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Logement d'abord : une formation et un diplôme universitaire pour transformer ses pratiques

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Crédit photo Pascal Bastien
Le plan pour le Logement d’abord et la lutte contre le sans-abrisme ont favorisé le développement d’une offre de formation jusque-là balbutiante. Au cœur des programmes : la transformation des pratiques professionnelles.

La philosophie du Logement d’abord, qui inverse les logi­ques d’insertion classiques en proposant un accès direct au logement, est apparue en 2011 avec le premier dispositif expérimental « Un chez-soi d’abord ». Mais il faut bien admettre que le plan quinquennal 2018-2022, avec 46 territoires engagés dans une mise en œuvre accélérée, lui a donné une nouvelle impulsion. Avec lui, la formation, inscrite aux objectifs, s’est considérablement étoffée. « Le mouvement, qui constitue une évolution majeure, est engagé depuis des années. Mais il faut ancrer les pratiques des professionnels, leur permettre de s’approprier les principes et les méthodes, appuie Moufid Rmiki, chef de projet à la mission « accompagnement, parcours, accès au logement » de la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (Dihal). Il y a encore des marges de progrès pour les infuser auprès des salariés du secteur, mais aussi de l’ensemble des acteurs du logement, comme les élus et les bailleurs sociaux. »

La rentrée de 2020 a ainsi vu la naissance à Lyon du premier – et seul à ce jour – diplôme universitaire (DU). Porté par l’université Lumière Lyon 2 et l’observatoire de santé mentale Orspere-Samdarra, il émane de la rencontre de militants, professionnels et chercheurs d’une dizaine de structures conscientes des évolutions en cours(1). « Chacun sentait que la politique allait devenir majoritaire. Il fallait former dans une approche réflexive, explique Nicolas Chambon, maître de conférences associé, co-responsable de la formation. Le Logement d’abord est un réel changement de paradigme. Il présume une capacité à habiter de chacun et place de manière radicale la personne accompagnée au centre des modalités d’intervention. Il implique de travailler ensemble, entre élus des collectivités, intervenants des structures d’insertion, de l’hébergement et du logement, bailleurs sociaux… »

L’expérimentation du « Chez-soi d’abord » avait été imaginée de manière idéale et théorique. Ce diplôme allait permettre de penser la transformation des pratiques, de l’organisationnel et de la philosophie d’accompagnement. Réparti sur un an, à raison de trois jours par mois, le DU de 168 heures comprend quatre modules. D’abord, la théorie, les controverses et les enjeux. Ensuite, la pluralité des modes d’habiter, d’un point de vue socio-anthropologique. Dans ce cadre, un tiers des interventions prévues le sont avec des pairs-aidants, en binôme avec des professionnels ou des chercheurs. Troisième point : la connaissance des publics, caractérisée par l’hétérogénéité de la figure du sans-abri. Enfin, les pratiques. « Il s’agit de faire monter en compétences les professionnels, de les outiller sur la réduction des risques et des dommages, sur le rétablissement en santé mentale ou sur le développement du pouvoir d’agir en dépassant les logiques de concurrence entre domaines d’intervention. » Autre enjeu, abordé dans les modules 3 et 4 : la compréhension des problématiques immobilières, avec l’intervention de bailleurs sociaux.

Ancrage territorial

Si la politique du Logement d’abord est nationale, son application est confiée aux territoires. Et l’offre de formation suit essentiellement cette logique. La plupart des lieux de mise en œuvre accélérée ont initié des formations, soutenues par la Dihal. A Montpellier, l’Uriopss Occitanie est à la manœuvre. Dans les Hauts-de-France, c’est le Pôle ressources, recherche, formations en action sociale (Prefas) qui pilote. Rassemblant différents établissements de formation en travail social, il a été sollicité par l’Etat. Donatienne Galliot, responsable de formation à l’institut régional du travail social (IRTS) Hauts-de-France, a coordonné la construction et l’élaboration des contenus de formation avec l’ensemble des organismes engagés dans la dynamique : « Il s’agissait d’abord de mener une recherche sur le Logement d’abord dans les Hauts-de-France ; ensuite, d’organiser une journée régionale qui rassemblait tous les acteurs du sujet ; enfin, ces travaux ont permis la création de formations lancées en octobre 2021. »

Cinq sessions de trois jours ont été programmées jusqu’en novembre 2022, à Lille, Amiens, Arras, Dunkerque, mais également à Maubeuge, qui ne fait pas partie des territoires inscrits dans le plan. « Les dynamiques étant très différentes selon les secteurs des Hauts-de-France, nous avons choisi de territorialiser les sessions, explique Donatienne Galliot. Permettant ainsi d’être au plus près des besoins des acteurs du logement, pour créer de l’interconnaissance, impulser ou soutenir un réseau. » La formation constitue parfois le point de départ ou au moins de renforcement d’une dynamique entre partenaires présents.

