à l'intégration du logement intermédiaire dans la loi SRU. Il n’est pas antinomique de maintenir 25 % de logements sociaux et d’y ajouter du locatif intermédiaire ou du bail réel solidaire. Mais le logement intermédiaire n’est pas le cœur du réacteur dans la crise, car il ne correspond qu'entre 3 et 5 % de la population, avec un plafond de revenus mensuels fixé à 4 000 € pour une personne seule.

En réalité, 60 % des demandeurs relèvent du plafond PLAI. Ce sont ces 60 % qui pâtissent le plus de la crise. La loi SRU est une grande loi de la République, à laquelle nous sommes attachés. Elle favorise la mixité et la diversité.

Le gouvernement propose également de conférer aux maires un rôle accru dans la première attribution des nouveaux logements sociaux construits sur leur commune. Quelle est votre position ?

J.-N. F. : Attendons de connaître le texte. Nous venons à peine de mettre en place la gestion en flux et la cotation, sérieusement réfléchies par les bailleurs en accord avec les communes et la Métropole, pour affiner les priorités mais aussi donner et assurer des cohérences à l’échelle d’un territoire, et non d’une commune. Ce serait curieux de voir arriver une telle mesure.  Il n'y aurait pas de sens à changer l'ordre des priorités que nous avons défini de manière concertée, La cotation garantit une transparence dans l'attribution avec un système de points. Le nombre de points de chaque dossier permet de classer les demandeurs de manière équitable et objective en fonction de leur situation : personne dépourvue de logement, insalubrité, violences familiales, suroccupation de leur logement actuel, cherté du logement etc... Nous tendons vers de plus en plus de transparence. Alors j’ai du mal à percevoir la réalité de cette mesure selon laquelle, la première attribution des logements sociaux relèverait de la décision des maires.

A mon sens, on tourne autour du vrai problème : comment organiser la file d’attente du logement et dynamiser la production?

Face à la demande croissante de logements sociaux, le gouvernement cherche à accélérer la construction de nouvelles unités. Comment Grand Lyon Habitat répond-il à cet impératif ?

J.-N. F. : L'augmentation de la production de logements sociaux est une priorité pour Grand Lyon Habitat, comme pour tous les bailleurs sociaux. En fait, dans l’accélération, il est question de plusieurs éléments : surélévation, densification, et transformations de bureaux en logements. A ce jour, on essaie d’utiliser toute la gamme que nous avons : un tiers consacré à l’acquisition d’immeubles auprès de promoteurs, un second tiers pour la construction sur les terrains nus, le dernier tiers pour de l’acquisition-amélioration de logements indignes. On travaille, entre autres, la question de la surélévation, en s’appuyant sur des dérogations pour les bailleurs sociaux. Nous inaugurons d'ailleurs prochainement un bâtiment ancien dans le 3ème arrondissement de Lyon, que nous avons réhabilité et réhaussé, pour accueillir un centre de transit de Forum réfugiés. Mais la surélévation s’accompagne souvent d’une rénovation lourde. Nous mobilisons le foncier de notre patrimoine, pour construire des logements en vue de développer une offre mixte de baux réels solidaires, et de logements intergénérationnels avec les Petits Frères des Pauvres.

Sur l’acquisition-amélioration, nous avons l'exemple de 87 logements acquis par trois bailleurs sociaux, Grand Lyon Habitat, Alliade, Lyon Métropole Habitat, auprès de la foncière logement du Crédit agricole. Ce sont des quartiers où il n’y a pas foncier qui se libère et en déficit de logements sociaux, notamment au centre de Lyon, les pentes de la Croix Rousse, et la Guillotière. Mais on arrivera bientôt aux limites du foncier disponible.

Malgré ces efforts de construction, la crise du logement n'a jamais été aussi forte. Comment l'expliquez-vous?

J.-N. F. : Il faudrait en effet s'interroger sur les causes de la crise. Les réponses apportées par l'Etat ne sont pas à la hauteur du défi. Au moment où tous les acteurs sont en difficulté pour investir, c'était le cas en 2008 avec la crise des subprimes. Il y a la pince terrible entre l'augmentation des coûts de production et le niveau de crédit, alors que les acteurs privés sont en difficulté pour investir, les bailleurs sociaux ont encore la capacité à remettre de l'argent de la machine pour maintenir un outil de production du bâtiment. On a encore augmenté notre investissement l'an dernier, en réhabilitation, et construction neuve. 94,5 millions d'euros injectés en 2023, auxquels on ajoute 20 millions de maintenance courante. GLH, c'est plus de 2 millions d'euros chaque semaine dans le développement, la maintenance, la réhabilitation. On a encore cette capacité mais qui a été largement amputée par la diminution des APL.

La diminution des APL a été compensée par les loyers des bailleurs sociaux avec la réduction de loyer de solidarité. La RLS est un abus de langage, car les bailleurs sociaux déjà solidaires ont été amputés de 10 milliards d'euros à l'échelle nationale, 45 millions d'euros pour Grand Lyon Habitat, ce qui correspond à une année de production de logements sociaux.

Ce qui est préoccupant finalement, c'est que nous avons un taux de rotation historiquement bas. Sur Grand Lyon Habitat, en 2013, nous étions à 7% de rotation, soit 2000 attributions chaque année. Depuis dix ans, nous comptabilisons seulement 1200 attributions. Nous avons chuté de 800 attributions.  Cela témoigne du blocage du système.

>>> Lire aussi : Logement : une « bombe sociale », selon la Fondation Abbé-Pierre

Sur la Métropole de Lyon, la demande de logements sociaux ne cesse de croître. L'an dernier, 8 749 attributions, dont 30 % de locataires déjà logés dans le parc social. Les attributions ont augmenté à l'échelle de la collectivité, par rapport à l'année dernière, mais pour un volume de demandeurs qui a aussi augmenté. La pression de la demande sur la Ville de Lyon en 2022 était d'une attribution satisfaite pour neuf demandes.

Nous expérimentons aussi d'autres dispositifs, comme la bourse d’échange des logements, qui existe déjà à Paris, que nous venons de mettre en place sur la Métropole de Lyon début 2024. Un premier échange a eu lieu entre un locataire de GLH résidant à Vaulx-en-Velin et un autre d’ICF Sud-Est Méditerranée, locataire à la tour Salvagny.

Il est également inquiétant de constater qu'on n’a jamais aussi peu construit que ces dernières années. Le gouvernement annonce un choc de l’offre, mais il y a finalement un grave contre-choc de l’offre. La véritable question à se poser est le pourquoi d'un tel ralentissement des constructions de logements sociaux.

 

Les bénéficiaires des logements PLAI, PLUS, PLS et PLI

 

  • Les logements PLAI, financés par le Prêt Locatif Aidé d’Intégration, sont attribués aux locataires en situation de grande précarité.
  • Les logements PLUS, financés par le Prêt Locatif à Usage Social correspondent aux locations HLM (habitation à loyer modéré). 
  • Les logements PLS, financés par le Prêt Locatif Social, ils sont attribués aux candidats locataires ne pouvant prétendre aux locations HLM, mais ne disposant pas de revenus suffisants pour se loger dans le privé.
  • Les logements PLI, financés par le Prêt Locatif Intermédiaire et également attribués aux personnes dont les revenus sont trop élevés pour pouvoir être éligible à un logement HLM, mais trop faibles pour se loger dans le parc privé.

 

 

 

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