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Apprentissage : un nouveau défi pour les établissements

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Crédit photo Pascal Bastien
Alors que le secteur social et médico-social recourait peu aux formations en alternance, celles-ci s’y développent désormais à vitesse grand V. Mais l’accueil, l’accompagnement et l’encadrement des apprentis, jeunes salariés d’un nouveau genre, ne s’improvisent pas.

Le développement de l’apprentissage dans le social et le médico-social, une évidence ? « Structurellement, le secteur connaît de fortes tensions, en particulier pour les métiers d’aides-soignants et de l’accompagnement éducatif et social, constate Sylviane Leclercq, responsable du développement de l’alternance à l’Opco santé, opérateur de compétences du secteur sanitaire, social et médico-social privé à but non lucratif. Il est certain que la pénurie de diplômés favorise ce mode d’insertion. » Autre raison – non négligeable – de cette croissance : les aides exceptionnelles de l’Etat (de 5 000 € à 8 000 € par apprenti) votées dans le cadre du dispositif « 1 jeune, 1 solution » jusqu’au 30 juin 2022. « En 2020, nous comptions environ 7 000 contrats, et nous en étions déjà à 10 000 au début décembre 2021 », souligne Sylviane Leclercq. Certaines associations comme la Croix-Rouge ont même ouvert leurs propres centres de formation d’apprentis (CFA). Or l’arrivée des alternants dans les équipes place les établissements face à un nouveau défi. Un de plus, dans un contexte de surcharge de travail qui ne permet pas toujours une intégration sereine et bien préparée. Personnage clé de la réussite : le maître d’apprentissage, qui peut, en fonction des diplômes préparés, accompagner le jeune en formation pendant plusieurs années.

Dans la pratique, même si l’on se dirige vers une certaine professionnalisation des maîtres d’apprentissage (voir encadré), cet accompagnement des apprentis comme des stagiaires ne fait pas toujours – c’est un euphémisme – l’objet d’une vigilance suffisante. La tentation de les considérer comme des salariés à part entière sans consacrer autant de temps qu’il se doit à leur intégration et à leur progression pédagogique est patente dans certains établissements. Pour Jalal Zoggagh, éducateur spécialisé, qui, après une longue expérience de maître d’apprentissage, se consacre depuis la rentrée 2021 à la formation des tuteurs au sein de l’Institut Saint-Laurent, à Lyon, l’écart est fréquent entre les exigences de la formation et la pratique de terrain. « Les employeurs doivent comprendre que les jeunes ont, certes, un statut de salarié, mais qu’ils sont en situation d’apprentissage. Quand l’activité déborde, on risque de l’oublier. Un bon suivi suppose, entre autres, qu’ils ne soient pas ballottés d’une structure à l’autre au gré des besoins, mais qu’ils puissent être accompagnés de manière régulière, dans un même service. Et que les maîtres d’apprentissage soient outillés. J’ai mis en place, dans un des établissements dans lesquels j’ai exercé, des réunions hebdomadaires autour du tutorat impliquant les équipes, une heure par semaine, et nous avons réussi à réaliser un livre d’accueil pour les stagiaires et les alternants. C’était une première étape nécessaire. »

Des postulants au tutorat

La charge de travail supplémentaire pour un maître d’apprentissage (rémunérée de 80 € à 100 € mensuels par apprenti accompagné) ne semble pas être un obstacle pour trouver des candidats à la fonction. Une mission qui ne s’improvise pas et qui suppose, en premier lieu, d’identifier des binômes qui s’entendent. « Les directions des établissements doivent repérer des professionnels ayant les bonnes compétences et l’envie. Dans un contexte où les salariés sont débordés, la démarche n’est pas toujours simple, reconnaît Françoise Toudic, responsable de l’Arfass, CFA des métiers de l’accompagnement et du soin en Bretagne, qui propose une formation à la fonction de maître d’apprentissage. L’idéal serait même que les maîtres d’apprentissage participent à la sélection des futurs apprentis, afin de s’assurer que le binôme fonctionnera bien. Quand il s’agit, par exemple, d’une formation d’éducateur spécialisé sur trois ans, si le courant passe mal, le suivi risque d’être compliqué… » Quand les établissements eux-mêmes considèrent l’importance du rôle de ces référents, en leur laissant les moyens d’agir, les candidats ne manquent pas. « Cela fait partie de l’ADN des travailleurs sociaux, estime Florence Breitwieser, directrice du CFA sanitaire et social de Montpellier. Pour les aides-soignants, la chose est sans doute moins évidente a priori, mais certains d’entre eux s’impliquent vraiment sur cette mission à dimension managériale, y consacrent parfois du temps en dehors de leurs heures de travail. »

