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Carnet de liaison - « T’en penses quoi Indiana Jones ? »

Ceux qui nous prêtent leur plume sont travailleurs sociaux. Comme Flo avant eux, mais dans d’autres domaines, ils livrent des instants de leur quotidien. Merci à eux.

Madame Desvilles se présente à ma permanence pour compléter un formulaire, une sombre histoire de complémentaire santé solidaire avec, en prime, une facture indécente d’hôpital. Elle frise les 70 ans. Veuve depuis un an, c’est son mari qui gérait tous les papiers, d’où son embarras aujourd’hui de voir sa boîte aux lettres fleurir de factures : assurance vie, juridique, décès, portable… la moindre parcelle de ses possessions est assurée. Pas sûr qu’elle y soit gagnante, mais bon, je suis là pour l’informer et elle pour décider.

Entre deux cases à cocher, assistante sociale que je suis, je mène l’entretien qui ne peut se contenter d’une rencontre fortuite. Ainsi, elle prend le temps de me raconter sa jeunesse et cette enfant née dans un contexte compliqué qu’elle a dû confier à la DDASS. Elle évoque son mari qui ne voulait surtout pas entendre parler de sa vie d’avant, et qui n’a jamais cédé à son envie de reprendre sa fille perdue. Mme Desvilles pleure. Je fais le tour du bureau, ça me démange de la prendre dans mes bras. Mais je ne sais pas si c’est ce qu’elle voudrait. Alors je m’assieds juste près d’elle et lui prends la main. Elle tourne son visage larmoyant et son espoir fou vers moi et me dit : « Et si vous m’aidiez à la retrouver ? »

Nan, mais là c’est de l’archéologie. Les faits remontent à plus de cinquante ans ! En plus, c’est à l’autre bout de la France ! T’en penses quoi Indiana Jones ?

« S’il vous plaît, insiste-t-elle. Peut-être qu’elle accepterait de me rencontrer… »

Indiana Jones, sors de ce corps ! Où est mon chapeau déjà ?

Franchement, je ne sais pas dire non, c’est un vrai problème dans ma vie de tous les jours. Mais là, je n’ai même pas essayé. Son regard instillait en moi tout à coup une sorte de folie évidente. Elle est revenue avec des papiers conservés précieusement : un nom, un prénom, un département, un bilan scolaire, un CAP coiffure… On n’était plus dans un bureau mais dans une grosse bulle d’émotion. Et si elle venait à éclater, on pleurerait toutes les deux ! Ce qui est contreproductif, bien sûr. Nous passons quelques coups de fil dans des services qui nous passent d’autres services, puis d’autres pour finir par raccrocher. On parle beaucoup. On réfléchit à toutes les possibilités. Le soir, quand je rentre à la maison, je me surprends à chercher encore un moyen. Et puis, le jeton tombe et je me trouve bien stupide de ne pas y avoir pensé avant : les Pages jaunes ! Je tape son nom en espérant qu’elle ait conservé son nom patronymique. Et là, la page lumineuse de l’ordi s’affiche avec son prénom, une adresse et un numéro de téléphone… Mme Desvilles referme sa main sur le Post-it où sont affichées ces informations. On se regarde juste. Tout est dit.

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