« La dématérialisation est tout autant une chance pour l’effectivité des droits qu’un risque supplémentaire de rupture d’égalité, notamment pour des populations en situation de vulnérabilité. » Partant de ce constat, le Défenseur des droits et l’Institut national de la consommation (INC) ont réalisé une enquête mystère auprès des plateformes téléphoniques des caisses d’allocations familiales (CAF), de Pôle emploi, de l’assurance maladie et de l’assurance retraite (Carsat). L’objectif : évaluer, lors des appels, les informations délivrées, l’accès aux droits et l’articulation entre les différents canaux de contact (plateforme téléphonique, accueil physique et site Internet). Pour ce faire, quatre profils ont été mis sur pied : une personne âgée malentendante, une personne avec un accent étranger, une ne disposant pas d’Internet chez elle et, enfin, une dernière qualifiée de « lambda » disposant d’Internet et « comprenant sans difficulté ».
Absence d’estimation
Parmi les 1 463 appels, allant de la demande d’informations au recours, 40 % n’ont pas abouti, révèlent le Défenseur des droits et l’INC. Il ressort également que les conseillers signalent très peu à l’appelant s’il a le droit ou non à la prestation. « Cette absence d’estimation par téléphone, via les dispositifs de simulation de droits, est justifiée par les trois organismes en raison de la complexité des situations personnelles ainsi que du risque d’induire l’appelant en erreur. Si cet argument est tout à fait légitime, il ne faudrait pas pour autant encourager par manque d’information le non-recours des usagers », rapporte le Défenseur des droits.
Différences de traitement selon les profils
Autre constat : le profil « étranger » est plus souvent redirigé vers le site Internet que les autres profils. Par exemple, pour les appels à la CPAM concernant une demande d’accès au droit à l’aide au paiement d’une complémentaire santé (ACS), les enquêteurs avec un accent ont été invités deux fois plus que les autres à remplir le formulaire de demande en ligne.
« On peut émettre l’hypothèse que le conseiller anticipe prématurément la complexité de la situation : l’interaction avec une personne supposée étrangère pourrait se traduire par des échanges téléphoniques plus longs en raison de conditions particulières liées au séjour. Il anticiperait également des difficultés de communication et des risques d’interprétation erronée pour l’appelant sur ses droits, analyse le Défenseur des droits. S’il peut sembler parfois justifié de renvoyer ces profils vers Internet, cela est toutefois fait sans demander préalablement si l’appelant bénéficie d’un accès à Internet. » De manière générale, l’étude souligne la nécessité de conserver des lieux d’accueil physiques et l’importance de pouvoir recourir aux différents canaux d’information.
>> Etude sur les plateformes téléphoniques de quatre services publics