Quand, à Vannes (Morbihan), Valère Pottin, directeur du foyer de vie pour adultes handicapés La Sittelle, dépendant de l’Adapei 56, a recruté l’an dernier quatre apprentis dont trois préparant le diplôme d’accompagnant éducatif et social (AES), les postulants ont été nombreux. « J’ai communiqué cette possibilité à tous les salariés et j’ai reçu plus de candidatures qu’il n’y avait de postes d’apprentis, relève le directeur. Nos équipes ont l’habitude d’accueillir des stagiaires, et l’investissement nécessaire à l’accompagnement ne les rebute pas. Nous favorisons une certaine souplesse pour aménager les temps de suivi et de rencontre nécessaires entre le maître d’apprentissage et l’apprenti. » Anita Potier, maître d’apprentissage – formée à la fonction – d’une jeune femme préparant le diplôme d’AES au sein du foyer La Sittelle, insiste sur la proximité nécessaire avec son apprentie. « Nous faisons le point tous les quinze jours ou toutes les trois semaines. Pendant une à deux heures, je réponds aux nombreuses questions qu’elle se pose, je la conseille dans l’élaboration des dossiers qu’elle doit rendre… » N’exerçant pas dans la même équipe que la jeune femme, l’éducatrice estime que cela permet « une plus grande liberté pour elle d’évoquer son quotidien, ses éventuelles difficultés. De mon côté, je suis en lien avec sa responsable hiérarchique, au moment de l’évaluation, par exemple. »

Un engagement volontaire

Roland Mesurini, éducateur spécialisé, maître d’apprentissage depuis septembre 2022 au sein du service de prévention spécialisée de l’association La Sauvegarde 69, s’est engagé pour « transmettre » ses connaissances, « d’autant que notre activité spécifique dans le champ du social n’est pas très connue. Je me suis vite rendu compte que cette mission ne s’improvise pas, qu’il ne suffit pas d’avoir de la bonne volonté et d’être un bon professionnel pour le faire bien. On doit connaître les attentes de l’organisme de formation, se munir d’outils d’accompagnement, de suivi, de bilan… et donc se former. »

Sans doute favorisées par le « plus » salarial dont bénéficient les maîtres d’apprentissage, les vocations ne manquent donc pas, et à tout âge, selon Eric Furstos, directeur de l’Institut Saint-Laurent, à Lyon, et coordinateur du groupement partenarial de la formation tutorale, regroupant les organismes de formation du secteur en Auvergne-Rhône-Alpes. « Nous comptons dans nos formations de tuteurs et de maîtres d’apprentissage presque plus de jeunes professionnels que de personnes expérimentées. Il y a dix ans, beaucoup venaient parce qu’ils y étaient obligés. Aujourd’hui, on sent une forte volonté de s’engager, de transmettre des compétences et, en même temps, d’en acquérir. Je ne rencontre plus personne qui vient en formation sans conviction. » Une certaine professionnalisation des tuteurs et maîtres d’apprentissage, aidée par la formation obligatoire, est ainsi en chemin. Probablement un moyen, dans un quotidien difficile et des perspectives d’évolution professionnelle parfois réduites, de donner un sens supplémentaire à son travail…

Pour le secteur, l’enjeu est de taille : une fois diplômé, un apprenti satisfait de son expérience dans un établissement aura tendance à rester quelques années chez son employeur d’accueil ou, au moins, dans le métier pour lequel il a été formé. « Dans tous les cas, nous sommes gagnants », conclut Valère Pottin.

Trois modules de 40 heures

La formation de branche du secteur sanitaire, social et médico-social pour les tuteurs et maîtres d’apprentissage comprend trois modules de 40 heures chacun. Le premier, dispensant les bases de la fonction tutorale, est obligatoire. Le deuxième permet d’approfondir les missions (notamment en matière d’évaluation). Et le troisième, de devenir tuteur référent (pour être responsable de l’organisation du tutorat dans un même établissement). Une nouvelle certification est en cours, qui permettra de préparer la formation dans le cadre du compte personnel de formation (CPF). « Elle se présentera en blocs de compétences qui pourront être validés par équivalence en fonction des diplômes initiaux des tuteurs et maîtres d’apprentissage, précise Eric Furstos. Nous croulons sous les demandes d’inscription à la formation telle qu’elle existe aujourd’hui. »

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