Quelques-unes montent pour récupérer des préservatifs ou du gel lubrifiant, d’autres pour boire une gorgée de café chaud et s’asseoir quelques minutes sur un bout de canapé. Toutes sont accueillies avec le sourire car, dans le camion blanc de Cabiria, qui emprunte une ou deux nuits et trois jours par semaine les rues de Lyon et les nationales alentour, les travailleuses du sexe sont les bienvenues.
Depuis 1993, l’association développe une action de santé communautaire à leur intention. Durant les tournées de nuit, les intervenantes de l’association partent à la rencontre des personnes prostituées avec pour mission principale de les sensibiliser aux maladies sexuellement transmissibles (VIH, hépatites), mais aussi diffuser des informations sur la contraception et les examens gynécologiques. « Certaines d’entre elles ne savent pas qu’elles peuvent accéder à des soins gratuits. Le but de ces tournées est de les inciter à se remettre dans le soin et de les orienter vers des dispositifs de droit commun », renseigne Orane Langjahr Thomas, infirmière au sein de Cabiria depuis août 2023.
En marge des sorties nocturnes, l’association organise aussi des permanences où se relaient deux animatrices de prévention, deux médiatrices culturelles et une infirmière pour réaliser des tests de dépistage ou les accompagner dans leurs démarches administratives liées aux soins (prises de rendez-vous chez un médecin généraliste par exemple). Sur le terrain et dans les locaux de l’association, la population concernée est quasi exclusivement composée de femmes étrangères, dont la grande majorité a suivi un parcours migratoire. « En ce moment les primo-arrivantes viennent de Guinée, du Nigéria, de Roumanie et surtout de République dominicaine, dont pas mal d’allophones. Heureusement, nous avons deux animatrices hispanophones pour lever la barrière de la langue », détaille l’infirmière.
A Lyon, Cabiria fait partie des très rares associations à aller vers ces travailleuses du sexe qui exercent dans la rue ou dans des camionnettes. Une ligne téléphonique d’urgence est également ouverte en permanence. « Ce qui compte, c’est qu’elles n’attendent pas d’aller mal pour se soigner et qu’elles aient le réflexe de se tourner vers nous en cas de problème, estime Orane Langjahr Thomas. Le bouche à oreille fonctionne d’ailleurs bien car dans 90 % des cas, les nouvelles arrivantes ont entendu parler de nous avant d’avoir pu grimper dans le camion. »
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