La prévalence des maladies psychiques chez les détenus est quatre à dix fois supérieure à celle de la population générale. Pour les sortants souffrant de ces troubles ou d’addictions, la libération représente une période de vulnérabilité particulièrement importante : elle marque une rupture avec les soins et l’accompagnement médico-social mis en place lors de la détention. Cette étape sensible nécessite donc d’être anticipée et préparée. C’est pour répondre à ces besoins que le centre hospitalier universitaire (CHU) de Lille a lancé, en septembre dernier, un dispositif d’équipe mobile transitionnelle (Emot).
Actuellement, des professionnels interviennent sur les sites de la maison d’arrêt de Sequedin, du centre pénitentiaire d’Annœullin et de l’unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA), dédiée à la prise en charge médicale des détenus, de Seclin. Ils proposent un accompagnement pluridisciplinaire faisant intervenir infirmières, assistantes sociales, éducateurs spécialisés et psychiatres. « Nous rencontrons les patients au minimum deux mois avant leur libération, afin de les connaître, de voir avec eux leur projet de sortie, renseigne Thomas Fovet, psychiatre au CHU de Lille et membre du dispositif. C’est à partir de là que nous coordonnons la libération. Une fois dehors, nous les contactons par téléphone et fixons des rendez-vous avec eux. Nous nous adaptons au projet du patient et à ses demandes. »
Premiers retours positifs
Les situations sont nombreuses : « Parfois, ces personnes sont accueillies dans des centres d’hébergement sans connaître la ville, explique Clara Narguet, assistante de service social à l’Emot. J’ai eu par exemple le cas d’un patient qui, avant son incarcération, vivait à Faches-Thumesnil et qui est désormais logé en urgence dans une structure à Roubaix. Ce qui, pour une personne avec des troubles psychiatriques, peut être perturbant car elle a souvent du mal à se repérer dans l’espace. Nous les aidons donc à s’approprier leur nouvel environnement. » Autre exemple livré par Thomas Fovet : « Nous avons des patients qui sont parfois réincarcérés pour des petits vols. Le plus souvent parce que leurs droits n’ont pas été remis à jour. Ils n’ont pas effectué leur demande de revenu de solidarité active ou pas transmis leurs papiers de sortie à la caisse d’allocations familiales et se retrouvent donc sans revenu. Nous servons d’intermédiaires et facilitons les choses pour éviter ces réincarcérations. »
L’accompagnement peut durer jusqu’à six mois après la sortie de prison et concerne actuellement une cinquantaine de personnes. Mais il n’y a aucune contrainte. Pour que cela fonctionne, la personne doit consentir à la prise en charge. Les premiers retours sont positifs. « Les personnes qui viennent de sortir du dispositif sont allées à tous leurs rendez-vous médicaux ou judiciaires, assure Clara Narguet. Il n’y a donc pas eu de risque de réincarcération pour non-respect du suivi. Il n’y a pas eu de rupture de soins ou de décompensation. Elles ont pris leur traitement tout le long du suivi. Or, sans l’équipe mobile, je ne sais pas si cela aurait été aussi fluide. »