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A Saint-Germain-la-Ville, l'Ehpad Résidence du parc recherche désespérément une directrice

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Françoise Desimpel, la directrice, discute de son départ avec une résidente de l'établissement.

Crédit photo vincent Wartner / COLLECTIF DR
Après dix-huit ans d’engagement, Françoise Desimpel, directrice de l’Ehpad Résidence du parc, à Saint-Germain-la-Ville (Marne), part à la retraite début avril. Un départ difficile à vivre pour les professionnels et les résidents, notamment parce que son remplacement reste provisoire.

Saint-Germain-la-Ville est une commune rurale de la Marne comme il y en a des milliers en France. Située à une dizaine de kilomètres de Châlons-en-Champagne, elle voit ses services fermer les uns après les autres. Reste l’usine de craie Omyacolor, qui fait la fierté de la centaine d’habitants. A l’entrée du village, un immense panneau informe les voyageurs : « Ici, sont fabriquées les craies des écoliers du monde entier. » Pour le reste, ni école, ni bureau de tabac. Mais une autre structure permet à la commune de faire régulièrement la une du journal local : la Résidence du parc, sa maison de retraite. Dirigé depuis dix-huit ans par Françoise Desim­pel, cet établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) s’avère, en effet, particulièrement dynamique.

Mais pour combien de temps encore ? La question se pose car il règne ici un lourd climat d’incertitude autour de la succession de cette directrice. Si son départ à la retraite est acté pour le début du mois d’avril, dans l’immédiat, seule une solution intérimaire a été trouvée. De quoi inquiéter professionnels, résidents et familles de cet établissement public autonome.

Pourtant, sur place, la vie suit son cours. Malgré une pluie fine et les allées et venues de pompiers et autres urgentistes, rien ne semble perturber le quotidien des personnes âgées. C’est la pause-café matinale. D’un côté, quelques résidents participent à un loto un peu décousu, de l’autre une aide-soignante lit l’actualité du jour. Au sommaire : « La tempête Franklin sème la pagaille. » Immédiatement, certains habitants font le rapprochement avec celle de 1999, qui avait dévasté la commune. Un peu plus loin, Marine, professeure d’activités physiques adaptées, donne son cours de gym assise. Une matinée comme celle-ci, Françoise De­simpel en a connu un nombre incalculable au cours de sa carrière. Seule nouveauté : les cartons qui commencent à s’entasser dans son bureau. « En dix-huit ans, j’ai eu le temps d’accumuler des souvenirs, s’amuse-t-elle. Et puis avec deux ans de crise sanitaire, je n’ai pas tellement eu le temps de faire le tri non plus. »

Pas de blouse blanche

A quelques semaines du grand départ, l’heure n’est pas encore aux embrassades ni aux au revoir. L’idée que tout ce qu’elle a bâti ces dernières années se termine du jour au lendemain mine cette professionnelle. En effet, si le décor s’apparente à celui de beaucoup d’autres structures, avec les mêmes résidents et professionnels, la Résidence du parc n’a rien d’un établissement ordinaire.

La structure s’est agrandie au fur et à mesure et compte désormais, outre les 100 places des résidents, une place d’hébergement temporaire, un accueil de jour de 9 places, un pôle d’activités et de soins adaptés (Pasa) et un service de soins infirmiers à domicile (Ssiad) de 28 places. L’établissement dispose aussi d’un dispositif d’accompagnement la nuit : le Noctambule (voir encadré page 22). « En fait, nous sommes un peu l’Ehpad du futur avant l’heure, note Françoise Desimpel. Depuis début 2020, nous avons également un service de relayage à domicile. C’est-à-dire que certains professionnels se rendent au domicile des personnes âgées afin de permettre à leurs aidants de souffler sur une période allant de quatre heures à trois jours. »

Bâtir un tel projet nécessite du temps, ce qui n’est pas chose courante dans le secteur. « Ma longévité est assez atypique. Généralement, les directeurs changent assez rapidement de poste pour faire carrière, pour obtenir une promotion, souligne la directrice. J’ai 66 ans et quatre enfants. J’aurais pu faire valoir mes droits à la retraite depuis 2012. Mais je suis restée car je suis passionnée. » Cet enthousiasme colore l’ensemble de l’établissement.

