Océane doit-elle faire la bise à son tout nouveau collègue Stéphane à qui elle est chargée de faire visiter son atelier ou plutôt lui serrer la main ? Une fois leurs sentiments réciproques dévoilés, devra-elle s’ouvrir aux curieux de la teneur de leur vie intime ? En répondant à ces questions, les joueurs du serious game « Ils s’aiment et plus si affinités ! », découvrent l’histoire de deux personnes travaillant en Esat au travers de 15 séquences animées. Ils peuvent ainsi se mettre à la place de quatre personnages de genre et d’orientations sexuelles différents.
« Le jeu permet de leur apprendre ce qui les attend ou de comprendre ce qu’ils vivent déjà », résume Christophe, qui a confirmé avec ce projet pédagogique son intérêt pour l’animation vidéo et a rejoint depuis le nouvel atelier numérique de son établissement. Les auteurs du jeu ont travaillé sous la houlette du centre de formation régional Etapes de Lingolsheim, structure de l’Adapei Papillons blancs d’Alsace, spécialisée dans la formation des travailleurs d’Esat. « Nous organisions déjà des modules sur la vie affective, relationnelle et sexuelle depuis 2016, relate Isabelle Filliatreau, chargée de mission d’Etapes qui a accompagné le groupe. Mais comme nous avons vite été confrontés au manque de places sur ces sessions, nous avons réfléchi à partir de 2018 à un jeu accessible à tous. » Pendant quatre ans, les travailleurs ont pris les décisions éditoriales ensemble, du choix des personnages au casting des voix off, en passant par l’écriture des dialogues et du scénario. « Il fallait faire attention à trouver les mots justes », confie Saïd. Le début du scénario est inspiré de sa propre rencontre avec une stagiaire à qui il avait dû présenter son atelier mécanique.
Outil de prévention
« Cet outil convient pour une première sensibilisation, souligne Isabelle Filliatreau, mais il ne remplace pas un accompagnement réflexif à plus long terme par des professionnels. » Le serious game, pensé en facile à lire et à comprendre (Falc), aborde de nombreux sujets comme la reconnaissance de ses émotions, la différence entre amour et amitié, les compromis de la vie de couple, la sexualité, l’hygiène, la contraception, la parentalité mais aussi les violences sexuelles et les disputes. « En filigrane, la question du consentement se joue tout au long du scénario », complète Isabelle Filliatreau. Les mises en situation sont autant d’occasions d’orienter les joueurs vers des instances ressources, personnels de santé ou numéros verts.
« Ce jeu peut être travaillé même avec des personnes qui n’ont pas accès au langage », salue David Boulhaut, coordinateur du réseau alsacien Vrais (vie relationnelle, affective, intime et sexuelle), éducateur spécialisé et sexothérapeute auprès de personnes porteuses de handicap mental. « Les personnages parlent doucement et avec des mots simples. La participation active est bien plus intéressante que les outils écrits tirés de sites spécialisés que les professionnels n’adaptent pas toujours par manque de temps », poursuit-il. Lui le propose aussi bien à des patients de sexothérapie en autonomie sur smartphone ou ordinateur qu’en collectif dans les groupes de parole qu’il anime en service d’accompagnement à la vie sociale : « Les questions ouvrent des discussions sur des choses qui les taraudent ou sur lesquelles ils pourraient se mettre en danger. » Un outil de prévention bienvenu, alors que les personnes en situation de handicap sont les plus fortement exposées aux violences sexuelles.