Il n’y a pas que les conseils départementaux qui s’inquiètent de la suppression annoncée de l’allocation de solidarité spécifique (ASS) réservée à certains chômeurs en fin de droits – 321 000 environ aujourd’hui - et de la bascule de ses bénéficiaires vers le RSA. Dans un courrier adressé à Catherine Vautrin, la ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, le collectif Alerte tire la sonnette d’alarme sur les conséquences de cette décision sur la précarisation des intéressés.
Appauvrissement mécanique
« Un certain nombre d’allocataires de l’ASS vont mécaniquement s’appauvrir suite à la suppression de cette allocation », écrit Noam Léandri, conseiller référendaire à la Cour des Comptes et président du collectif, qui regroupe 34 réseaux associatifs issus du monde de la solidarité, du Secours catholique à l’Uniopss en passant par la Ligue des droits de l’Homme, ATD quart monde, Emmaüs France ou l’Armée du salut.
Concrètement, il ne s’agit pas d’une simple bascule financière censée soulager les caisses de l’assurance chômage de 2,1 millions d’euros en transférant la réalité du versement aux collectivités départementales – sans que l’exécutif n’ait pour l’heure annoncé de mesures compensatoires pour ces dernières – mais bien de la bascule des allocataires d’une allocation à une autre, qui ne répondent pas aux mêmes exigences. Or, observe le collectif, « si le montant du RSA est légèrement supérieur » à celui de l’ASS (607,75 € mensuels pour une personne seule contre 545,10 €), « cette allocation est par plusieurs aspects moins avantageuse ».
Les perdants de la bascule
Primo, si l’ASS entre dans l’assiette du calcul des cotisations retraites, ce n’est pas le cas du RSA. Dans ces conditions, le transfert d’une allocation à une autre aura des conséquences financières pour ses titulaires dont la moitié sont âgés de plus de 50 ans.
Deuxio, les ressources prises en compte pour le calcul du RSA étant plus larges (prise en compte notamment des APL), certains bénéficiaires actuels de l’ASS pourraient ne pas y être éligibles, « ce qui aurait des conséquences dévastatrices pour ces personnes, les plongeant probablement dans une précarité plus sévère », souligne Noam Léandri.
Tertio, ce transfert annoncé va s’effectuer dans le cadre de la réforme de France travail qui contraindra l’ensemble des allocataires du RSA à s’inscrire dans un contrat d’engagement pour un retour à l’emploi associé à 15 heures d’activités hebdomadaires.
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Sans compter les dispositions particulières. A commencer par celles valables pour environ 15 000 demandeurs d’emploi en situation de handicap qui pouvaient, par dérogation jusqu’à la fin 2026, cumuler ASS et RSA et perdront donc le bénéfice de la double allocation. Ou pour les chômeurs en couple, dont l’éligibilité au RSA dépendra des revenus du conjoint. « La fin de l’ASS risque de pousser des personnes déjà fragiles vers une situation encore plus précaire », s’alarme le collectif qui demande l’organisation d'une « large concertation » entre les pouvoirs publics et les acteurs de la solidarité en amont de l’entrée en vigueur de cette réforme.