A l’heure du déjeuner, la bonne humeur est de mise. Au menu : chou rouge aux pommes, fricassée de dinde avec riz, plateau de fromages et yaourt aromatisé. En tête à tête ou en petits groupes, les résidents apprécient d’autant plus le repas qu’ils en préparent une partie au cours de différents ateliers culinaires. « Nous ne sommes pas hygiénistes. Ici, ce que les personnes âgées préparent, elles le mangent. Ce n’est pas jeté comme dans d’autres Ehpad », explique Julien Launey, assistant de soins en gérontologie. Le principe étant de considérer l’établissement comme un lieu de vie, et non de soins. « Nous ne sommes pas un mini-hôpital, plastronne Françoise Desimpel. Par exemple, personne ne porte de blouse blanche. »

L’abandon de la blouse est l’un des critères de la labellisation Humanitude(1), obtenue en décembre 2018 et qui fait la fierté des salariés. A tel point que ceux-ci craignent que cette démarche disparaisse avec le départ de la directrice. « Cela fait des années que nous l’avons mise en place et nous y sommes très attachés, confie Christelle Gérard, aide-soignante. C’est une réelle plus-value d’accompagnement. Nous nous mettons au rythme du résident, et non l’inverse. C’est essentiel et nous ne voulons pas revenir en arrière. »

D’autant que, comme l’explique Karima De Araujo, aide-soignante et référente Humanitude, « cette labellisation valorise l’établissement. Les professionnels veulent venir travailler ici ».

Pour sa part, Françoise Desimpel considère qu’un tel label ne change pas la qualité du travail, mais permet de reconnaître les efforts fournis depuis des années. Le plus important étant, selon elle, que la future direction ne bride pas les équipes : « Il faut surtout que le prochain directeur maintienne les possibilités d’action, d’intervention. Par exemple, récemment, nous avons autorisé deux résidents à se rendre au cinéma. De même, nous avons organisé la Saint-Valentin dans les locaux. C’est une richesse, j’espère que cela continuera après mon départ. »

Car si la directrice aime son travail, son enthousiasme n’est pas sans limite. Fin 2019, elle annonce son souhait de partir à la retraite, puis trouve un arrangement avec l’agence régionale de santé (ARS) et le conseil départemental de la Marne pour former son successeur et l’aider dans la transition. La crise sanitaire a chamboulé tous les plans. Alors que son départ était acté au 1er janvier 2021, elle décide de rempiler pour une année supplémentaire. « C’était inimaginable pour moi de partir dans ces conditions. On sortait à peine de la deuxième vague. Je suis restée mais je ne pensais pas que cette dernière année serait une telle descente aux enfers. » Car lui trouver un remplaçant représente un vrai chemin de croix.

Sa nouvelle demande de départ à la retraite a été effectuée début septembre 2021. Mais le Centre national de gestion (CNG), qui gère les directeurs et les praticiens hospitaliers, ne l’ayant pas prise en compte immédiatement, l’avis de vacance n’a été mis en ligne au Journal officiel que le 23 novembre dernier. A l’heure actuelle, il n’y a toujours aucun candidat. Début avril, une directrice intérimaire assurera le poste. Il s’agit de l’actuelle directrice adjointe de l’hôpital de Châlons-en-Champagne, en charge du pôle gériatrique, comme en a décidé l’ARS. « Certaines collègues avaient manifesté leur intérêt, mais elles se sont désistées parce que le poste est trop lourd, assure Françoise Desimpel. Je peux le comprendre d’une certaine façon. C’est un établissement autonome, donc le directeur est relativement seul. La barre est haute. » Pour Karima Benachoura, infirmière, l’inquiétude monte : « Son départ nous attriste. On apprécie ses valeurs humaines. Sa porte est toujours ouverte. Elle est à l’écoute et dans l’échange, même quand on n’est pas d’accord. Elle respecte les positions des uns et des autres. On sait qui on perd, mais on ne sait pas qui on va retrouver. »