A ce jour, près de 300 personnes ont participé aux formations. « Un franc succès » qui a convaincu l’Etat et les collectivités, comme la Métropole européenne de Lille ou la communauté urbaine de Dunkerque, de financer cinq nouvelles sessions. Au programme : la philosophie du Logement d’abord, la connaissance des publics et de leur parcours, et un travail sur les pratiques professionnelles. Un prolongement sera proposé aux stagiaires qui le souhaitent à la rentrée : deux demi-journées consacrées à l’analyse des situations rencontrées et au maintien de la veille sociale sur les différents dispositifs. « A terme, on aimerait faire reconnaître cette formation au répertoire spécifique. Ce qui nécessitera de développer les contenus sur plusieurs jours. Avec l’idée, aussi, de les modéliser pour que chaque établissement de formation en travail social puisse les proposer », explique Donatienne Galliot, convaincue de l’intérêt de la démarche et de la satisfaction des stagiaires.

Evolution des contenus et des publics

A l’Unafo (Union professionnelle du logement accompagné), le principe du Logement d’abord se répand dans la plupart des formations depuis quelque temps déjà. Mais le plan quinquennal a largement fait évoluer les contenus. « Il a permis de questionner les pratiques professionnelles. Certaines étaient déjà en œuvre, mais pas avec les mêmes mots, explique Koudiev Sidibé, responsable de l’organisme de formation. Dans les territoires, de nouvelles dispositions sont apparues, comme la nécessité de renforcer les partenariats avec les acteurs : comment faire, par exemple, en tant que travailleur social, pour que le que le service intégré d’accueil et d’orientation devienne mon partenaire clé ; la nécessité de revoir les postures, en accordant une place importante à la personne accompagnée. » L’une d’entre elles, intitulée « Accompagner les personnes logées en résidences sociales : Logement d’abord et nouvelles postures professionnelles », aborde précisément ces questions. « On organise une session à Paris et en régions dans laquelle on intègre les particularités locales, précise Koudiev Sidibé. L’idée étant de proposer une formation professionnalisante, qui peut se traduire en compétences professionnelles. »

Si les contenus ont évolué, le public aussi. En 2019, l’Unafo accueillait d’abord des responsables d’établissement, désireux de décrypter la politique publique. Désormais, elle forme des intervenants sociaux de tous bords. « En plus de nos stagiaires habituels, professionnels du logement accompagné, nous recevons des personnels des structures d’hébergement, amenés à transformer un centre d’hébergement et de réinsertion sociale en pension de famille ou en résidence sociale, poursuit Koudiev Sidibé. Nous formons aussi des bailleurs sociaux, qui intègrent dans leur organisation une cellule d’accompagnement des locataires. »

Ces différentes formations devraient continuer à se structurer, dans le cadre notamment de la création du Centre national de ressources en travail social, qui entend mettre à disposition des kits de formation sur le Logement d’abord.

L’Afpa préconise l’analyse des pratiques

Sollicitée par l’Etat, l’Association pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) a remis, en juin dernier, une étude prospective sur le Logement d’abord et notamment sur les besoins en formation. Elle préconise, entre autres, de mieux diffuser l’offre de formation disponible sur les territoires, en l’estampillant « Logement d’abord ». Elle propose également de mettre en place des groupes d’analyse des pratiques à visée apprenante : « Ce sont d’excellents leviers d’évolution des pratiques professionnelles. » L’Afpa note par ailleurs que les formations inter-structures ou inter-institutions, qui favorisent la rencontre des acteurs, sont particulièrement adaptées : « Elles facilitent les partenariats à venir. »

Notes

(1) Fédération des acteurs de la solidarité Auvergne-Rhône-Alpes, collectif « Soif de connaissances », réseau « Aux frontières du sans-abrisme », chaire Publics des politiques sociales…

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