En 2021, plus de 22 000 personnes vivaient encore dans des bidonvilles en France, selon la Dihal (délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement). Parmi elles, plus de 12 342 ressortissants européens venant de Roumanie et de Bulgarie. Nulle donnée sur les femmes n’apparaît dans ce bilan de mi-parcours. Créée en 2014 en Ile-de-France dans l’objectif de réinsérer les familles vers l’emploi et le logement, l’association Acina (Accueil, coopération, insertion pour les nouveaux arrivants) a justement décidé de s’intéresser de plus près à elles en lançant, en 2020, le projet « Femmes ». A mesure que l’association a augmenté le nombre de ses interventions, leur moindre participation aux actions d’insertion professionnelle par rapport aux hommes, au-delà de l’accès aux droits, est devenue très nette. « Les travailleurs sociaux se sont demandé comment répondre à cet écart », explique Lana Breuzé, chargée de coordination du projet.
Spécialisée dans l’« aller vers », l’association constate qu’il est « difficile de faire sortir les femmes de leur lieu de vie pour venir au siège de l’association », précise Manuela Casalone, directrice de l’antenne parisienne d’Acina. Ce qui n’est pas forcément la marque d’un manque d’intérêt mais le résultat de divers freins : méconnaissance de leurs droits et du monde de l’emploi, barrière de la langue, rôles assignés au genre au sein de leur communauté… L’idée d’organiser des « journées femmes » qui leur seraient réservées s’est alors imposée afin « d’ouvrir des espaces de parole et de discussion qui n’existaient pas », indique Lana Breuzé.
Ces espaces non mixtes ont permis de créer des moments conviviaux, comme lors d’une journée ayant pour thème « la féminité » où les femmes de chambre de l’hôtel Ibis Batignolles sont venues raconter leur grève pour améliorer leurs conditions de travail et leurs salaires. Au cours d’une autre rencontre, consacrée à la vie quotidienne en bidonville, des participantes ont pu s’essayer à la composition de bouquets et ainsi découvrir le métier de fleuriste. Une autre journée, abordant les freins à l’emploi, a démarré par une activité de crochet et s’est conclue par une rencontre avec une rappeuse.
Une « atmosphère de confiance »
Ces opportunités « permettent de découvrir un collectif, des emplois qu’elles n’auraient jamais imaginés de travailler sur leurs savoir-faire, ou savoir-être », précise Manuela Casalone. Mais aussi d’évoquer leurs préoccupations plus urgentes, jouant un rôle important dans leurs démarches d’insertion. « Elles témoignent de leurs problèmes de garde d’enfant, de difficultés liées au manque d’installations sanitaires sur leur lieu de vie. Il faut qu’on réponde à ces besoins-là », ajoute la travailleuse sociale.
Plus le temps passe, et plus l’association, initialement concentrée sur l’accès aux droits et l’insertion professionnelle, étoffe en conséquence le contenu de ses interventions. Sur chacune de ses antennes à l’échelle des départements d’Ile-de-France, Acina souhaite désormais qu’un atelier collectif soit organisé chaque mois pour répondre aux diverses attentes des femmes. Au programme : des ateliers couture de protections hygiéniques lavables, des cours de jardinage, de cuisine… Déjà bien développés, les ateliers socio-esthétiques récoltent de « super retours », confie Sarah Berthelot, directrice de l’association : « Les femmes vont se confier sur des sujets tabous, comme les grossesses précoces, ou leurs problèmes de santé féminine. » Le signe d’une « atmosphère de confiance », chère à l’association. Qui revendique aujourd’hui davantage de femmes en suivi socio-professionnel ou en emploi, notamment en structure d’insertion par l’activité économique.
