L’enjeu est récurrent au sein des hôtels sociaux. Faute d’espace et de matériel, les structures n’offrent souvent pas aux personnes hébergées la possibilité de cuisiner. « La problématique est plus ou moins forte selon les endroits. Parfois, il y a une plaque de cuisson et un micro-ondes dans la chambre ; d’autres fois, il n’y a que deux micro-ondes pour 100 familles », expose Morgan Herbeth. Le professionnel est chargé au sein de l’Armée du salut de la coordination d’un camion mobile équipé de cuisines partagées. Déployé en partenariat avec le Samu social de Paris, ce dispositif vise à apporter une alternative aux publics hébergés. Depuis novembre dernier, des familles viennent ainsi y cuisiner leurs repas pour la semaine qu’elles peuvent conserver dans des contenants et des glacières. « Depuis que je vais au camion, je suis sûre de proposer à manger à mon fils quand il rentre de l’école. Je ne suis plus stressée comme avant », témoigne Christelle Diigna, qui avait perdu l’habitude de cuisiner. « L’hôtel a une cuisine, mais on ne peut y accéder que le weekend et pour très peu de temps », complète-t-elle.
Conçu sur mesure, le véhicule s’installe deux fois par semaine aux abords du marché Popincourt, dans le XIe arrondissement de Paris. Un lieu stratégique qui permet un raccordement simultané à l’eau et à l’électricité et cible trois hôtels sociaux à proximité. Sur place, les bénéficiaires accueillies par des bénévoles ont accès à une batterie d’ustensiles, ainsi qu’à des denrées sèches et des épices. Toutefois, elles rapportent les produits périssables : légumes, viande ou poisson. Au départ, des plages de deux heures étaient proposées, mais les participantes ont émis le souhait de pouvoir occuper le local une heure de plus. « Elles nous ont expliqué avoir besoin de davantage de temps pour cuisiner le plus possible, rapporte Morgan Herbeth. Nous avons donc rallongé les créneaux. »
Limites techniques
Le camion mobile s’inscrit dans la continuité d’un projet similaire initié en 2020 au Palais de la femme, un centre d’hébergement de l’Armée du salut. « A l’époque, il y avait un self que les personnes accompagnées ont souhaité transformer en cuisine collective », détaille Morgan Herbeth. Aujourd’hui, 50 participants et participantes bénéficient de cet espace de 126 m2, pour l’essentiel des familles avec enfants. « La mise en place du dispositif mobile nous a permis de nous déplacer dans l’arrondissement et de viser les établissements qui en avaient besoin », souligne le chargé de coordination, rappelant que « le XIe est le deuxième arrondissement de Paris avec le plus d’hôtels sociaux, après le XVIIIe ».
Sur les 170 ménages des trois hôtels aux environs du marché Popincourt, seules huit femmes bénéficient du dispositif pour le moment. L’équipe aimerait toucher plus de monde en proposant davantage de créneaux, mais elle est limitée d’un point de vue technique. « Nous sommes contraints de partir, car nous dépendons des horaires du marché et des services de la propreté. » Néanmoins, le camion pourrait prendre ses quartiers dans d’autres endroits de la capitale. Les associations attendent l’aval de la Ville pour s’installer dans le XIIIe et cibler les résidents d’un hôtel de 178 familles doté seulement de deux fours micro-ondes. « On nous attend avec grande impatience », résume Morgan Herbeth.
