Un « gymnase à inclusion inversée ». C’est ainsi que Madjid Farahi aime qualifier le nouvel équipement de l’IME (institut médico-éducatif) géré par l’Association châlonnaise de parents et amis de personnes déficientes intellectuelles (Acpei). Directeur général de l’association, il rappelle, pour justifier cette expression, les propos d’une maman experte : « S’ils ne veulent pas de nos gamins, nous, on veut bien des leurs ! » Car cet équipement est un gymnase high-tech, adapté aux besoins des enfants de l’établissement, mais qui vise aussi à accueillir ceux de l’Education nationale pour des activités partagées.
Le bâtiment est sorti de terre suite à deux constats. « Voir les enfants courir et jouer dehors par des températures négatives me faisait frémir, explique Madjid Fahari. Un matin, j’ai croisé le prof de sport qui transportait dans deux grands sacs des cordes pour délimiter l’espace de jeu. Sans elles, les enfants étaient perdus, désorientés par les différents tracés de couleur dans les gymnases classiques. »
L’activité physique constituant l’un des axes forts de l’accompagnement proposé à l’Acpei, une demande d’aide à l’investissement est donc déposée, dès 2015, auprès de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), pour un projet d’environ 500 000 €. L’association en obtiendra 40 % et sollicitera d’autres aides. Car entretemps, le projet a pris de l’ampleur. « Quand s’est posée la question du marquage au sol, j’ai repensé aux cordes, reprend Madjid Fahari. Marc Truffaut, l’un de nos directeurs est président de la Fédération française du sport adapté. Il nous a parlé d’un sol de gymnase éclairé par des led en Allemagne. » Cette technologie permet de n’afficher que le tracé du jeu que l’on veut pratiquer – basket ou volley – ou, au contraire, de diviser l’espace. Le tout, avec un éclairage modulable, pour n’effrayer personne.
Modularité et interactivité
Dans le même temps, l’association entend parler du Lü, un mur interactif conçu par une société canadienne qui favoriserait les apprentissages et développerait l’acuité sensorielle des enfants. Il est donc intégré au gymnase qui, Covid oblige, n’a été ouvert au public que le 25 novembre 2021. Inauguré en présence de Marie-Amélie Le Fur, présidente du Comité paralympique et sportif français, il porte le nom de Daniel Royer, champion multimédaillé de sport adapté et… travailleur de l’Esat de l’Acpei. Car l’association gère en tout une dizaine d’établissements et services fréquentés par quelque 490 usagers.
« C’est un outil extraordinaire, c’est indéniable, note Florian Vlaeminck, l’un des deux éducateurs sportifs de l’IME. Sur le sol, on peut projeter des formes : étoile, triangle, carré, rectangle ou rond, et les utiliser comme maison ou prison pour des jeux. Le mur permet aussi bien d’organiser des courses de relais que d’apprendre les microbes ou de se calmer avec une histoire. » Le mur émet, en effet, des sons et des lumières. Comme un bruit de buzzer pour une mauvaise réponse et des étincelles pour le bon résultat, les réponses étant, elles, choisies avec un ballon ou avec sa main. Les élèves des établissements voisins ont aussi commencé à fréquenter le gymnase, conformément au projet de l’Acpei et à son « inclusion inversée ». « Plus jeune on est confronté au handicap, moins on en a peur. C’est ainsi qu’on fait tomber les préjugés », rappelle Madjid Fahari.