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A Marseille, la crainte d’une crise humanitaire

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Marseille quartier nord

Photo illustration Marseille quartier nord

Crédit photo morane - stock.adobe.com
La cité phocéenne ne compte pas assez de logements sociaux pour accueillir des populations parmi les plus pauvres de France, qui se tournent vers un parc privé dégradé. La crise actuelle amplifie les inquiétudes.

« L’État a beaucoup fait pendant la crise sanitaire, avec plus de 1 000 places ouvertes, mais la demande est tellement forte », souffle Aurélie Ruibanys, directrice du CHRS (centre d’hébergement et de réinsertion sociale) Forbin, l’un des principaux lieux d’accueil marseillais pour les plus démunis. Ces dispositifs exceptionnels, qui ferment peu à peu, les hôtels et centres de vacances honorant leurs réservations, n’ont pas tari les besoins. « Cela fait prendre conscience de la réalité des chiffres », s’exaspère Florent Houdmon, directeur régional de la Fondation Abbé-Pierre.

A Marseille, le taux de pauvreté s’élève à 26 %, très marqué dans le centre-ville et les quartiers nord. Les 1er, 2e, 3e et 15e arrondissements font partie des six communes les plus pauvres de France selon l’Insee. Pour ce qui est des sans-abri, une étude, réalisée dans le cadre du projet d’accès aux soins des personnes sans abri (Assab) chiffre à 14 063 le nombre de personnes ayant été à la rue au moins une fois durant l’année 2016. Ce qui crée une forte tension sur la demande de logements sociaux. Une requête sur dix seulement est satisfaite, selon Florent Houdmon. Michel Peraldi, directeur de recherche au CNRS et auteur de plusieurs livres sur Marseille, note par ailleurs le faible taux de rotation : « Il n’y a pas de promotion sociale. »

Pourtant, sur le papier, la cité phocéenne compte 79 118 logements sociaux, soit un taux de 20 %, pas si loin de son obligation légale fixée à 25 %. Un chiffre trompeur, pour Michel Peraldi : « Depuis les années 1990, la politique HLM se repositionne sur des logements sociaux destinés aux classes moyennes ou aux étudiants, et non aux familles. Il n’y a pas de construction pour les pauvres, alors qu’il y en a beaucoup ici. »

 

Des carences en logement social

En témoignent les dispositifs d’urgence. Le 115 prend seulement 35 % des appels et donne une réponse favorable à la moitié des personnes au bout du fil. « Je suis en poste depuis un an et demi et mes 283 places ont toujours été prises », confie Aurélie Ruibanys. Camille Bernard, de la Fédération des acteurs de la solidarité Paca, reconnaît : « Nous appréhendons une augmentation des besoins avec des personnes qui, à cause de la crise, tombent dans la précarité. » Un ressenti qui s’appuie sur l’explosion des distributions alimentaires pendant le confinement. Pour Florent Houdmon, « on se dirige vers une crise humanitaire ».

A cela s’ajoute une répartition très inégalitaire entre le nord et le reste de la ville. Ainsi, le rapport publié en février par le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées relève les « carences de l’offre dans l’hypercentre » : « Ce périmètre est très dépourvu en logement social en dépit de ses taux de pauvreté élevés. Paradoxalement, son classement en QPV (quartier prioritaire de la politique de la ville) y exempte les projets immobiliers des quotas de logement social, ralentissant la production de logement à niveau de loyer adapté aux besoins des habitants. » Ce qui incite les personnes concernées à se tourner vers un parc privé dégradé.

« Une inaction politique »

C’est le cas dans le quartier de Noailles, qui jouxte la Canebière. Le 5 novembre 2018, deux immeubles s’y sont effondrés, faisant huit morts. Après ce drame, une vague d’évacuations et d’arrêtés de péril a frappé toute la ville. Depuis un an et demi, la mairie ne communique plus le nombre de délogés. A ce moment-là, ils étaient plus de 3 000 pour plus de 200 immeubles évacués. « Ces personnes sont prioritaires sur les logements sociaux, ce qui bloque de la place sur un parc déjà insuffisant », explique Camille Bernard.

« Nous payons des années d’inaction politique », tacle Florent Houdmon, qui se satisfait de voir une nouvelle maire, Michèle Rubirola, qui « ne voit pas le logement social comme un ennemi ». Mais le directeur reste prudent : « La responsabilité reste du côté de la Métropole, et le plan local d’urbanisme qui vient d’être réalisé ne répond pas à nos attentes. Car au-delà de Marseille, il faut raisonner en termes de bassin et les communes voisines ne jouent pas le jeu. »

La Métropole repousse régulièrement l’adoption de son programme local de l’habitat. Au grand regret de Pierre Dartout, préfet des Bouches-du-Rhône, qui a prévenu en début d’année qu’il appliquerait la loi SRU « sans état d’âme ». Selon tous les experts, le temps presse.

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