Un métier peu attirant

En dix-huit ans, Françoise Desimpel a eu le temps de créer des liens forts avec ses équipes. « Je n’ai jamais connu de directeur qui reste parfois jusqu’à une heure du matin, qui travaille les week-ends pour gérer l’établissement et demander des subventions aux pouvoirs publics, loue Julien Launey. Dans les autres structures, les directeurs sont invisibles. Ici, elle fait partie des meubles. D’où la complexité de trouver une personne ayant les épaules assez larges pour continuer tout ce qu’elle a mis en place. » Au-delà de la charge de travail, l’absence de candidature s’explique par le manque d’étudiants en formation, par la faible rémunération des directeurs, qui pousse les nouveaux diplômés à postuler à l’hôpital, ou encore par les relations compliquées avec les ARS. La situation de l’Ehpad de Saint-Germain-la-Ville n’est pas unique en France. « Sur la trentaine de postes vacants publiés au J.O. le même jour, treize n’ont reçu aucune candidature. Directeur d’Ehpad n’est pas un métier qui attire », confirme la future retraitée.

L’autre raison – la principale ? – est liée à la situation géographique de l’établissement. Françoise Desimpel habite à Troyes. Tous les jours, pour son travail, elle parcourt 160 kilomètres aller-retour. Si Reims et Châlons-en-Champagne ne sont pas si éloignés, la nouvelle génération ne semble pas prête à fournir les mêmes efforts. « Historiquement, les établissements accueillant des personnes âgées sont plutôt en zone rurale, pointe la directrice. Mécaniquement, la problématique va s’intensifier. Au moment d’entrer en formation, la donne est connue mais, une fois diplômés, les nouveaux directeurs se tournent très majoritairement vers la ville et les grosses structures. »

A la Résidence du parc, la date-butoir approche. « Ma mère est ici depuis dix ans. Je n’ai jamais eu à me plaindre. S’il nous arrive de râler, nous sommes obligés de reconnaître le travail accompli. La priorité ici est le bien-être de la personne âgée. C’est inestimable », confie Françoise Drouin, fille de résidente et membre du conseil de la vie sociale. De son côté, une des résidentes, au bord des larmes, ne tarit pas d’éloges sur la directrice : « Elle est très compréhensive et prend bien soin de ses résidents. Je ne sais pas si ce sera le cas ensuite. J’ai très peur. Je vais beaucoup la regretter. » Certainement le plus bel hommage.

Le Noctambule, pour apprivoiser la nuit

En 2011, confrontée en interne à de nombreuses difficultés (troubles du sommeil, errance, manque de personnel…), Françoise Desimpel décide d’expérimenter un dispositif individualisé d’accompagnement des résidents la nuit : le Noctambule. Cet espace dédié à l’ambiance apaisante ouvre ses portes à 19 h 30. Jeux, pliage de linge, ateliers pâtisserie, poupées d’empathie, séances Snoezelen… Un professionnel en pyjama propose des activités afin d’évacuer stress et agressivité. L’une de ses missions consiste à guetter le moment où les résidents doivent aller dormir, chacun d’eux ayant son propre rythme de sommeil. A partir de 21 h 30, une collation est proposée pour éviter le jeûne nocturne des plus couche-tard (en moyenne 12 résidents par soir). Et quand l’heure arrive, une aide-soignante le remplace le temps d’aller installer le résident dans son lit. La salle reste ouverte toute la nuit pour gérer les insomnies et le professionnel repart à 9 h 30, après avoir effectué un bilan avec l’équipe du matin. Depuis sa mise en place, la qualité du sommeil des personnes âgées est bien meilleure. « On constate surtout une diminution des prises de psychotropes, des hospitalisations de nuit et du stress des aides-soignantes », pointe la directrice.

Notes

(1) Voir ASH n° 3167 du 3-07-20, p. 8.

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